Testament olographe de Damoiselle Jeanne

1669 3e Juin
le 16e fevrier 1672
Testament
olographe de
damoiselle Jeanne
administratrice de
l’hospital de Montreal
avec
un codicile du 27e
may 1679, fait
par Monsr le curé dud.
lieu




Dellivré expedition a
Monsieur Soüart,
son executeur testamentaire




et aux Religieuses le 21e octobre 1675




Basset Grfier

Dellivré expedion aud. sr Soüare le 23 juin 1673 et aux dames religieuses de Montreal.

Au nom du pere, du filz et du st esprit
Amen

En la presance de mon Dieu, Je, Jeanne Mance, fille jouissante de mes drois etant en la charge de l’administracion de l’hospital de St Joseph de Montreal et demeurant audi lieu, conessant la la certitude de la mort et l’incertitude de l’heure d’icelle, de mon propre mouuemant et volontés, je fait ceste declaracion de mes dernieres volontés par ce presant testamant que ie veux estre efectué apres ma mort.

Je proteste de viure et de mourir dens la vraye foy et religion de la sainte eglize catholique apostolique et romaine, que ie tiens et reconois pour la seul vraie eglize, hors de laquelle il n’y a point de salut. Je croy tout ce qu’el croit et j’aprouue tout ce qu’el aprouue et je renonce de tout mon cœur à tout ce qu’elle desaprouue.

Je la reuere, ie l’onore et la reconois pour ma seule et vraie mere voüant une entiere et parfaite obeissance comme sa vraie fille pour toute ma vie et pout toute l’eternité quoy que i’en sois tres indigne.

Je remets mon esprit et mon ame entre les mains de mon Dieu, mon souuerain seigneur et createur, me soubmettant tres humblemant et dens le plus profons respect qu’il m’est possible à l’ordre sacré de sa tres adorable, tres sainte, tres juste et tres aymable volonté, voulant et aggreant de tout mon cœur pour le reste de ma vie et pour toute l’eternité tout ce qui luy plaira d’ordonner sur moy, esperant de son infinie bonté et misericorde le pardon de mes pechéz que ie jete dans l’abime infini du precieux sant et merites infinis de Jesus Christ, mon sauueur et redempteur, qui est le seul et l’unique apuy de toutes mes esperance et de la beatitude que j’espere de le voir et l’aimer eternellemant.

J’abandonne mon ame a sa tres adorable et diuine prouidance, me soumettant et aggreant la mort qui luy plaira de m’anvoier et le temps et la maniere dicelle, laissant le soin de ma sepulture à la prudence et discression des religieuse de cest hospital pour estre inumé au lieu et place quel jugeront plus conuenable.

Je veux ausi et ordonne que toutes les choses qui ce treuueront dens mon apartemant comme meubles, habis, linges, vaisselles et generalemant tout ce qui m’apartien et les viures et prouisions qui ce treuueront tant en la caue ou au grenier soie partagée egalemant aus religieuse et aus pauures de cest hospital.

Je veux ausi et ordonne que toute les choses qui me seront enuoiée de France et qui m’apartiendront et generalemant tout ce qui m’est ou me cera deu lors apres ma mort par droit de succession ou donacion ou par quelque autre voie ou maniere que ce soit ou puisse estre ou ariuer soies aussi egalemant partagée aus susdites religieuse et aus pauures de ceste hospital.

Je declare que ie n’é point fait de dettes pour moy en mon particulié et que toutes les choses qui ce treuueront estre deüe tant yci qu’an France apres ma mort ont esté faite pour les besoins et nececité des pauures de cest hospital.

Je nomme pour excecuteur de mon presan testamant monseigneur l’ilustrissime et tres reuerandissime euesque de Petrée[1], nostre tres digne prelat, supliant tres humblemant sa grandeur et dens le plus profons respect qu’il m’est possible qui luy plaise de me pardonner ceste hardiesse que ie prand d’avoir ozé le nommer pour une choze de sy petite consideracion, mais que ie creu estre necaicaire pour le bien et le repos de ceste maison et afin que ny mes parans ny autres ne viene à troubler ou à inquieter ceste maison. Je suplie tres humblemant sa grandeur de l’auoir aggreable et que, sy tos que ie cerés trepassée, les portes de mon apartemant soies fermée au dehors, et que tout mes papiers tant pour mon particulier que pour l’ospital et les lestres qui me seront enuoiée de France luy soies mise entre ses mains, et qui luy plaise de faire prier Dieu pour le repos de mon ame.

C’est de quoy je suplie tres humblemant sa grandeur et que j’espere de sa bonté pour l’amour de Dieu.

Fait par moy, sousignée administratrice de cest hospital à Montreal ce troisieme de juin mil six cent soixsante neuf en la maison où ie fais l’administracion de l’ospital††, signé par moy Jeanne Mance.

†† qui apartien ausy aus pauures dudit hospital. 16 feurier 1672. Jeanne Mance. Je veux et desire qu’an l’abcance de monseigneur l’evesque de Petrée, monsieur Soüart soit executeur de mon presant testament et luy absant ie desire et veut que ce soit le superieur eclesiastique des seigneurs de l’ile de Montreal. Fait audi Montreal le 16 fevrier mil six cent septante deux. Jeanne Mance.
J’aprouue les trois mots sur la derniere ligne. J. Mance, 16 feurier 1672.


Paraphé par moy greffier de l’ord° de monsr le bailli d’ille de Montreal de ce jour, Ne Cartier, ce dix neufie juin XVIe soixante treize

Basset
greffier
  1. François de Montmorency-Laval (1623-1708), vicaire apostolique de la Nouvelle-France et évêque titulaire de Pétrée (Pétra, Jordanie) de 1658 à 1674. NdÉ.