Théorie des fonctions analytiques/Partie II/Chapitre 04

Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 220-231).
Chapitre V  ►
Seconde partie


CHAPITRE IV.

Des contacts du second ordre. Théorie et construction des équations primitives singulières dans les ordres supérieurs. Exemple contenant la théorie analytique des développées.

20. Considérons maintenant les contacts du second ordre, et, prenant

pour l’équation de la courbe du contact, supposons qu’il y ait entre les trois éléments la relation donnée par l’équation

Comme les valeurs de ces éléments doivent se tirer des trois équations (no 10)

si l’on désigne ces valeurs par l’équation du problème sera

qu’on voit être du second ordre. Les trois équations

donneront, en prenant les fonctions primes dans la supposition de constantes, la même équation

du troisième ordre, qui sera le résultat de l’élimination de au moyen des trois équations précédentes, combinées avec l’équation tierce (no 46, Ire Partie)

par conséquent, on aura nécessairement

étant des fonctions de et sans de sorte qu’en prenant les fonctions primes de l’équation

on aura

savoir

équation qui se partage naturellement dans ces deux-ci,

dont la première est du troisième ordre et dont la seconde n’est que du second.

L’équation a, comme nous l’avons déjà vu, pour équation primitive complète l’équation même

de la courbe du contact, dans laquelle sont les trois constantes arbitraires ; mais, comme l’équation du problème

n’est que du second ordre, il doit y avoir une relation entre ces trois constantes qui les réduise à deux arbitraires, et cette relation est donnée par l’équation

qui résulte de la précédente, en substituant les valeurs de tirées des équations

L’autre équation étant du second ordre, on pourra, par son moyen, éliminer la fonction de l’équation

et la résultante sera une équation primitive de celle-ci du premier ordre, mais qui ne contiendra point de constante arbitraire. Cette équation sera donc le résultat de l’élimination des quantités et au moyen des équations

Or, en regardant comme des fonctions de la fonction prime de sera

en dénotant simplement par les fonctions primes de prises relativement à regardées comme seules variables ; donc les deux équations

emporteront celle-ci :

De plus, la fonction prime de sera, par la même raison,

en dénotant de même par les fonctions primes de prises relativement à regardées comme seules variables ; et, comme dans la formation de ces fonctions dérivées on regarde les quantités comme indépendantes de et il est aisé de prouver, par les principes établis dans la Ire Partie (no 74), que les fonctions seront la même chose que les fonctions

primes des fonctions prises relativement à et Donc les deux équations

emporteront encore nécessairement cette autre-ci :

Si donc on combine les deux équations

avec l’équation

qui résulte de en prenant les fonctions primes, on aura, par l’élimination des quantités et une équation en et sans laquelle sera équivalente à celle qu’on aurait déduite des deux équations

par l’élimination de Ainsi, il n’y aura plus qu’à éliminer au moyen des équations

et le résultat final sera la même équation primitive du premier ordre de l’équation

laquelle, ne contenant point, par sa nature, de constantes arbitraires, ne pourra être qu’une équation primitive singulière.

En effet, si, pour simplifier la solution, on commence par tirer la valeur de l’équation

et qu’on la représente par alors la solution se réduira à éliminer et entre les deux équations

et les deux équations primes de celles-ci, prises relativement à et seuls, et divisées par procédé analogue à celui du no 18.

21. En général, si l’on a une équation en et deux constantes arbitraires et que nous représenterons par

en éliminant ces deux constantes par le moyen des deux équations dérivées

on aura une équation du second ordre

qui appartiendra à toutes les courbes représentées par l’équation

en donnant à et des valeurs quelconques, et dont, par conséquent, celle-ci sera l’équation primitive complète.

Donc elle appartiendra aussi à la courbe ou aux courbes formées par toutes ces courbes, et qui les envelopperont de manière qu’elles aient avec chacune d’elles un contact du second ordre, c’est-à-dire dans lequel les et soient les mêmes. Mais, les quantités et étant constantes dans chaque courbe enveloppée et variables dans les courbes enveloppantes, pour que les et soient les mêmes dans les deux hypothèses, il faudra que les équations d’où elles dépendent soient aussi les mêmes. Or, dans la supposition de et variables, l’équation

donne l’équation prime

donc, pour que cette équation se réduise à

comme dans le cas de et constantes, il faudra que l’on ait

De la même manière, l’équation

donne, dans le cas de et variables, cette équation dérivée

laquelle ne peut se réduire à

comme dans le cas de et constantes, qu’en supposant

Ayant ainsi les quatre équations

il n’y aura qu’à éliminer et et l’on aura une équation du premier ordre entre et qui sera celle des courbes enveloppantes et qui sera en même temps l’équation primitive singulière de la même équation

On voit par là comment la théorie des équations primitives singulières peut s’étendre au second ordre et aux ordres supérieurs. On voit en même temps que ces équations représentent toujours des courbes enveloppantes et qui ont des contacts d’un ordre donné avec les courbes enveloppées, représentées par les équations primitives complètes, dans lesquelles les constantes arbitraires varient d’une courbe à l’autre. Ceci peut servir de supplément et de complément à la théorie des équations primitives exposée dans la première Partie (no 60).

Au reste, de même que les quatre équations ci-dessus

donnent, par l’élimination de et une équation du premier ordre en et ces équations donneront également, par l’élimination de ces trois dernières quantités, une équation en et qui renfermera les relations que doivent avoir entre elles les deux variables et d’où l’on voit que ces quantités, qui sont indépendantes entre elles dans chacune des courbes enveloppées, ne le sont plus lorsqu’elles se rapportent à la courbe enveloppante. On trouvera des résultats semblables pour les équations et les courbes des ordres supérieurs.

