Testament et inventaire après décès de Jean-Baptiste Blain

Conservé aux Archives départementales de la Seine-Maritime, fonds du tabellionnage, minutier Coignard, 1751.

† J. M. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, Je, Jean-Baptiste Blain, Prêtre et Chanoine de l'Eglise Métropolitaine de Roüen, demeurant dans ma maison canoniale, rüe Malpalu, paroisse de St-Maclou. sain de corps et d'esprit, dans la crainte d'être prévenu de la mort, dont l'heure est incertaine, j'ai fait et écrit, et signé de ma main, mon présent testament en la manière qui suit : Je recommande mon âme à Dieu, le suppliant très humblement de vouloir me pardonnez mes grands et innombrables péchéz, et de la recevoir par son infinie miséricorde, et par les mérites de mon Sauveur J.C. après mon décez, avec celles des Bienheureux dans la gloire éternelle, intercédant à cet effet la Ste Vierge MARIE mère de Dieu, que j'ai toujours honoré comme ma mère, et dont j'ai reçu pendant ma vie toutes sortes de secours et d'assistances ; St Michel, mon très cher Ange gardien, St Joseph, St Jean-Baptiste, mon patron, et tous les autres Saints et Saintes du Paradis. Je prie et je demande, qu'après mon décez, mon corps soit porté et inhumé dans l'Eglise Cathédrale, où j'ai l'honneur d'être Chanoine, à la porte en dehors de la Chapelle du Sacré-Cœur de JESUS, si je meurs à Roüen. Je demande et je veux que mes funérailles soyent faites le plus simplement et le plus pauvrement que faire se pourra, sans aucune tenture, si cela se peut, ou au moins, avec la plus mince. Je veux aussi et je demande, que les trois premiers jours de mon décez, soyent dites trente trois messes, c'est-à-dire, onze par jour ; que l'on donne à Ferand, mon domestique l'année de ses gages, et en surplus cinquante livres par chacune des années qu'il m'aura servi ; de plus qu'on donne aux Religieuses de Ste Claire, cent francs, autant pour les deux couvents des Capucins de Roüen et de Sotteville, c'est-à-dire à chacun cinquante francs, autant aux Pères Récolets. Le reste qui m'appartient, meubles, livres, argent, s'il s'en trouve, ou qui pourrait m'être dû, et ce qui pourra rester après ma mort, je le donne aux Sœurs Maîtresses d'Ecoles charitables demeurantes au Faubourg Beauvoisine.

Et pour exécuter ce mien testament, je nomme Messieurs les Abbés Baillif Ménager l'ancien, et Le Clerc, en les suppliant de vouloir s'en donner la peine, sans qu'ils soyent obligés d'en rendre compte à personne. En foy de quoi, j'ai écrit, et signé de ma main mon présent testament après l'avoir lu et relu mot après mot et persisté. Fait double à Roüen ce vingt janvier mil sept cent cinquante. J.B. BLAIN Chanoine de l'Eglise Métropolitaine de Rouen.

[En marge, on lit :]

Je déclare qu'il y a cinq ans que je suis au service de Monsieur l'Abbé Blain. (signé) Nicolas FERRAND.


Extraits de son inventaire après décès dressé par Me Bourdonsel, 1751 (ici avec commentaire d’André Fouré) :

Conservé aux Archives départementales de la Seine-Maritime, G 3424.

Il habite rue Malpalu, à Rouen.

[Parmi les objets :] un Christ d'ivoire sur croix de bois noir, une « image d'albastre de Notre-Dame », « quatre petits chérubins dorés avec un Sacré-Cœur à bordure dorée », « un Enfant-Jésus de cire dans sa crèche » : ces deux derniers objets de piété seront rachetés par Sœur Geneviève Gohon de Corval, Supérieure d'Ernemont.

La bibliothèque du chanoine est appliquée à l'étude : Environ cinq cents ouvrages garnissent les rayons de la « librairie ». Ce ne sont pratiquement que livres traitant de sciences ecclésiastiques : une Bible, dont quelques tomes portant la signature autographe du propriétaire, sont conservés chez les Sœurs d'Ernemont ; des Pères et Docteurs de l'Eglise, grecs et latins : St Cyprien, St Augustin, St Hilaire, St Cyrille, St Victor, St Irénée, St Grégoire-le-Grand, St Grégoire de Nazianze, St Ephrem, St Bernard, St Thomas d'Aquin ; des savants : Origène et Tertullien ; des auteurs plus récents : Bellarmin, Baronius, Thomassin, Gerson, Cornélius a Lapide ; des contemporains : Bourdaloue, Fléchier, Bossuet ; des recueils de canons conciliaires grecs et latins ; des sermonnaires ; une Histoire de France en II volumes in-quarto ; une histoire des Conciles, une autre des Ordres religieux. Au point de vue documentation sur le jansénisme, souci d'actualité pour M. Blain, nous trouvons le Commentaire sur les Evangiles de Jansenius, l'Histoire des Cinq Propositions, Les Provinciales, les Maximes des Saints, le Traité de l'Abus, les Dialogues du Quiétisme, etc…

Trop rarement pour notre information, le notaire Coignard qui procéda en mai 1751 à l'inventaire détaillé des biens de notre chanoine, ou l'huissier Bourdonsel qui procéda à la vente aux enchères publiques en août suivant, précisent de manière exacte les auteurs des livres où M. Blain complétait sa culture théologique. L'ensemble représente une somme de mille quatre-vingt onze livres, presque le tiers des biens laissés par le défunt. Bon nombre des livres furent acquis par des libraires de Rouen : la Dlle Le Brun, les sieurs Boucher, Ferrand ; d'autres, par l'abbé Baudouin, pour la Bibliothèque du Chapitre ; d'autres enfin par l'abbé Pion, curé de Sainte-Marie-la-Petite, successeur de M. Blain comme Supérieur d'Ernemont.