Traité élémentaire de la peinture/306

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 251-252).


CHAPITRE CCCVI.

En peinture, la première chose qui commence à disparoître, est la partie du corps laquelle a moins de densité.

Entre les parties du corps qui s’éloignent de l’œil, celle qui est plus petite disparoît la première, d’où il s’ensuit que la partie la plus grande sera aussi la dernière à disparoître ; c’est pourquoi il ne faut point qu’un Peintre termine beaucoup les petits membres des choses qui sont fort éloignées ; mais qu’il se comporte en ces occasions suivant les règles que j’ai données. Combien voit-on de Peintres, lesquels en peignant des villes et d’autres choses éloignées de l’œil, font des dessins d’édifices aussi finis que si ces objets étoient vus de fort près, ce qui est contre l’expérience ; car il n’y a point de vue assez forte et assez pénétrante, pour discerner dans un grand éloignement les termes et les dernières extrémités des corps ; c’est la raison pourquoi un Peintre ne doit toucher que légèrement les contours des corps fort éloignés de la vue, sans autre chose que les termes ou finimens de leurs propres superficies, sans les faire durs ni tranchés : il doit aussi prendre garde, en voulant peindre une distance fort éloignée, de n’y pas employer un azur si vif, que par un effet tout contraire, les objets paroissent peu éloignés et la distance fort petite : il faut encore observer dans la représentation des bâtimens d’une ville dans un lointain, de n’y faire point paroître les angles, parce qu’il est impossible de les voir de loin.