Thomas Jefferson/Déclaration de l’indépendance/Texte adopté par le congrès
Déclaration unanime des treize Colonies-Unies.
Lorsque, dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attaché à un autre, et de prendre, parmi les puissances de la terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l’opinion de l’humanité l’oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.
Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : Tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par leur créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir et d’établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l’organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères ; et l’expérience de tous les temps a montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu’à se faire justice à eux-mêmes, en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés. Mais lorsqu’une longue suite d’abus et d’usurpations, tendant invariablement au même but, marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement, et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. Telle a été la patience de ces Colonies, et telle est aujourd’hui la nécessité qui les force à changer leurs anciens systèmes de gouvernement. L’histoire du roi actuel de Grande-Bretagne est l’histoire d’une série d’injustices et d’usurpations répétées, qui toutes avaient pour but direct l’établissement d’une tyrannie absolue sur ces États. Pour le prouver, soumettons les faits au monde impartial.
Il a refusé sa sanction aux lois les plus salutaires et les plus nécessaires au bien public. Il a défendu à ses gouverneurs de consentir à des lois d’une importance immédiate et urgente, à moins que leur mise en vigueur ne fût suspendue jusqu’à l’obtention de sa sanction, et les lois ainsi suspendues, il a absolument négligé d’y donner attention.
Il a refusé de sanctionner d’autres lois pour l’organisation de grands districts, à moins que le peuple de ces districts n’abandonnât le droit d’être représenté dans la législature, droit inestimable pour un peuple, et qui n’est redoutable qu’aux tyrans.
Il a convoqué des assemblées législatives dans des lieux inusités, incommodes et éloignés des dépôts de leurs registres publics, dans la seule vue d’obtenir d’elles, par la fatigue, leur adhésion à ses mesures.
À diverses reprises, il a dissous des chambres de représentants parce qu’elles s’opposaient avec une mâle fermeté à ses empiétements sur les droits du peuple.
Après ces dissolutions, il a refusé pendant longtemps de faire élire d’autres chambres de représentants, et le pouvoir législatif, qui n’est pas susceptible d’anéantissement, est ainsi retourné au peuple tout entier pour être exercé par lui, l’État restant, dans l’intervalle, exposé à tous les dangers d’invasions du dehors et de convulsions au-dedans.
Il a cherché à mettre obstacle à l’accroissement de la population de ces États. Dans ce but, il a mis empêchement à l’exécution des lois pour la naturalisation des étrangers ; il a refusé d’en rendre d’autres pour encourager leur émigration dans ces contrées, et il a élevé les conditions pour les nouvelles acquisitions de terres.
Il a entravé l’administration de la justice, en refusant sa sanction à des lois pour l’établissement de pouvoirs judiciaires.
Il a rendu les juges dépendants de sa seule volonté, pour la durée de leurs offices et pour le taux et le paiement de leurs appointements.
Il a créé une multitude d’emplois, et envoyé dans ce pays des essaims de nouveaux employés pour vexer notre peuple et dévorer sa substance.
Il a entretenu parmi nous, en temps de paix, des armées permanentes sans le consentement de nos législatures. Il a affecté de rendre le pouvoir militaire indépendant de l’autorité civile et même supérieur à elle.
Il s’est coalisé avec d’autres pour nous soumettre à une juridiction étrangère à nos constitutions et non reconnue par nos lois, en donnant sa sanction à des actes de prétendue législation, ayant pour objet de mettre en quartier parmi nous de gros corps de troupes armées ; de les protéger par une procédure illusoire contre le châtiment des meurtres qu’ils auraient commis sur la personne des habitants de ces provinces ; de détruire notre commerce avec toutes les parties du monde ; de nous imposer des taxes sans notre consentement ; de nous priver, dans plusieurs cas, du bénéfice de la procédure par jurés, de nous transporter au delà des mers pour être jugés à raison de prétendus délits ; d’abolir, dans une province voisine, le système libéral des lois anglaises, d’y établir un gouvernement arbitraire, et de reculer ses limites, afin de faire à la fois de cette province un exemple et un instrument propre à introduire le même gouvernement absolu dans ces colonies ; de retirer nos chartes, d’abolir nos lois les plus précieuses, et d’altérer dans leur essence les formes de nos gouvernements ; de suspendre nos propres législatures et de se déclarer eux-mêmes investis du pouvoir de faire des lois obligatoires pour nous, dans tous les cas quelconques.
