Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne/P

◄  O
Q  ►

P

Paix. Le Dieu des Chrétiens s’appelle indifféremment & le Dieu de Paix et le Dieu des armées. Cette contradiction n’eſt qu’apparente ; Dieu eſt très pacifique, mais ſa femme n’eſt pas auſſi tranquille que lui ; c’eſt pour la tenir en bonne humeur qu’il eſt ſouvent forcé de mettre des armées en campagne & les Chrétiens aux priſes ; il faut bien faire la guerre au dehors pour avoir la paix au dedans. L’Egliſe n’eſt en paix que quand elle fait tout ce qu’elle veut ou quand elle peut ſans obſtacle troubler la tranquillité des autres.

Pape. C’eſt communément un vieux Prêtre, choiſi par le Saint-Eſprit pour être ſur la Terre le Vicaire de Monſieur ſon frere ; voilà pourquoi le Pape a tant d’eſprit & ne radote jamais, quoi qu’en diſent les Janſéniſtes & ces marauts de Proteſtans, qui pouſſent aſſurément trop loin la liberté de penſer.

Papiſtes. Les Proteſtans appellent ainſi par dériſion les Chrétiens dociles qui reconnoiſſent le Pape pour un Vice-Dieu ſur la Terre, & qui n’ont point comme eux aſſez de force d’eſprit pour ne ſoumettre leur intellect qu’à un Prédicant de Genève, à un Miniſtre Presbytérien, à un Docteur d’Oxford. Les Chrétiens de diverſes Sectes ont, ſans doute, le droit de ſe moquer les uns des autres, ſur-tout quand ils n’ont point le nez vis-à-vis d’un miroir.

Pâque. Fête ſolennelle que les Chrétiens célebrent en mémoire de la réſurrection clandeſtine d’un Dieu pendu publiquement. Pour célébrer dignement ce grand jour les Catholiques ſont dans l’uſage d’y manger leur Dieu ; c’eſt, ſans doute, pour voir ſi, comme le Phénix, il reſſuſcitera de ſes cendres. Voyez Stercoraniſtes. Il y eut autrefois une diſpute très-chaude dans l’Egliſe de Dieu pour ſavoir au juſte le tems de la célébration de la Pâque ; un grave Concile a décidé que la lune de l’Equinoxe du printems devoit régler cette affaire importante. Ce qui nous montre que l’Egliſe eſt, comme les femmes, ſous l’influence de la lune. Voyez Lune.

Paraboles. Apologues ou façons détournées de s’expliquer, dont la Divinité ſe ſert ſouvent dans l’Ecriture, par la crainte qu’elle a de parler intelligiblement aux amis qu’elle veut inſtruire.

Paradis. Lieu de délices, placé dans les terres auſtrales inconnues, ſuivant les uns, & dans l’Empyrée, ſuivant d’autres ; les élus y auront pendant l’éternité le plaiſir ineffable de chanter Sanctus en faux bourdon. Bien des gens ne ſont pas trop curieux de ſe rendre à ce concert, dans la crainte de s’ennuyer ou d’y trouver trop mauvaiſe compagnie ; une femme de la cour auroit, ſans doute, des vapeurs ſi on la plaçoit à côté, de St. François d’Aſſiſe, d’un Picpus, ou d’un Minime.

Pareſſe. Péché capital qui conſiſte à négliger les pratiques intéreſſantes auxquelles nos Prêtres ont attaché le ſalut. Un laïque doit être actif afin d’avoir dequoi payer ſes Prêtres & ſe battre pour eux. Un Prêtre n’a rien à faire en ce monde que de prier, de chanter, & de quereller quand il en a la capacité.

