Technologies PNIPAM pour les laboratoires sur puce/Conclusion


= Conclusion générale =

Enjeux des laboratoires sur puce. Les laboratoires sur puce sont des dispositifs intégrés rassemblant, sur un subtrat miniaturisé, une ou plusieurs fonctions de laboratoire ; ils sont généralement dédiés à la manipulation d’échantillons chimiques ou biologiques. Ce sont souvent des systèmes microfluidiques, à faible nombre de Reynolds ; la réduction des dimensions entraîne des comportements particuliers des liquides, tels que la prédominance de flux laminaires ; pour cette raison, l’actionnement des liquides dans les microcanaux, notamment leur mélange, est un enjeu qui a retenu notre attention. Les microtas sont un sous-ensemble des laboratoires sur puce ; ce terme rassemble les systèmes miniaturisés, possédant généralement une dimension micrométrique, qui intègrent la séquence complète d’analyse d’un échantillon brut jusqu’à la lecture du résultat. Par définition, les microtas doivent manipuler des prélèvements non idéaux ; il est nécessaire de traiter de tels échantillons avant l’analyse, par exemple pour les concentrer ou les séparer d’espèces parasites. La préparation d’échantillon est le second enjeu qui a retenu notre attention.

PNIPAM. Le poly(N-isopropylacrylamide) (pnipam) est un polymère thermosensible subissant un changement conformationnel réversible, d’un état hydrophile et gonflé sous sa température de transition (lcst ∼ 32°C) à un état hydrophobe et replié au-delà. Les caractéristiques du pnipam permettent d’envisager des applications intéressantes en ce qui concerne les deux enjeux que nous avons identifiés : hydrophobe, il est capable de piéger des objets biologiques tels que des cellules ou des protéines ; hydrophile, il peut les libérer sur demande, sur un simple stimulus thermique, une fois que la solution a été débarrassée d’espèces indésirables. Il est donc intéressant d’étudier dans quelle mesure le pnipam peut contribuer à la préparation d’échantillons biologiques dans les laboratoires sur puce. Par ailleurs, un contrôle local de l’état du pnipam permet de dessiner des motifs ou des alternances de pnipam gonflé – hydrophile et replié – hydrophobe ; il est ainsi possible de créer des hétérogénéités de charges de surface, dont il est prédit qu’elles entraînent des recirculations de flux électrocinétique. Le pnipam est donc susceptible d’être à la base de mélangeurs électrocinétiques. Il existe par conséquent au moins deux applications possible du pnipam répondant à des demandes technologiques des laboratoires sur puce. L’objectif de nos travaux a été d’explorer les possibilités de développement et d’intégration de technologies à base de pnipam, répondant à ces deux problématiques.

Technologie PNIPAM. Nous avons développé une technologie d’intégration du pnipam dans les microsystèmes qui comprend deux volets : d’une part, l’intégration d’éléments chauffants, sources des stimuli thermiques permettant de contrôler l’état du polymère ; d’autre part, un protocole de fonctionnalisation chimique pour greffer le pnipam sur des surfaces. Nous avons réalisé deux types d’éléments chauffants : le premier consiste en des lignes chauffantes simples, longues, permettant un chauffage homogène de microcanaux, adapté à l’accrochage de molécules biologiques. Le second, plus complexe, est constitué d’un ensemble d’éléments chauffants miniaturisés, individuels et adressables ; ils sont destinés au contrôle local de l’état du pnipam, dans l’objectif de mélangeurs électrocinétiques. Nos résultats indiquent que l’intégration de ces sources thermiques n’est pas un point bloquant : ces technologies sont bien maîtrisées au laas. Par ailleurs, notre protocole de greffage chimique a été caractérisé de façon approfondie ; plusieurs techniques confirment la présence de groupes chimiques spécifiques du pnipam. Nous avons greffé le pnipam avec succès, via une couche de silane, sur plusieurs types de surfaces : substrats plans de silicium et de verre, capillaires en silice fondue et microbilles en silicium. L’intégration de technologies pnipam dans les microsystèmes semble donc possible sans nécessiter de lourds développements spécifiques.

Applications. Les deux applications visées sont le mélange électrocinétique et l’accrochage réversible d’objets biologiques. Afin de déterminer l’influence du pnipam sur le flux électrocinétique, nous avons réalisé une étude complète en température. Nous avons ainsi montré que le contrôle thermique du pnipam permet de moduler le flux électro-osmotique ; la mobilité électro-osmotique sur pnipam augmente d’un ordre de grandeur entre 25°C et 40°C. Ces résultats encouragent la poursuite de travaux plus poussés dans cette voie. Par ailleurs, nous avons piégé avec succès des protéines sur des billes fonctionnalisées avec du pnipam. Leur libération n’est toutefois que partielle, à hauteur de 60 % ; ce décrochage incomplet est attribué à une adsorption non spécifique qui peut probablement être limitée.

Perspectives. Les briques de base de cette nouvelle approche sont en place ; de nombreux travaux restent cependant à réaliser pour la rendre totalement opérationnelle. Il est notamment nécessaire de définir les caractéristiques optimales et les protocoles d’utilisation des dispositifs. L’étape suivante est le test en fonctionnement de ces microlaboratoires de prétraitement d’échantillons, par exemple sur des protéines d’intérêt pharmaceutique. Une comparaison quantitative avec les protocoles utilisés actuellement, faite sur des échantillons réels, permettra finalement de jauger l’efficacité et l’avenir de cette nouvelle filière.