Maître, l’envieux n’a pu satisfaire
Sur toi son cruel et lâche désir.
Ton nom restera pareil à la sphère,
Qui n’a pas de point par où la saisir.
Pourtant il fallait nier quelque chose
À l’œuvre parfaite où tu mis ton sceau.
Splendeur et parfum, c’est trop pour la rose ;
Ailes et chansons, c’est trop pour l’oiseau.
Ils ont dit : Ces vers sont trop purs. Le mètre,
La rime et le style y sont sans défauts.
C’en est fait de l’art qui consiste à mettre
Une émotion sincère en vers faux.
Tu leur prodiguais tes odes nouvelles
Embaumant l’avril et couleur du ciel.
Eux, ils répétaient : Ces fleurs sont trop belles,
Tout cela doit être artificiel.
Et, poussant bien fort de longs cris d’alarmes,
Ils t’ont refusé blessure et tourments,
Parce que ton sang, parce que tes larmes
Étaient des rubis et des diamants.
L’artiste grandit, la critique tombe.
Mais nous, tes fervents, ô maître vainqueur,
Nous voulons écrire aux murs de ta tombe
Que ton clair génie eut aussi du cœur.
Nous savons le coin où se réfugie,
Sous les fleurs de pourpre et d’or enfoui,
Le discret parfum de ton élégie,
Bleu myosotis frais épanoui.
Oui, nous l’envions, ce sceptre de rose
Sur un jeune sein morte un soir de bal ;
Et notre tristesse est souvent éclose
En nous rappelant l’air du carnaval.
Nous avons aussi perdu notre amante ;
Nous l’avons poussé, ce soupir amer
Du pêcheur qui pleure et qui se lamente,
Seul et sans amour, d’aller sur la mer.
Celle que tout bas tu nommes petite,
Celle à qui tu dis : Le monde est méchant,
Nous a bien prouvé, l’enfant hypocrite,
Qu’elle avait un cœur, en nous trahissant.
De ses yeux d’azur la larme tombée,
Diamant du cœur par ta main serti,
Nous l’avons tous bue, à la dérobée,
Sur un billet doux qui nous a menti.
Et sur les joujoux laissés par la morte,
Aujourd’hui muets et si gais jadis,
Nous prions encor pour que Dieu supporte
Le bruit des enfants dans le Paradis.
|