Parole de Dieu. Ce ſont les oracles infaillibles que dans chaque Religion les Prêtres du Très-Haut débitent en ſon nom. La Divinité a l’attention de ne jamais les démentir ; qui ne dit mot conſent, ainſi Dieu conſent toujours à ce que diſent ſes Prêtres. La parole de Dieu eſt ſuivant les Chrétiens un glaive à deux tranchans, c’eſt-à-dire un couteau de tripieres ; de quelque côté qu’on le prenne on riſque de ſe couper.

Parti (eſprit de). En matiere de Religion il met à portée de juger ſainement des choſes. Il n’eſt pas douteux que le parti qu’on a pris ou que notre confeſſeur a pris pour nous ne peut être que le meilleur.

Paſſion de J. C. Hiſtoire lamentable d’un Dieu, qui eut la bonté de ſe laiſſer fuſtiger & clouer pour racheter le genre humain : toutes les fois qu’on la raconte aux bonnes femmes & aux dévôts le Vendredi-Saint, ils ſe déſolent d’avoir été rachetés.

Paſſions. Mouvemens néceſſaires à la conſervation de l’homme & inhérens à ſa nature, depuis qu’elle s’eſt corrompue par le péché originel. Sans cette ſotiſe mémorable nous euſſions été comme des bûches ou des pierres ; nous euſſions joui par conſéquent du plus parfait bonheur. Un Chrétien ne doit avoir de paſſions que celles que ſes Prêtres lui inſpirent.

Paſteurs. Ce ſont ceux qui ſont chargés du ſoin de mener paître les moutons du bon Dieu ; ils s’en chargent par pure charité, ne ſe réſervant que le droit de tondre leurs ouailles & de les envoyer à la boucherie quand ils ne ſont point aſſez contens de leurs toiſons. Les Princes ſont les chiens de ces bergers des ames, qui leur font mordre bien ſerré les brébis qui s’égarent ou qui ne veulent pas ſe laiſſer tondre.

Patience. Vertu morale & Chrétienne qui conſiſte à ſupporter les maux que l’on ne peut ou que l’on n’oſe point empêcher. Dieu a chargé ſpécialement le Clergé d’exercer la patience des Princes, qui d’ordinaire ſont volontaires & fort ſujets à s’impatienter.

Patrie. Les vrais Chrétiens n’en ont pas ſur la Terre, ce ſont des hommes de l’autre monde, leur patrie eſt là-haut ; ils ne ſont ici-bas que pour s’ennuyer eux-mêmes et pour réjouir leurs prêtres ; il leur eſt néanmoins permis d’ennuyer ſaintement les autres ou de les faire pieuſement enrager pour les dégoûter d’un ſéjour paſſager. C’eſt pour être meilleurs citoyens de la cité d’en-haut, que les Prêtres & les dévots ſont de ſi mauvais citoyens de la cité d’en-bas.

Patrons. Ce ſont les Dieux Pénates ou tutélaires des Chrétiens ; ils s’intéreſſent vivement à tous ceux qui portent leurs ſaints noms. Saint Jean eſt le protecteur né de tous les Jeans du monde : les animaux, les maladies, les calamités ont auſſi leurs Patrons. St Roch a la peſte dans ſon département ; St. Antoine a dans le ſien les cochons & la rogne ; St. Joſeph, comme on ſait, eſt le Patron des Cocus ou des bêtes à cornes.

Pauvres d’eſprit. Dans le langage profane les pauvres d’eſprit ſont des ſots ; dans le langage des Chrétiens ce ſont des gens d’eſprit, qui font les ſots en ce monde pour briller un jour en Paradis, où ils réjouiront l’Eternel par leurs ſaillies & leurs bons mots. L’Egliſe aime de préférence ſes enfans les plus ſots ; elle ne fait preſque aucun cas de ceux qui ont de l’eſprit. Voyez Sots.

