Théorie de l’écoulement tourbillonnant et tumultueux des liquides dans les lits rectilignes à grande section/Tome 1/XII


§ XII. — Lois de deuxième approximation du régime uniforme dans un tuyau circulaire, telles qu’elles résultent des récents observations de M. Bazin.


» 44. Mais passons justement, grâce aux récentes expériences de M. Bazin, à cette approximation plus élevée pour le cas de la section circulaire ou demi-circulaire. Les expériences dont il s’agit ont consisté dans la mesure des vitesses, par le tube de Pitot-Darcy, au centre et aux des rayons dans une conduite en ciment très lissé (donnant ), de 0m,80 de diamètre et 80m de longueur, sur les 40 derniers mètres où régnait l’uniformité du régime ; car le rapport de à y était invariable, 1,1675 à très peu près[1].

» Comme nous déterminons notre coefficient par la comparaison de la deuxième formule (42) aux résultats d’observation, et que le terme principal seul connu de forme théoriquement, du second membre de cette formule, doit exprimer le mieux possible la fonction empirique de (voisine de ) indiquée par les expériences pour représenter le second membre tout entier, il sera naturel de réduire au minimum d’importance le terme correctif en annulant sa valeur moyenne par un choix convenable de Et les formules (42) acquerront d’ailleurs ainsi leur plus haut degré de simplicité ; car l’intégrale définie qui y figure s’évanouira.

» Mais, d’abord, divisons la seconde équation (42) par comme nous avons fait pour avoir la deuxième (43), et appelons l’expression empirique du second membre, où la petite correction indiquée par les nouvelles expériences à l’expression approchée obtenue antérieurement. Nous aurons

(45)

» Les très nombreuses différences de vitesse, obtenues par M. Bazin aux diverses distances relatives de l’axe[2], donnent (en moyenne), comme valeurs observées de

(46)

» On remarquera leur petitesse, en fractions de la vitesse moyenne c’est-à-dire quand on les multiplie par La plus forte d’entre elles, 1,50, ne correspond en effet, dans la différence qu’à ou à moins de de la vitesse moyenne. Une grand précision dans les mesures était donc nécessaire, même simplement pour déceler l’existence de la petite fonction


» 45. Attribuons à une expression entière, la plus simple possible qui prenne sensiblement les valeurs (46). On voit qu’elle devra s’annuler non seulement pour mais aussi, environ, pour et pour c’est-à-dire pour et admettre, par conséquent, le facteur du second degré

» En outre, d’après la valeur de que donne la relation (41) différentiée, savoir

(47)


la fonction contiendra le facteur pour que reste fini et différent de zéro au centre comme il le faut dans l’expression (16) du coefficient de frottement intérieur, qui ne doit y devenir ni nul, ni infini. Donc aussi, d’après (45), aura le facteur

» Essayons, par conséquent, si une fonction de la forme

(48)


vaudrait 2, pourra convenir. Toutefois, laissons-y l’exposant encore indéterminé : car, d’après les valeurs empiriques (46) de cette fonction doit devenir maxima vers le milieu du cinquième intervalle, pour voisin de 0,56 ; et s’il fallait un exposant plus élevé que 2 pour satisfaire à cette condition, on devrait l’adopter de préférence dans (48), afin de reproduire le mieux possible l’ensemble des valeurs (46), et sauf à compléter (48) par une expression analogue où égalerait 2, afin de tenir compte des circonstances spéciales à la région centrale, c’est-à-dire aux petites valeurs de

» Or, c’est précisément ce qui a lieu. En formant la dérivée de (48), on trouve qu’elle s’annule, abstraction faite des racines pour les deux valeurs de qui donnent

(49)

» Substituons à la valeur approchée 0,56 que nous devons obtenir pour une des racines, et il viendra On aurait, en excluant les valeurs de fractionnaires, pour pour pour etc. La situation du maximum se rapproche de l’origine à mesure que l’exposant décroît ; et il faudra le prendre égal à 4, pour que l’adjonction, à (48), d’une expression de même forme, mais à faible coefficient positif et où place le maximum encore assez près de un peu en deçà, toutefois, de la valeur Nous poserons donc, avec deux coefficiens indéterminés,

(50)


» 46. Si nous connaissions bien la situation du maximum, c’est-à-dire la valeur de qui annule la dérivée l’expression de cette dérivée, formée en y séparant les termes en des termes en nous donnerait, par son annulation,

(51)


et le calcul numérique du second membre nous permettrait d’éliminer de (50), où il ne resterait dès lors d’arbitraire que le principal coefficient

» Mais il est bien rare que la situation d’un maximum puisse être déterminée empiriquement d’une manière précise ; en sorte que nous devrons renoncer à déterminer ainsi aucun de nos deux coefficients


« 47. Calculons, par (50), les valeurs …, dont l’avant-dernière seule, comme la valeur correspondante observée (46), sera négative ; et prenons-les en grandeur absolue, pour en former les excédents sur les valeurs absolues observées 0,34, 0,77, …, 0,58, 0,34. Dans les expressions de ces excédents, les coefficients respectifs de seront

0,00814    0,02219    0,03104    0,02940    0,01786    0,00327    0,00242,


et, ceux de

0,000127    0,001387    0,004365    0,007350    0,006977    0,001614    0,002506    0,002129.