22. Supposons qu’on demande la courbe qui aura dans chacune de ses points un contact du second ordre avec un cercle représenté par l’équation

et dont les éléments du contact aient entre eux la relation déterminée par l’équation

La marche naturelle pour résoudre ce problème serait de substituer dans cette équation les valeurs des éléments trouvées plus haut (no 11), ce qui donnerait une équation du second ordre, d’où il faudrait remonter à l’équation primitive.

Mais, sans chercher cette équation du second ordre, on peut d’abord conclure, de ce que nous venons de démontrer, que l’on aura son équation primitive complète en-supposant les quantités constantes, ce qui redonnera la même équation au cercle. On en conclura ensuite que la même équation admettra aussi une équation primitive singulière du premier ordre, qu’on obtiendra en faisant varier les quantités de manière que les équations primes et secondes de l’équation au cercle soient les mêmes que si ces quantités étaient regardées comme constantes, et que cette équation primitive représentera alors la courbe ou les courbes formées par la réunion de tous les cercles représentés par la même équation, c’est-à-dire qui envelopperont ou embrasseront tous ces cercles.

Cette équation sera donc, par les principes établis ci-dessus, le résultat de l’élimination des quantités et entre les trois équations

et les équations primes de celles-ci, prises relativement aux seules variables savoir

Mais, comme cette équation en et pourrait se présenter sous une forme assez compliquée, il sera plus simple de chercher à déterminer les valeurs mêmes de et par une troisième variable.

Pour cela, on éliminera d’abord au moyen des deux équations

on aura celle-ci,

qui, étant combinée avec la première,

donnera sur-le-champ

De plus, si l’on substitue ces mêmes valeurs de et dans l’équation

on aura celle-ci,

laquelle, étant combinée avec l’équation

donnée par le problème, servira à déterminer deux des trois variables par la troisième, moyennant quoi les valeurs de et seront aussi exprimées par cette seule variable.

23. Comme les quantités et sont les coordonnées de la courbe qui est le lieu de tous les centres des cercles osculateurs (no 9), si l’on suppose cette courbe donnée, on aura une équation entre et par laquelle on pourra déterminer en Soit donc

on aura

Ainsi, en désignant par la fonction primitive de on aura

étant une constante arbitraire ; ces valeurs de et étant substituées dans les expressions de on aura la courbe cherchée.

Nous remarquerons maintenant que, quelle que soit la courbe des centres, l’équation

fait voir que le rayon est égal à l’arc de cette courbe (voir ci-après le no 29), de sorte que, si l’on nomme cet arc, on aura

Nous remarquerons, de plus, que le rayon sera nécessairement tangent à la même courbe, car l’angle que la tangente de cette courbe fait avec l’axe a pour tangente la quantité (no 7), et, comme le rayon du cercle osculateur est perpendiculaire à la courbe dont les coordonnées sont et (no 8), la tangente de l’angle qu’il fait avec l’axe sera (no 7) en vertu de l’équation et par conséquent la même que celle de la tangente à la courbe.

Mais, quoique cette propriété soit démontrée de cette manière, il est bon de faire voir qu’elle est une conséquence nécessaire de l’analyse employée dans la solution de la question. Pour cela, nous reprendrons les deux premières équations

lesquelles donnent

et nous observerons que ces expressions de et peuvent représenter à la fois les coordonnées de la perpendiculaire à la courbe dont et sont les coordonnées, en regardant et comme constantes et comme une variable, ainsi qu’on l’a vu dans le no 8, et les coordonnées de la courbe des centres, en regardant et comme variables et comme donnée en et (no 9).

Donc la perpendiculaire dont il s’agit sera tangente de cette dernière courbe si la fonction prime de regardée comme fonction de est la même pour la droite et pour la courbe (no 10), ou, en général, si les valeurs de et de regardées comme fonctions d’une troisième variable, sont les mêmes, et par conséquent aussi, si les valeurs de et sont les mêmes, soit que les quantités et soient traitées comme variables ou non, c’est-à-dire si dans ces valeurs les parties dépendantes des variations de et sont nulles ; or c’est ce qui a lieu en effet, comme on le voit par les équations de l’article précédent,

qui servent à la détermination de et de et qui sont les équations primes de

en y traitant et comme constantes, et comme seules variables.

Donc, puisque le rayon osculateur d’une courbe est partout tangent à la courbe des centres et est en même temps égal à l’arc de cette courbe, il s’ensuit qu’il peut être pris pour ce même arc étendu en ligne droite, et qu’ainsi toute courbe peut être regardée comme formée par le développement de celle qui est le lieu des centres des cercles osculateurs. C’est en quoi consiste la théorie des développées d’Huygens, qui n’avait été démontrée que par des considérations géométriques. L’analyse précédente fournit en même temps l’explication d’un paradoxe qui se présente lorsqu’on cherche, par les formules connues, la courbe formée par le développement d’une courbe donnée.

Si l’on substitue dans l’équation de cette courbe les expressions de ses coordonnées et en et on a évidemment une équation du second ordre, d’où il paraît s’ensuivre que l’équation en et de la courbe cherchée devrait contenir deux constantes arbitraires, tandis que la génération de cette courbe par le développement de la courbe donnée n’admet qu’une seule constante arbitraire dépendant du point où commence le développement.

La raison de cette différence consiste, comme nous venons de le démontrer, en ce que l’équation de la courbe engendrée par le développement est proprement l’équation primitive complète d’une équation du premier ordre qui n’est elle-même que l’équation primitive singulière de l’équation du second ordre, donnée par les conditions du problème et qui, par sa nature, ne peut point avoir de constante arbitraire, de sorte qu’il ne peut y avoir qu’une constante arbitraire, à raison de la première équation primitive.


Séparateur