Pauvreté. Dans la Religion Chrétienne on ne voit par-tout que pauvreté. Jéſus-Chriſt eſt un Dieu pauvre & même un pauvre Dieu ; ſes Apôtres étoient de pauvres Diables ; les Evêques ſont de pauvres ſaints ; les Moines font vœu de pauvreté ; le Clergé débite des pauvretés ; elles ſont crues par de pauvres gens, qui les payent très-richement. Les biens du Clergé appartiennent aux pauvres ; d’où il ſuit que rien n’eſt plus naturel & plus juſte que de dépouiller les pauvres pour enrichir le Clergé. Voyez Dixmes.

Peccavi. Un bon peccavi ſuffit à l’article de la mort pour faire entrer un coquin en Paradis ; ſi cette opinion & ces regrets tardifs ſont inutiles à ce monde, il en réſulte de grands biens pour ceux qui expédient les paſſeports pour l’autre monde.

Péchés. Penſées, paroles ou actions qui ont le pouvoir d’impatienter la Divinité, de déranger ſes projets, de troubler l’ordre qu’elle chérit. D’où l’on voit que l’homme eſt très-puiſſant ; Dieu en lui donnant le libre arbitre eſt obligé de le laiſſer faire, il ne peut point l’empêcher de lui donner des nazardes à lui-même.

Pêcheurs. Jéſus-Chriſt a promis à ſes Apôtres d’en faire des Pêcheurs d’hommes : voilà pourquoi nos Prêtres ſont ſans ceſſe occupés à troubler l’eau pour mieux tendre leurs filets, & pêcher avec plus de ſuccès. Ils pêchent auſſi à la ligne, l’eſpérance eſt l’appas dont ils ſe ſervent pour nous faire mordre à l’hameçon.

Pélerinage. Pratiques pieuſes fort uſitées dans les pays bien dévots. Elles conſiſtent à battre la campagne pour rendre viſite & pour payer bouteille à quelque Saint étranger ou à ſes ayans cauſe ; en faveur de cette politeſſe, le Saint que l’on viſite accorde communément aux hommes la grace de s’enyvrer, & aux filles celle de faire des enfans neuf mois après la viſite.

Pénitence. Suivant l’Egliſe Romaine c’eſt un Sacrement qui conſiſte à s’accuſer de ſes péchés à un Prêtre, & à lui montrer le regret ſincere que l’on a d’avoir été bien aiſe. Dans toutes les Religions du monde on fait des Pénitences ; c’eſt-à-dire, on ſe fait bien du mal, pour faire du bien à la Divinité.

Penſées. Dieu s’offenſe très-griévement des mouvemens involontaires qui s’excitent dans le cerveau des hommes, ſur-tout, quand lesdits mouvemens ne ſont point dirigés par le Clergé. La Divinité damnera inmanquablement ceux qui n’auront pas penſé comme ſes Prêtres, vû qu’ils ont le droit excluſif de penſer pour les autres. Voilà pourquoi les Miniſtres de l’Egliſe ont ſoin de fouiller la conſcience des fideles, de peur qu’il n’entre dans leur tête des penſées de contrebande.

Pentecôte. Fête ſolennelle que l’Egliſe célebre en mémoire de la deſcente miraculeuſe du Saint Eſprit en langues de feu, qui s’arrêterent ſur les têtes des Apôtres, des Diſciples & des Saintes femmelettes, ce qui les fit jaſer comme des yvrognes & des Pies. En conſéquence de cet événement les Succeſſeurs des Apôtres ont indubitablement acquis le droit de jaſer & de mettre avec leurs caquets & leurs langues l’univers en combuſtion.

Père éternel. C’eſt le chef de la famille divine. Il doit être bien vieux s’il eſt vrai, comme on n’en peut douter, qu’il ait dit tout ce que ſes livres lui font dire.

Peres de l’Egliſe. Ce ſont de ſaints rêveurs, qui ont fourni aux fideles une foule de beaux raiſonnemens, de beaux dogmes, de ſavantes interprétations, dont il n’eſt point permis d’appeller au bon ſens.

