Théorie du mouvement des corps célestes/L2S4

Traduction par Edmond Dubois.
(p. 291-294).

QUATRIÈME SECTION.
DE LA DÉTERMINATION DES ORBITES, EN AYANT ÉGARD AUX PERTURBATIONS.
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Les perturbations déterminées dans le mouvement des planètes par l’action des autres planètes sont tellement petites et si lentes, qu’elles ne deviennent seulement sensibles qu’après un long intervalle de temps : dans un petit intervalle, ou même, suivant les circonstances, après une ou plusieurs révolutions entières, le mouvement diffère si peu du mouvement elliptique, exactement décrit d’après les lois de Képler, que les observations ne peuvent constater les déviations. Tant que les choses se passent ainsi, il ne servirait à rien d’entreprendre prématurément un calcul des perturbations, et il suffira d’adapter aux observations une section conique qu’on peut appeler osculatrice ; mais, après cela, quand la planète a été soigneusement observée pendant un temps plus long, l’effet des perturbations se manifestera enfin de telle sorte qu’il ne sera plus possible de satisfaire exactement plus longtemps à toutes les observations par un mouvement purement elliptique ; on ne pourra donc établir une harmonie complète et durable, qu’en joignant d’une manière convenable les perturbations au mouvement elliptique.

Puisque la détermination des éléments elliptiques avec lesquelles doivent être combinées les perturbations, pour que les observations soient exactement représentées, suppose une connaissance de ces perturbations, et que réciproquement, la théorie des perturbations ne peut être soigneusement établie, à moins que les éléments ne soient déjà très-approximativement connus, la nature du sujet ne permet pas d’accomplir ce travail difficile avec un succès complet par un premier effort ; mais les perturbations et les éléments pourront, par des corrections alternatives et plusieurs fois répétées, être portées au plus haut degré de précision. La première théorie des perturbations sera donc établie sur les éléments purement elliptiques, qui ont été adaptés le plus près aux observations ; on cherchera après cela une nouvelle orbite qui, jointe à ces perturbations, doit satisfaire le plus possible aux observations. Si cette orbite diffère considérablement de la première, une seconde détermination des perturbations sera établie sur cette orbite, et ces corrections seront répétées alternativement, jusqu’à ce que les observations, les éléments et les perturbations s’accordent le plus étroitement possible.

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Puisque le développement de la théorie des perturbations d’après des éléments donnés est étranger à notre sujet, nous montrerons seulement ici de quelle manière on peut corriger une orbite approchée pour que, jointe à des perturbations données, elle satisfasse le plus possible aux observations. Ce travail s’accomplit de la manière la plus simple par une méthode analogue à celle que nous avons exposée dans les art. 124, 165, 188.

Pour les époques de toutes les observations que l’on se propose d’employer à ce but et qui, selon les circonstances, pourront être trois, quatre ou un plus grand nombre, les valeurs numériques des perturbations seront calculées, d’après les équations, pour les longitudes dans l’orbite, les rayons vecteurs et aussi pour les latitudes héliocentriques. Pour ce calcul, les arguments seront tirés des éléments elliptiques approchés, sur lesquels a été établie la théorie des perturbations. Parmi toutes les observations, on en choisira ensuite deux pour lesquelles on calculera les distances à la Terre d’après les mêmes éléments approchés ; ces distances constitueront la première hypothèse ; la seconde et la troisième seront formées en altérant un peu ces distances. Dans chaque hypothèse, on déterminera ensuite, au moyen des deux lieux géocentriques, les positions héliocentriques et les distances au Soleil ; de celles-ci, après que les latitudes auront été corrigées des perturbations, on déduira la longitude du nœud ascendant, l’inclinaison de l’orbite et les longitudes dans l’orbite. Pour ce calcul la méthode de l’art. 110 a besoin de quelque modification, si l’on trouve qu’il y a lieu d’avoir égard à la variation séculaire de la longitude du nœud et de l’inclinaison. En désignant par les latitudes héliocentriques corrigées des perturbations périodiques ; par les longitudes héliocentriques ; par les longitudes du nœud ascendant ; par l’inclinaison de l’orbite ; il conviendra de prendre les équations dans la forme suivante :

La valeur de est obtenue ici avec toute la précision nécessaire, en prenant, à la place de sa valeur approchée ; et pourront ensuite être déterminées par les méthodes ordinaires.

De plus, l’ensemble des perturbations sera retranché des deux longitudes dans l’orbite et aussi des deux rayons vecteurs, afin de produire des valeurs purement elliptiques. Mais ici, l’effet que déterminent dans la longitude dans l’orbite et sur le rayon vecteur les variations séculaires de la position du périhélie et de l’excentricité, et qui doit être déterminé par les formules différentielles de la Section I du premier Livre, doit aussi être immédiatement combiné avec les perturbations périodiques, pourvu que les observations soient assez distantes l’une de l’autre pour qu’on juge nécessaire d’en tenir compte. Les autres éléments seront déterminés au moyen de ces longitudes dans l’orbite et des rayons vecteurs corrigés, et aussi des époques correspondantes ; et enfin, à l’aide de ces éléments, les positions géocentriques, pour toutes les autres observations, seront calculées. En comparant ces positions avec celles observées, de la manière que nous l’avons expliqué dans l’art. 188, on obtiendra le système de distances d’après lequel se déduiront les éléments satisfaisant le mieux possible à toutes les autres observations.

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La méthode exposée dans l’article précédent a été principalement ajustée à la détermination d’une première orbite renfermant des perturbations ; mais aussitôt que les éléments moyens elliptiques, et aussi les équations des perturbations sont déjà approximativement connus, on obtiendra très-commodément la plus exacte détermination au moyen du plus grand nombre possible d’observations, par la méthode de l’art. 187, qui n’exige pas ici d’explication particulière. Si le nombre des meilleures observations est ici assez grand, et qu’un grand intervalle de temps soit embrassé, cette méthode pourra aussi servir, dans plusieurs cas, à la détermination la plus précise des masses des planètes perturbatrices, au moins des plus grandes. En effet, si la masse de quelque planète perturbatrice adoptée dans le calcul des perturbations ne semble pas encore assez certaine, on introduira, en outre des six inconnues qui dépendent de la correction des éléments, une autre inconnue en admettant que la masse corrigée soit à la masse supposée comme est à on pourra alors supposer que les perturbations elles-mêmes changent dans le même rapport, d’où, évidemment, il se produira dans chacune des positions calculées un nouveau terme linéaire, contenant dont le développement ne sera sujet à aucune difficulté. La comparaison des positions calculées avec les positions observées, suivant les principes exposés ci-dessus, fournira en même temps et la correction des éléments et la correction De cette manière, les masses de plusieurs planètes, même de celles qui exercent des perturbations assez considérables, pourront être déterminées plus exactement. Sans aucun doute, le mouvement des nouvelles planètes, surtout Pallas et Junon, qui éprouvent de si grandes perturbations dues à Jupiter, devra fournir, après quelques dizaines d’années, une détermination très-exacte de la masse de Jupiter ; et il sera peut-être même permis de connaître un jour la masse de l’une ou de l’autre de ces nouvelles planètes, d’après les perturbations qu’elles exercent sur les autres.