CHAPITRE CCI.

Annonces des Spécifiques.


Ce mal contagieux, puisé au sein du plaisir, & qui dégrade l’espece humaine par un poison subtil & caché, est tellement répandu qu’on a cessé de lui imprimer une certaine honte ; & c’étoit bien assez de la douleur.

Il paroît que ce fléau n’est pas dû à la découverte du Nouveau-Monde ; qu’il a préexisté en changeant de modes & de caracteres extérieurs.

C’est la lepre des Hébreux & des Arabes. Si ce venin diminue à mesure qu’il est détaillé, si c’est la bourse de jetons, comme on dit familiérement ; c’est à Paris qu’il doit s’annuller, par sa prodigieuse distribution.

Regardez dans les rues combien de visages pâles & défaits, combien de poitrines délabrées, que de constitutions ruinées & décomposées !

C’est qu’il y a quelque chose de plus terrible que la maladie ; c’est cette foule de prétendus anti-vénériens internes, poisons destructeurs, plus pernicieux les uns que les autres, & scellés tous de privileges royaux.

L’empire du charlatanisme a sur-tout pour base la maladie vénérienne. Par-tout des annonces séduisantes remplissent nos mains ; on n’entend parler que de spécifiques décorés de belles épithetes ; on ne parle point de l’application du mercure ; on vous le fait avaler sous les jolis noms de dragées, syrop, élixir, tablettes, chocolat. Bientôt nous aurons la brioche ou la dariole anti-vénérienne. Que de duppes & de victimes ! Ainsi, malgré l’observation journaliere, qui constate que tous ces prétendus spécifiques tombent bientôt dans l’oubli & le mépris, on s’en sert. On vous offre publiquement une méthode douce, amiable, sûre, qui guérit d’une maniere prompte, paisible & radicale ; & l’imprudente jeunesse s’accoutume à croire que le danger est moins sûr que le remede. La douleur ne l’avertira que trop tôt combien il faut douter de l’impuissance & de l’inefficacité de toutes ces drogues inconnues & équivoques.

Comment connoître le faux du vrai, lorsque tous ces spécifiques ont pour garans l’approbation de la faculté de médecine & la pancarte royale ?