Perfection. Dans la Religion Chrétienne elle conſiſte à prier, à jeûner, à rêver creux, à vivre comme un ſaint hibou. Un Chrétien parfait ſe pique de n’être bon à rien dans ce monde qui n’eſt que l’antichambre de l’autre ; un laïque eſt fait pour y croquer le marmot, pendant que ſes Prêtres font bonne chere à ſes dépens.

Perroquets. Animaux fort utiles à l’Egliſe, & qui, ſans y entendre fineſſe, répetent aſſez fidélement tout ce qu’on veut bien leur apprendre. Voyez Catéchiſme, Chrétiens, Education.

Perſécutions. Moyens ſûrs & charitables que l’Egliſe met en uſage pour rappeller ceux qui s’égarent, & pour ſe rendre plus aimable à leurs yeux. L’Egliſe fut ſouvent elle-même perſécutée, mais ce fut toujours à tort ; les perſécutions qu’elle fait éprouver aux autres ſont légitimes & ſaintes ; pour avoir droit de perſécuter il faut avoir raiſon, & pour avoir raiſon il ſuffit de n’avoir point tort ; l’Egliſe n’a jamais tort ſur-tout quand elle a la force de prouver qu’elle a raison.

Peuple. C’eſt l’appui de l’Egliſe, ſa conſolation dans ſes peines, le ſoutien de ſon pouvoir. Le peuple, comme on ſait, eſt un profond Théologien ; c’eſt auſſi pour lui que l’Egliſe fait ſes dogmes, ceux qu’il approuve ne peuvent manquer d’être fort bons ; la voix du peuple eſt la voix de Dieu ; en effet Dieu ne peut guere s’empêcher de ratifier ce que le peuple veut bien fort ; mais il ne veut bien fort que ce que les Prêtres lui diſent de vouloir bien fort.

Philoſophes. Ce ſont les prétendus amis de la ſageſſe & du bon ſens ; d’où l’on voit que ce ſont des marauts, des voleurs, des fripons, des pendarts, des impies, des gens déteſtables pour l’Egliſe, à qui la ſociété ne doit que des fagots & des bûchers. Les coquins ont l’inſolence d’avertir les hommes qu’on leur coupe la bourſe ici-bas tandis qu’on les oblige à regarder là-haut. Cet article eſt de Mr. Paliſſot, & de l’Avocat Moreau.

Pierre (S.). Pauvre pêcheur fort bête, qui fit une très-belle fortune. Il devint le Prince des Apôtres à cauſe de ſon beau nom, qui fournit à ſon maître l’occaſion de déployer ſon eſprit en faiſant un calambour, ſur lequel eſt fondée la cuiſine du très-Saint Pere.

Plaider. Un Chrétien ne doit jamais plaider ; il doit céder ſa veſte & ſes culottes quand on en veut à ſon pourpoint ; les gens d’Egliſe ne plaident point, ce ſont de tous les hommes les plus faciles en affaires.

Platon. Philoſophe Athénien & Pere de l’Egliſe Chrétienne, qui auroit dû, ſans rien dire, le placer dans ſon calendrier ; c’eſt à lui qu’elle doit un grand nombre de dogmes & d’articles de foi, ſans compter ſes beaux myſteres. Voyez Purgatoire, Trinité, Verbe.

Politique. La Religion Chrétienne en eſt l’appui. Elle maintient dans les Etats la tranquillité, l’obéiſſance aux Souverains, la population, l’agriculture ; elle preſcrit la ſoumiſſion aux ſujets, pourvu que les Princes lui ſoient bien ſoumis ; enfin ſes prêtres font un corps dans l’Etat, dont les intérêts ſont toujours ceux de l’Etat, pourvu que l’Etat lui-même ne ſonge qu’aux intérêts des prêtres.

Pompes de Satan. Tout Chrétien y renonce au baptême, c’eſt-à-dire le jour même qu’il eſt né ; il eſt vrai que ſouvent il oublie ſes engagemens, il n’y a que les Prêtres qui jamais ne les perdent de vue.

