Tableau historique et pittoresque de Paris/Les Dames du Calvaire

LES DAMES DU CALVAIRE.


On regarde le P. Joseph, ce capucin si fameux sous le ministère de Richelieu, comme le premier instituteur de cet ordre. Il fut secondé dans cette entreprise par madame Antoinette d’Orléans-Longueville, restée veuve à vingt-deux ans par la mort de Charles de Gondi, marquis de Belle-Isle, son époux. Elle s’étoit d’abord retirée dans le couvent des Feuillantines de Toulouse, où elle avoit pris le voile en 1599. Étant passée ensuite à Fontevrauld, elle en embrassa la règle, et fut nommée coadjutrice de cette abbaye. C’est là, suivant toutes les apparences, que, de concert avec le P. Joseph, elle établit à Poitiers, dans un monastère de son ordre, la dévotion à la sainte Vierge accablée de douleur à la vue de Jésus-Christ expirant sur la croix, et qu’elle en fit l’objet d’une loi particulière. Par son bref du 25 octobre 1617, le pape Paul V lui permit de sortir de l’ordre de Fontevrauld, de prendre à Poitiers le nouvel habit qu’elle avoit choisi pour son institut, d’y mener tel nombre de filles qu’elle jugeroit à propos, et d’établir d’autres monastères semblables sous le titre de Notre-Dame du Calvaire. Comme elle s’apprêtoit à profiter de cette permission, elle mourut tout à coup l’année suivante. Toutefois une mort si prématurée n’arrêta point les progrès de cet ordre naissant : le P. Joseph en établit un couvent à Angers, et la reine Marie de Médicis, qui étoit alors dans cette ville, s’en déclara fondatrice. Elle fit plus : elle voulut procurer à ces religieuses un établissement à Paris, dans l’enceinte même du palais qu’elle faisoit bâtir. Le P. Joseph, qui lui en avoit inspiré le dessein, avoit en même temps cherché à leur procurer de nouveaux appuis ; et madame de Lauzon, veuve d’un conseiller au parlement, entraînée par les sollicitations et par l’autorité de ce grave personnage, promit 1,200 liv. de rente et un capital de 18,000 liv. pour les frais de l’établissement. Ce fut sur de telles assurances que six religieuses de Notre-Dame-du-Calvaire de Poitiers se rendirent à, Paris à la fin d’octobre 1620. Elles furent placées d’abord rue des Francs-Bourgeois, près la porte Saint-Michel, dans une maison que madame de Lauzon leur avoit fait préparer ; l’année suivante leur ordre fut approuvé par une bulle de Grégoire XV ; et Marie de Médicis passa avec elles un contrat de fondation, par lequel elle leur donnoit cinq arpents de terre joignant son palais, et 1,000 livres de rente. Mais on s’aperçut bientôt que les bâtiments d’une communauté élevés sur ce terrain auroient offusqué les vues du palais de la reine ; et cette considération ayant déterminé à leur reprendre cette partie du don, elles se virent obligées d’acheter, en 1622, deux hôtels voisins[1], dans lesquels elles firent construire d’abord quelques cellules et une petite chapelle. Trois ans après, Marie de Médicis fit bâtir la chapelle que nous avons vue jusque dans les derniers temps qui ont précédé la révolution, laquelle fut bénite, en 1631, par l’évêque de Léon, et dédiée, en 1650, par celui de Quimper, sous l’invocation de saint Jean-Baptiste. La reine fit aussitôt construire le chœur, la tribune, le cloître, une chapelle intérieure, etc. ; et des lettres-patentes données en 1634 confirmèrent cet établissement.

L’intention du P. Joseph ayant été d’établir spécialement ce couvent « pour honorer et imiter le mystère de la compassion de la Vierge aux douleurs de son adorable Fils », on en avoit conservé le souvenir en faisant sculpter sur la porte de la chapelle une Notre-Dame de Pitié tenant son fils mort sur ses genoux. La façade offroit, en plusieurs endroits, le chiffre de Marie de Médicis[2].


CURIOSITÉS DE LA CHAPELLE.


tableaux.

Sur le maître-autel, un Christ avec la Vierge, saint Jean et sainte Magdeleine ; par Philippe de Champagne.

Jésus-Christ au jardin des Olives ; par le même.

Une Résurrection ; par le même.

Le Père Éternel entouré d’anges ; par le même.


sépultures.

Dans cette chapelle avoit été inhumé :

Pierre de Patris, premier maréchal-des-logis de Gaston, frère de Louis XIII, poète du xviie siècle, mort en 1671.


  1. L’une de ces maisons se nommoit de Montherbu, l’autre, l’hôtel des Trois Rois. (Jaillot.)
  2. Les bâtiments de cette maison servent maintenant de caserne la gendarmerie d’élite