» Or, il n’y a aucune raison pour que nous rendions les écarts ainsi formés plutôt positifs que négatifs. Nous déterminerons donc notre principale inconnue, en annulant leur somme algébrique


Il vient ainsi

(52)


et les écarts considérés sont alors

(53)


» 48. Une valeur approchée de s’obtiendra en annulant de même la somme algébrique des trois premiers, relatifs aux petites distances c’est-à-dire à celles où doit dominer, dans l’influence du terme en et, par suite, des termes en D’ailleurs, en se bornant ainsi aux trois premiers écarts (53), on prend justement tous ceux où le coefficient de est affecté du signe + ; et l’on forme la même équation de que si l’on annulait la somme de tous les autres (où les coefficients de sont négatifs), puisque les expressions (53) ont leur somme générale égale à zéro quel que soit On trouve et les écarts (53) deviennent

-0,12    -0,04    0,17    0,22    -0,08    -0,01    -0,15    0,02.

» Le plus fort est le quatrième, 0,22, qui varie, d’après (53), en sens inverse de Pour le rendre moins sensible, il faut faire croître jusqu’à ce que cet écart décroissant soit atteint en valeur absolue par un autre qu’on reconnaît facilement être le troisième, 0,17, croissant avec d’après (53). La valeur la plus avantageuse de résultera donc de l’égalité des troisième et quatrième expressions (53) : ce sera Alors les écarts (53), ainsi réduits le plus possible, seront

(54) -0,10    0,01    0,21    0,21    -0,12    -0,02    -0,18    -0,01.

» Les plus grands d’entre eux, 0,21, correspondent à un écart, sur les différences correspondantes de vitesse, égal seulement à


ou moindre que 4 millièmes de la vitesse moyenne et très inférieur aux erreurs d’observation, vu surtout que celles-ci peuvent, sur la différence obtenue au moyen des deux mesures distinctes de et de atteindre le double de leur grandeur possible dans ou dans

» Les valeurs ainsi calculées de et, par suite, d’après (52), de savoir

(55)


font donc reproduire par l’expression (50) de tous les résultats observés. On peut même y comprendre la valeur comparée au nombre 2,41, que M. Bazin a obtenu par extrapolation, en prolongeant au sentiment, jusqu’à l’abscisse la courbe graphique qui reliait le mieux ces résultats (46).


» 49. Alors l’expression (50), développée en polynôme et portée dans le troisième membre de (45), donne

(56)

» Prenons la valeur moyenne des deux membres, en intégrant de zéro à 1 leur produit par et souvenons-nous que nous choisissons de manière à rendre la petite fonction nulle en moyenne. Il viendra

(57) d’où

» Et la formule (45) sera

(58)
avec
(59) [3].

» Enfin, cette dernière, ou mieux (56), donnant les première et troisième formules (42) deviendront

(60)


  1. C’est au milieu et aux trois quarts de la longueur qu’ont eu lieu les observations utilisées ici ; au premier quart, après un parcours de vingt-cinq fois le diamètre, le rapport de à n’était encore que
  2. Les vitesses au centre elles-mêmes étaient données par la moyenne de plusieurs mesures, prises, l’une, au centre, et, quatre autres, au seizième de la longueur de quatre rayons en croix.
  3. On peut se demander ce qu’auraient été, au lieu de (46), les valeurs expérimentales de y compris même le résultat d’extrapolation indiqué tout à l’heure, si les anciennes expériences de M. Bazin avaient conduit à prendre du premier coup la nouvelle valeur 48,6 de ce qui aurait donné, dans le troisième membre de (45), comme terme de première approximation. Il suffit, pour le voir, de retrancher des précédentes valeurs de et l’on a sensiblement, au lieu du Tableau (46),
    (46 bis)

    L’écart maximum de l’expérience d’avec le résultat théorique de première approximation, ne se produit plus à la paroi, pour mais aux environ des rayons, et il correspond, dans le tuyau expérimenté, à la fraction de la vitesse moyenne, c’est-à-dire sensiblement au trentième. Avec l’ancienne valeur 21 du coefficient, la fraction analogue était, à la paroi, ou environ de la vitesse moyenne.
      On pourrait déterminer de manière, non pas à annuler, comme dans (58) et (46 bis), la moyenne des valeurs de ou de mais à réduire autant que possible leurs fortes valeurs, en égalant le plus grand écart positif, celui qui a lieu pour au plus grand écart négatif (se présentant pour ). Il vient ainsi En admettant que cette valeur eût été justement celle de première approximation, l’on aurait, comme troisième membre de (45), et les écarts constituant la seconde approximation seraient ceux du Tableau (46) diminués de savoir les suivants :

    (46 ter)

    Ici, les plus fortes valeurs ne correspondent qu’à un écart, sur les vitesses observées, égal à la fraction ou inférieur au de la vitesse moyenne D’ailleurs le coefficient figurant dans la seconde formule (37) prend la valeur 23,5, très voisine de celle, 23,7, à laquelle M. Bazin avait été conduit (Recherches hydrauliques, p. 233) et qu’il avait supposée pouvoir être portée jusqu’à 24. Enfin, vu (56), les premières formules (37) et (42) donnent alors 4,81 pour l’écart entre les deux valeurs de l’inverse de dans les sections rectangulaire large et circulaire.
      Ces résultats paraissent à peu près aussi satisfaisants que ceux du texte. Mais l’hypothèse d’une valeur moyenne nulle pour semble être rationnellement préférable, comme propre à donner un coefficient moins influencé par les erreurs accidentelles d’observation.