Pontifes. Ce mot vient de Pontifex, faiſeur de pont ; nos pontifes ſont des architectes ſpirituels qui font un pont intellectuel, à l’aide duquel les bons Chrétiens arrivent en Paradis, en franchiſſant les abîmes du bon ſens & de la raiſon.

Population. Elle eſt nuiſible aux nations Chrétiennes où, pour bien faire, tout le monde devroit garder le célibat. Le nombre des élus eſt très-petit, celui des réprouvés eſt très-grand ; plus une nation contient d’habitans, plus elle contient de réprouvés ; donc la population eſt très-nuiſible au bonheur d’un Etat.

Portion congrue. Les chefs de l’Egliſe Chrétienne ont ſagement réglé que la canaille Sacerdotale, qui travaille à la vigne du Seigneur ne devoit point avoir de quoi vivre. En conſéquence il eſt réglé qu’un grand nombre de Curés n’auront que trois cens livres tournois par chacun an ; d’où l’on voit que les Evêques, qui ſont les marchands en gros de la foi, ne mettent point eux-mêmes un prix exorbitant à la denrée qu’ils font débiter aux fideles en détail par leurs courtiers ou regratiers ſpirituels.

Poſſeſſions. Autrefois les démons prenoient ſouvent poſſeſſion des hommes. Nous voyons dans l’Ecriture des cochons même devenir poſſédés. Aujourd’hui l’on ne voit gueres de poſſédés qu’en Province, ou dans les ſaints greniers des Convulſionaires ; encore faut-il payer le Diable pour qu’il entre dans les corps.

Pratiques de piété. Ce ſont de petits mouvemens des lévres, des oreilles & du corps, ſagement inventés par l’Egliſe, ſans leſquels il eſt évident qu’un homme ne peut être agréable à Dieu ou à ſes Prêtres. Les pratiques de dévotion, qui paroiſſent ſouvent bizarres & ridicules aux gens ſans foi, ſont fort utiles au Clergé à qui elles valent de l’argent ; d’ailleurs elles habituent les fideles à obéir ſans raiſonner.

Prédeſtination. Un Dieu bon qui prévoit tout, a réſolu dans ſes décrets éternels que parmi ſes créatures les unes ſeroient ſauvées & les autres, en plus grand nombre, ſeroient damnées pour toujours. Si vous ne comprenez rien à cette conduite bizarre conſultez votre Confeſſeur : s’il eſt Janſéniſte il vous dira pour éclaircir vos doutes que la Prédeſtination eſt gratuite & ſans préviſion des mérites : s’il eſt Moliniſte il vous dira le contraire. Mais tous deux s’accorderont à vous dire que c’eſt un myſtere auquel il eſt très-bon que vous ne compreniez rien.

Prédicateurs. Orateurs ſacrés, que les nations ſoudoyent pour leur répéter de mille façons différentes des choſes auxquelles jamais elles n’ont rien compris, mais qu’elles eſperent comprendre mieux à force de ſe les faire répéter. La Prédication eſt très-utile on ne peut en douter : Dieu lui-même, comme on ſait, prêcha Adam & Eve, & au ſortir du ſermon ils n’eurent rien de plus preſſé que d’aller faire une ſotiſe.

Prémotion Phyſique. C’eſt une impulſion prévenante par laquelle, ſuivant M. Bourſier, avant que l’homme agiſſe, Dieu le diſpoſe à agir de la façon qu’il conviendra au libre arbitre, auquel il n’eſt point permis à la Divinité de toucher, de peur que l’homme n’eût point le mérite de bien faire.

Préſcience. Attribut divin par le moyen du quel la Divinité a le plaiſir de ſavoir les ſotiſes que l’homme fera ſans vouloir ni pouvoir l’en empêcher.