Il a abdiqué le gouvernement de notre pays, en nous déclarant hors de sa protection et en nous faisant la guerre.
Il a pillé nos mers, ravagé nos côtes, brûlé nos villes et massacré nos concitoyens.
En ce moment même, il transporte de grandes armées de mercenaires étrangers pour accomplir l’œuvre de mort, de désolation et de tyrannie, qui a été commencée avec des circonstances de cruauté et de perfidie dont on aurait peine à trouver des exemples dans les siècles les plus barbares, et qui sont tout à fait indignes du chef d’une nation civilisée.
Il a excité parmi nous l’insurrection domestique, et il a cherché à attirer sur les habitants de nos frontières les Indiens, ces sauvages sans pitié, dont la manière bien connue de faire la guerre est de tout massacrer, sans distinction d’âge, de sexe, ni de condition.
Dans tout le cours de ces oppressions, nous avons demandé justice dans les termes les plus humbles ; nos pétitions répétées n’ont reçu pour réponse que des injustices répétées.
Un prince dont le caractère est ainsi marqué par les actions qui peuvent signaler un tyran est impropre à gouverner un peuple libre.
Nous n’avons pas non plus manqué d’égards envers nos frères de la Grande-Bretagne. Nous les avons de temps en temps avertis des tentatives faites par leur législature pour étendre sur nous une injuste juridiction. Nous leur avons rappelé les circonstances de notre émigration et de notre établissement dans ces contrées.
Nous avons fait appel à leur justice et à leur magnanimité naturelle, et nous les avons conjurés, au nom des liens d’une commune origine, de désavouer ces usurpations qui devaient inévitablement interrompre notre liaison et nos bons rapports. Eux aussi ont été sourds à la voix de la raison et de la consanguinité. Nous devons donc nous rendre à la nécessité qui commande notre séparation et les regarder, de même que le reste de l’humanité, comme des ennemis dans la guerre et des amis dans la paix.
En conséquence, nous, les représentants des États-Unis d’Amérique assemblés en congrès général, prenant à témoin le juge suprême de l’univers de la droiture de nos intentions ;
Publions et déclarons solennellement, au nom et par l’autorité du bon peuple de ces colonies, Que ces Colonies-unies sont et ont le droit d’être des États libres et indépendants ; qu’elles sont dégagées de toute obéissance envers la couronne de la Grande-Bretagne ; que tout lien politique entre elles et l’État de la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous ; et que, comme États libres et indépendants, elles ont pleine autorité de faire la guerre, de conclure la paix, de contracter des alliances, de réglementer le commerce et de faire tous les autres actes ou choses que les États indépendants ont droit de faire ; et pleins d’une ferme confiance dans la protection de la divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de cette Déclaration, nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré, l’honneur.
John Hancock, Button Gwinnett, Lyman Hall, Geo. Walton, Wm Hooper, Joseph Hewes, John Penn, Edward Rutledge, Thomas Lynch Jr, Arthur Middleton, Samuel Chase, Wm Paca, Tho. Stone, Charles Carroll de Carrolton, George Wythe, Richard-Henry Lee, Th. Jefferson, Benj. Harrison, Th. Nelson Jr, Francis Liguifoot Lee, Carler Braxton, Rob. Morris, Benj. Rush, Benj. Franklin, John Morton, Geo. Clymer, Ja. Smith, Geo. Taylor, James Wilson, Geo. Ross, Cæsar Rodney, Geo. Read, Thomas M’Read, W. Floyd, Phil. Livingston, Francis Lewis, Lewis Morris, Rich. Stockton, Jh Witherspoon, Franç. Hopkinson, Joh. Hart, Abra. Clark, Josiah Bartlett, W. Whipple, Sam. Adams, John Adams, Rob. Treat Paine, Elbridge Gerry, Steph. Hopkins, William Ellery, Roger Sherman, Sam. Huntington, W. Williams, Oliver Wolcott, Matthew Thornton.