CHAPITRE CCLI.

Séparations.


Le divorce n’est pas permis, & les plaintes en séparation sont éternelles. Les voûtes du temple de la justice retentissent des gémissemens qu’y portent des époux fatigués l’un de l’autre. Le mariage offre une foule d’hommes que ces liens sacrés meurtrissent & déchirent. Ils frémissent contre l’indissolubilité d’un nœud que tous les efforts ne sauroient rompre.

Notre législation, en prescrivant un terme indéfini, n’a point su composer avec nos passions, ni avec notre nature. Cette loi extrême s’est manifestée sur-tout dans les pays où l’éducation, dépouillant le cœur de son énergie particuliere, lui a désappris à sentir une passion forte & unique.

La lot a été obligée d’accorder les séparations, beaucoup plus révoltantes que le divorce ; car la réparation isole deux êtres, & les laisse dans une espece de néant.

Le divorce, dans le pays où il est permis, est infiniment plus rare que la séparation. Faut-il s’étonner si, ne pouvant briser cette loi inflexible & liée mal-à-propos à la religion la plus austere, l’homme est parvenu pour ainsi dire à la ridiculiser, en la violant tant de fois & si ouvertement ?

Les séparations volontaires sont fort communes à Paris. On demanderoit vainement aux loix la rupture d’un nœud devenu insupportabls ; on le délie de soi-même, & ni les loix civiles ni les loix ecclésiastiques ne vous interrogent sur cette désunion, pourvu qu’aucun des contractans ne se plaigne. Voilà comme les loix irréfragables perdent tout-à-coup leur force & leur vertu.