Préſence réelle. Myſtere inventé dans le neuvieme ſiecle par un Moine de Corbie, & qui s’eſt depuis changé en un Article de foi pour l’Egliſe Catholique, Apoſtolique & Romaine ; elle croit trèsfermement que le Dieu de l’univers, toute autre affaire ceſſante, ſur la ſommation d’un Prêtre, à qui l’on donne douze ſols, vient ſe nicher dans un morceau de pâte, afin d’être croqué. Les Proteſtans font les dégoûtés ſur ce myſtere, après en avoir pourtant digéré beaucoup d’autres.

Préſomption. C’eſt le crime de ceux qui ont l’impertinence de s’en rapporter plutôt à leurs propres lumieres qu’à celles du Clergé. Le comble de la préſomption eſt de penſer que Dieu pourroit bien n’être pas ſi méchant que ſes Prêtres le font.

Preſſéance. Il s’éléve fréquemment des diſputes de preſſéance entre les humbles Evêques. Dieu s’intéreſſe très-fort à ces ſortes de querelles ; il ſeroit très-piqué ſi ſon Miniſtre dans un Diocèſe cédoit le pas au Miniſtre qu’il a dans un autre Diocèſe.

Prêtres. Dans toutes les Religions du monde ce ſont des hommes divins, que Dieu a lui-même placés ſur la Terre pour y exercer un métier très-utile ; il conſiſte à diſtribuer gratuitement des craintes afin d’avoir le plaiſir de diſtribuer enſuite des eſpérances pour de l’argent. C’eſt un point fondamental ſur lequel tous les Prêtres du monde ont toujours été parfaitement d’accord.

Prieres. Formules de requêtes inventées par les Prêtres, pour obtenir d’un Dieu bon qui ſait tout ce dont ſes enfans ont grand beſoin, ou pour engager un Dieu ſage à changer de volontés. Sans prieres Dieu ne devineroit point ce qui manque à ſes créatures. Les prieres des Prêtres ſont les plus efficaces de toutes ; ils en font un trafic aſſez avantageux ; dans la cour de là-haut comme dans celles d’ici-bas, l’argent applanit bien les affaires.

Probabiliſme. Quand il vous prendra fantaiſie de faire quelque péché qui vous tente bien fort, cherchez dans quelque Jéſuite ſi vous ne pourriez pas le faire ſans pécher ; appuyée de cette autorité votre conſcience peut ſe tenir en repos.

Prochain. Un Chrétien doit aimer ſon prochain comme lui-même ; or un bon Chrétien doit ſe haïr lui-même, d’où il ſuit qu’un bon Chrétien doit faire enrager ſon prochain pour gagner à fraix communs le Paradis.

Profanation. Crime horrible qui conſiſte à faire des choſes que les Prêtres nomment ſacrées, un uſage qu’ils appellent profane, c’eſt-à-dire qui n’eſt point ſacré. D’après cela vous voyez clairement que tout profanateur doit être brûlé : il commet un crime dont on n’a point d’idée, & qui par conſéquent ne peut être que très-grand.

Profeſſion de foi. Formules ingénieuſement fabriquées par les Théologiens pour ſe tendre des pieges, pour ſe tourmenter ſaintement les uns les autres & pour allarmer les conſciences des femmes, qui doivent avoir des ſentimens bien purs ſur les queſtions de la Théologie.

Profeſſion Religieuſe. Cérémonie ſolemnelle par laquelle un poliſſon ou une jeune fille de quinze ans promettent à Dieu d’être toute leur vie inutiles à la Société, & de perſévérer juſqu’à la mort dans la ſainte réſolution de ſe bien tourmenter.

