A. Méricant (3p. Ill.-164).


Femme japonaise.

LES JAPONAISES

Les Japonais proprement dits, dont il faut distinguer les Aïnos, et auxquels une légende nationale donne pour ancêtres trois cents jeunes hommes et trois cents jeunes filles envoyés de Chine par l’empereur Tsinchi-hoang-ti, à la recherche de la « fleur d’immortalité », sont en réalité le produit d’un mélange de races dans lequel se sont rencontrés des Négritos, des Jaunes, Chinois ou Mandchoux, et des blancs de diverses origines. On peut dire qu’il n’y a pas un type japonais mais bien deux : celui des paysans et celui des nobles ; ils se distinguent mieux encore chez les femmes que chez les hommes et, entre eux, se manifestent de multiples types intermédiaires.

La Japonaise, en général, est de taille moyenne, plutôt petite ; son corps est plus grêle, sa poitrine d’un contour plus faible que chez l’Européenne ; les attaches sont d’une grande finesse et, si les genoux sont très écartés, c’est par suite de l’habitude qu’ont les mères de porter les jeunes enfants sur leur dos, en leur attachant les pieds sur le côté. Cette disposition particulière permet d’ailleurs à une femme de se reposer, à genoux, assise sur les talons, la pointe des pieds tournée en dedans. Placer les pieds de cette façon en marchant, constitue même le summum de l’élégance.

Les Japonaises du type paysan ressemblent assez à la généralité des Asiatiques d’Extrême-Orient. Leur figure est large et plate ; elles ont le front bas, le nez écrasé entre les pommettes saillantes, les yeux presque droits, la bouche constamment à demi ouverte. Celles du type noble ont la peau plus blanche, la face plus ovale, le front plus haut ; la bouche est mince et surmontée d’un nez aquilin ; la saillie des pommettes est presque nulle ; des paupières sans relief compriment les yeux très petits et les font paraître légèrement obliques. C’est ce dernier type que les poètes ont chanté, que les peintres désireux de flatter l’aristocratie ont reproduit en en exagérant les traits dont ils ont fait les attributs de la parfaite beauté.

Dans l’ensemble, si l’irrégularité des lignes ne satisfait pas toujours pleinement notre regard, la douceur du coup d’œil, jointe au charme du sourire dégage, une grâce séductrice. Il en est qui, pour la fraîcheur du teint, délicatement rosé, pourraient rivaliser
Femme japonaise.

avec les plus jolies des femmes d’Europe et c’est à juste titre que Kioto, par exemple, peut, ainsi que la plus grande partie de la région méridionale de l’Empire, s’enorgueillir de donner naissance à de véritables beautés.

Malheureusement, la vieillesse vient vite pour elles. À trente ans, les rides ont déjà creusé leur sillon sur un visage où le feu des yeux révèle seul une jeunesse persistante.

Plus que les hommes, les femmes, même celles des hautes classes, sont restées jusqu’ici fidèles à leur costume national. Elles continuent à édifier leur chevelure en un volumineux chignon, mêlé de cheveux postiches, qui domine deux ailes retenues par une touffe de cheveux relevée au-dessous du front ; la stabilité du tout est assurée par un peigne en écaille, des nœuds d’étoffe et de longues épingles très ornementées. La coiffure d’une belle Japonaise demande une demi-journée de travail. Les femmes du peuple, qui ne peuvent y consacrer leurs soins qu’une ou deux fois par semaine, dorment sans oreiller, la nuque posée sur un chevalet, afin que la tête ne touche ni aux nattes, ni aux étoffes sur lesquelles elles reposent.

D’une propreté exemplaire, elles font un usage fréquent des réservoirs d’eau et des auges de pierre qui, à défaut de salles de bains, se rencontrent dans toutes les maisons. On peut leur reprocher un goût exagéré pour les fards : blanc minéral qui recouvre leur visage et leur cou, carmin avivant l’éclat de leurs joues, noir dont elles rehaussent leurs sourcils, feuilles d’or que parfois, au lieu de carmin, elles appliquent sur leurs lèvres. Les jeunes filles ont, le plus souvent, de jolies dents blanches ; mais, dès qu’elles se marient, elle les revêtent d’une épaisse couche de laque noire. Il paraît que les Japonais trouvent aux dents noires un charme tout spécial.

Les règlements sévères qui fixaient jadis la coupe et la couleur des vêtements pour toutes les classes et pour tous les rangs ont été abolis, mais le kimono, dont la forme est la même pour tous, est resté le costume national. C’est une robe de soie ou de coton, que recouvrent des broderies ou des dessins, et dont les larges manches servent de poches et peuvent se remplir de cahiers de papier destinés à servir de mouchoirs et de serviettes. Cette robe est maintenue à la taille par une large ceinture, en étoffe épaisse, aux couleurs vives, formant dans le dos un nœud énorme d’un pied de large.

Le mariage au Japon est, comme en Chine, un lien très étroit pour la femme, très peu gênant pour l’homme. Outre qu’il tolère la polygamie par l’institution des mekakes qui peuvent être adjointes à la grande femme, il
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donne au mari le droit de répudier sa femme, presque à son caprice. Moins jalousement surveillées cependant que les Chinoises, les Japonaises peuvent sortir à peu près librement en public ; elles sont traitées avec ménagements et, dans les classes élevées de la nation, elles doivent, en général, à la bonne instruction qu’elles ont acquise comme aux qualités qui leur sont propres, une réelle considération. Ce sont d’excellentes ménagères, de fidèles épouses, des mères pleines de soins attentifs pour leurs enfants qu’elles adorent.

Celles d’entre elles qui ont contracté avec des Européens des unions temporaires ont réussi à les séduire par les prévenances dont elles les entouraient, par les vertus d’ordre, de propreté, de bonne tenue domestiques, grâce auxquelles elles assuraient le confort du ménage.

Les lois anciennes permettaient au père ou au mari d’une fille ou d’une femme de la vendre à leur guise. De récents décrets ont aboli ce droit, mais le père, s’il ne peut plus vendre sa fille, est toujours libre de la louer et il ne s’en prive pas.

Les parents d’une petite fille la louent dès l’âge de douze ou treize ans, pour trois, cinq ou sept années, à un prix qui varie entre 500 et 1 000 francs, aux tenanciers d’un yochiwara. Là, dans un quartier spécial, le long de voies très brillamment éclairées la nuit, dans une maison élégante, au rez-de-chaussée surélevé et séparé de la rue par une simple grille de fer ou de bois, elle attendra la clientèle, peinte et fardée, recouverte d’un riche costume aux couleurs éclatantes, buvant du thé, fumant de mignonnes pipes. La maison se charge de l’entretien de ses pensionnaires et donne aux mieux douées d’entre elles l’éducation qui doit leur permettre de devenir des artistes, des gueichas.

La jeune fille n’est en rien déshonorée par ce passage dans une maison de débauche ; au contraire, si elle s’y est résolue d’elle-même, dans le but de secourir la misère de ses parents, elle s’en trouve grandement honorée. Son engagement terminé, elle quitte le yochiwara pour rentrer au foyer paternel et la dot qu’elle a gagnée lui permet de se marier avantageusement. Il y a bien des chances, d’ailleurs, pour qu’elle fasse une excellente mère de famille, modèle des vertus conjugales.