Théorie des fonctions analytiques/Partie I/Chapitre 13

Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 151-156).
Première partie


CHAPITRE XIII.

Où l’on donne la manière de développer les fonctions d’un nombre quelconque de variables en séries terminées, composées d’autant de termes qu’on voudra, et d’avoir la valeur des restes.

78. Par une méthode analogue à celle du Chapitre VI, on peut aussi avoir le développement d’une fonction quelconque de et suivant les puissances de et et déterminer les restes de la série lorsqu’on veut l’arrêter à des termes quelconques. En changeant, dans la formule du nso 73, et en ensuite et en on aura

sera une quantité quelconque indéterminée qui, étant supposée égale à zéro, rendra l’équation identique, et qui, étant faite égale à donnera

formule générale du développement de la fonction suivant les puissances de et dans laquelle les quantités désignées par dénotent les valeurs des fonctions dérivées suivant et en faisant et

Supposons maintenant qu’on ne veuille faire ce développementque par parties, et arrêtons-nous d’abord au premier terme ; nous ferons

étant une fonction de qui devra être évidemment nulle lorsque Puisque la quantité peut être quelconque, nous pouvons prendre l’équation prime relativement à et, par les principes et la notation établis, il est facile de voir que la fonction prime de prise relativement à sera

donc, désignant par la fonction prime de prise aussi relativement à on aura, pour la détermination de l’équation du premier ordre

Considérons, en second lieu, les trois premiers termes du développement de et faisons

sera une fonction de qui devra, par la nature même de cette équation, devenir nulle lorsque À cause de l’indétermination de on pourra prendre l’équation prime relativement à et, désignant par la fonction prime de on trouvera, après avoir effacé les termes qui se détruisent dans l’équation prime, cette équation du premier ordre pour la détermination de

et ainsi de suite.

Pour déduire de ces équations les valeurs de il faudrait chercher les fonctions primitives des quantités relativement à et les prendre telles qu’elles soient nulles lorsque Mais, comme nous n’avons pas besoin des expressions générales de ces quantités, mais seulement de leurs valeurs relatives à que même il suffit d’avoir des limites de ces valeurs, on pourra faire usage de la méthode employée dans le Chapitre cité pour parvenir à des conclusions semblables à celles du no 39.

Ainsi, en désignant par un nombre indéterminé, ou plutôt inconnu, toujours compris entre et et qui devra être partout le même dans la même fonction, mais qui pourra être différent dans les différentes fonctions, on trouvera les expressions suivantes :

et ainsi des autres.

Donc enfin, substituant ces valeurs de dans les développements de et faisant on aura ces formules générales, qui renferment une extension du théorème du no 40

Donc, si l’on a la fonction à développer suivant les puissances de et de il n’y aura qu’à mettre et à la place de et dans les formules précédentes, et les quantités deviendront où les fonctions dérivées peuvent être prises relativement à et puisque la fonction est telle, que ses dérivées relativement à et sont les mêmes que les dérivées relativement à et Ainsi, on aura

La quantité répond, comme l’on voit, à la quantité que nous avons désignée par dans le no 40 ; nous préférons ici l’expression parce que le même coefficient se trouve dans la quantité De ces formules, qu’il serait maintenant aisé d’étendre aux fonctions de trois ou d’un plus grand nombre de variables, on peut déduire la conclusion suivante :

Lorsque, dans le développement d’une fonction suivant les puissances et les produits de certaines quantités, on veut s’arrêter aux termes d’un ordre donné, c’est-à-dire dans lesquels ces quantités forment des dimensions d’un degré égal à l’exposant de cet ordre, on peut supposer le reste du développement égal aux seuls termes de l’ordre suivant, mais en y conservant ces mêmes quantités sous les fonctions, et les multipliant toutes par un coefficient dont la valeur sera entre les limites et et qui sera là même dans la même fonction, mais qui pourra être différente dans les différentes fonctions.

79. Au reste, on pourrait aussi appliquer au développement de la fonction la méthode du no 37, en prenant les fonctions dérivées par rapport à et En effet, soit

En prenant d’abord les fonctions dérivées par rapport à et on aura

Ensuite, si l’on prend les fonctions dérivées par rapport à et et qu’on les désigne par des traits placés au haut et au bas, mais en arrière des lettres, on aura aussi

puisqu’il est évident que les fonctions dérivées de sont les mêmes par rapport à et et par rapport à et De là on aura

Donc, si l’on fait

on aura, en substituant ces valeurs,

et l’on pourra de la même manière pousser le développement aussi loin qu’on voudra, de sorte qu’en connaissant les expressions analytiques des premiers restes on trouvera tous les suivants par les simples fonctions dérivées de ces restes.

80. Puisque les fonctions dérivées de deux variables se forment de la même manière et par les mêmes règles que celles d’une seule variable, en considérant chaque variable séparément et successivement, il s’ensuit que tout ce que nous avons démontré sur les fonctions d’une seule variable peut s’appliquer de même aux fonctions de deux variables.

Ainsi, il sera facile d’étendre aux fonctions de deux variables les remarques que nous avons faites dans le Chapitre V, sur le développement des fonctions lorsqu’on donne aux variables des valeurs déterminées, et d’en déduire des conséquences et des résultats semblables.

Enfin, il est visible qu’on pourra traiter aussi par les mêmes principes les fonctions de trois ou d’un plus grand nombre de variables, puisqu’il ne s’agira que de répéter les mêmes opérations séparément pour chaque variable.


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