Prophêtes. Juifs choiſis par la Divinité même & inſpirés par elle quand il lui prenoit fantaiſie de converſer avec ſon peuple, pour lui annoncer de grands malheurs. Les Prophêtes étoient d’ailleurs les Bohémiens, les devins, les diſeurs de bonne avanture de la Judée. Ils faiſoient retrouver aux filles de Sion & aux ſervantes de Jéruſalem des chiens perdus & des cuilleres égarées ; les Chrétiens, munis d’une foi bien vigoureuſe, ont l’avantage de trouver dans leurs écrits tout ce qui convient à l’Egliſe. Il eſt important de ne point parler clairement, on finit tôt ou tard par paſſer pour Prophête.

Proteſtans. Il y en a de bien des couleurs. Ce ſont en général des eſprits forts, qui ont le courage de proteſter contre le Pape & contre celles de ſes opinions qui déplaiſent à des Prêtres Proteſtans. Ces Chrétiens Amphibies ſont d’ailleurs de fort bonnes gens ; quoiqu’ils aient pris le très-Saint Pere en grippe, ils n’en ſont pas moins ſoumis au Clergé Proteſtant, qui ſans ſe croire infaillible, feroit un mauvais parti à quiconque douteroit de ſes lumieres, ou ne verroit point comme lui. Les Proteſtans ſont à Rome des hérétiques à brûler, mais ils ont la conſolation d’être très-orthodoxes chez eux, & même de brûler les autres quand leurs Prêtres ont du crédit. Si les Proteſtans déplaiſent à Dieu ce doit être indubitablement par ce qu’ils ne payent point le Clergé auſſi graſſement qu’il le mérite ; ce qui ſent furieuſement l’héréſie.

Providence. L’on déſigne ſous ce nom la bonté vigilante de la Divinité, qui pourvoit aux beſoins de ſes Prêtres. A l’aide de la Providence ceux-ci n’ont jamais à craindre de manquer. Ils peuvent même reſter les bras croiſés, ils n’en ſeront pas moins vêtus, logés, nourris, désaltérés, fêtés. C’eſt à la Providence qu’ils doivent tout cela ; quel que ſoit le ſort du reſte des humains, elle a toujours grand ſoin que ſes Prêtres ſoient bien.

Prudence. Vertu morale & profane qui n’eſt bonne à rien dans la religion. La prudence Chrétienne conſiſte à ſe laiſſer mener, ce qui eſt un ſûr moyen pour arriver au but où le Clergé veut nous mener.

Pſeaumes. Vieilles Chanſons Hébraïques auſſi ſublimes qu’édifiantes. L’Egliſe les a fait traduire en latin de cuiſine, à l’uſage des cuiſinieres, qui les chantent à Vêpres avec grande componction. M Le-Franc, comme chacun ſait, les a traduits en vers François, que ſon compere trouve merveilleux & divins.

Puiſſance Spirituelle. C’eſt une puiſſance qui, comme ſon nom le porte, ſembleroit ne devoir agir que ſur les eſprits, mais qui par un miracle inconcevable agit auſſi ſur les corps, & même fait éprouver aux corps politiques des ſecouſſes dont ils ſe ſouviennent quelquefois aſſez longtems.

Dans tout Etat Chrétien il y a deux puiſſances qui ſont ſouvent aux priſes, pour le plus grand bien des peuples, qui ne ſavent pas trop à qui entendre ; cependant quand les ſujets ſont bien dévots la puiſſance civile eſt, comme de raiſon, la très-humble ſervante de la puiſſance ſpirituelle, qui, ſans cela, lui montreroit beau jeu.

Purgatoire. Fourneau de réverbere où, pour les menus plaiſirs du Clergé Catholique Apoſtolique & Romain, Dieu fait cuire pendant un tems, limité par ſa juſtice, les ames de ceux qu’il veut radicalement purger. Cependant ſon Clergé lui fait changer d’avis, il le force à relâcher promptement les ames de ceux dont il a bien purgé la bourſe.

Pyrrhoniſme. Syſtême odieux de Philoſophie qui pouſſe la témérité juſqu’à douter de tout, & même de la bonne foi des Prêtres & des lumieres ſurnaturelles des Théologiens, qui jamais ne doutent de rien.