CHAPITRE CCCLXXXVII.

Prônes.


On y récite encore les anciennes prieres ecclésiastiques, qui se font pour chasser le diable. Le prêtre exorcise les sorciers, les magiciens, les devins, & ramene la pratique des siecles les plus ignorans & les plus barbares.

Ceux qui gémissent encore sur ces exorcismes, qui ne contribuent pas à donner au peuple des idées saines, peuvent pardonner à cet abus, en songeant qu’en Espagne la superstition, si difficile à déraciner, s’y manifeste d’une bien autre maniere.

Mes lecteurs apprendront, avec quelque étonnement je pense, que le 7 novembre 1781 (il n’y a point ici faute de date, j’en avertis) on brûla à Séville une femme accusée d’avoir eu commerce avec le diable. Saint Cyprien & saint Augustin ont cependant dit positivement que la chose étoit impossible. Cette malheureuse étoit jeune & jolie. Par un raffinement de cruauté, les inquisiteurs lui firent couper le nez deux heures avant l’exécution, afin que les graces touchantes de sa figure ne pussent plus intéresser à son sort. Je tiens le fait d’un témoin occulaire. Oui, cette horrible scene n’est pas plus ancienne que le 7 novembre de l’année derniere. Lecteurs, pesez l’époque.

L’ancien axiome, tout vice est issu d’ânerie, mérite bien d’être renouvellé. On voit ce triste résultat à chaque page de l’histoire des hommes.

Pauvre esprit humain, que tu as besoin de lumieres ! Tu es près à chaque instant de tomber dans les plus viles superstitions. Tu as adopté la sorcellerie, la magie, l’astrologie judiciaire ; & tes erreurs politiques, non moins monstrueuses, ont fait gémir de pitié sur ton aveuglement.