Traité élémentaire de la peinture/107

Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 93-95).


CHAPITRE CVII.

De la perspective des couleurs.

La même couleur étant posée en plusieurs distances et à des hauteurs inégales, la sensation ou la force de son coloris sera relative à la proportion de la distance qu’il y a de chacune des couleurs jusqu’à l’œil qui les voit ; en voici la preuve. Soit E B C D la même couleur divisée en autant de parties égales, dont la première E ne soit éloignée de l’œil que de deux degrés. La seconde B en soit distante de quatre degrés ; la troisième C soit à six degrés, et la quatrième D soit à huit degrés ; comme il paroît par les cercles qui vont se couper et terminer sur la ligne A R. Ensuite, soit supposé que l’espace A R S P soit un degré d’air subtil, et S P E T


soit un autre degré d’air plus épais ; il s’ensuivra que la première couleur E, pour venir à l’œil, passera par un degré d’air épais E S, et par un autre degré d’air moins épais S A, et la couleur B enverra son espèce ou son image à l’œil A, par deux degrés d’air épais, et par deux autres d’un air plus subtil, et la couleur C la portera par trois degrés d’air épais, et par trois de plus subtil, et la couleur D par quatre degrés de l’air épais, et par quatre d’un air plus subtil. Ainsi, il est assez prouvé par cet exemple, que la proportion de l’affoiblissement et de la dégradation des couleurs est telle que celle de leur distance de l’œil qui les voit ; mais cela n’arrive qu’aux couleurs qui sont à notre hauteur, parce qu’à celles dont les hauteurs sont inégales, la même règle ne s’y garde pas, étant situées dans les portions d’air, dont la diverse épaisseur les altère et les affoiblit diversement.