Traduction d’un sonnet de Th. Crudeli

Traduction d’un sonnet de Th. Crudeli
Œuvres complètes de Diderot, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierIX (p. 70).
TRADUCTION
d’un
SONNET DE TH. CRUDELI[1]
pour les noces d’une dame milanaise

[c’est la virginité qui parle :]

« Voilà les bords de la couche nuptiale. C’est là qu’un époux t’attend. Adieu. Je m’en vais. Il ne m’est pas permis de te suivre plus loin. Je t’ai gardée tous les instants de ta jeunesse la plus tendre, et[2] certes tu n’as pas peu servi à accroître la gloire de mon règne. Mais tu vas être épouse ; et tu seras mère, si le ciel seconde l’espoir de la province et le désir commun de nos peuples. Déjà le folâtre Amour ravage[3] les lis et éparpille les feuilles délicates de la rose qu’il a fait éclore. Adieu. » Ainsi la déesse parla et disparut comme l’éclair. La jeune innocente, qui la voyait s’en aller et qui la regrettait encore, la rappela trois fois en vain. Mais la Fécondité descendit du ciel et se présenta devant elle dans tout son éclat. Elle saisit une de ses mains, qu’elle mit dans celles de son époux, et le Plaisir prit la place de la Douleur.


  1. Quoique cette traduction soit en prose, nous croyons pouvoir la placer ici. Grimm, qui a donné le texte italien et la traduction de Diderot (1er  août 1764), dit : « Je ne sais pourquoi on a oublié ce sonnet dans le recueil des poésies de Crudeli ; on ne peut rien lire de plus beau, de plus noble et de plus poétique. » On se rappelle que Diderot s’est servi du nom de Crudeli pour le Dialogue avec la Maréchale, t. II. Le manuscrit autographe de ce petit morceau appartient à M. Dubrunfaut.
  2. Ajouté.
  3. Remplaçant : pille.