TITRE OEUVRE/L’Amour à passions/12

Jean Fort (p. 199-206).

XII

Encore des Satanistes


Jamais le Satanisme n’a été tant à la mode.

On le trouve, actuellement, parmi les petites annonces des dernières pages des grands quotidiens !

Mais oui, je n’exagère pas ! Voyez plutôt :

« Bonheur parfait, amour partagé, fascination, toute puissance. Écrire C. D 139, Bureau central ». J’ai écrit. À la deuxième lettre, l’on me fixait un rendez-vous ; j’y allais, et je me trouvais en présence d’un prêtre habitant Vincennes.

« Science divine. Jean-Marie. Poste restante, Toulouse ». Au bout de quinze jours « Jean-Marie » me proposait de l’eau bénite et des hosties consacrées, fabriquées d’une pâte dans laquelle entraient, paraissait-il, du sang menstruel et du sperme afin qu’elles pussent servir à la célébration de la messe noire !

« Mme X., Y., Z., connaît tous les secrets des initiés. Écrire Mme X., Y., Z., bureau 2, Paris ». Mme X., Y., Z. vend des hosties consacrées qu’elle vole en allant communier dans le plus d’églises possible, c’est-à-dire qu’elle garde dans sa bouche au lieu de les avaler et dissimule, ensuite, dans son mouchoir.

Un autre m’a proposé des hosties faites de sang menstruel et de cendres d’enfant brûlé ! De cendres d’enfant brûlé ? Parfaitement ! Il prétend les tenir d’un employé du four crématoire du Père-Lachaise ! À notre époque, on ne peut pas égorger des enfants aussi facilement qu’on le faisait sous Louis XIV ! Il est vrai que le docteur Socquet, médecin légiste, remet à Gaston Durville une main humaine pour qu’il la momifie avec ses effluves (sic) !

… Dans une arrière-boutique d’un marchand de vins de la rue Bonaparte se tiennent en permanence quatre ou cinq prêtres disposés à débiter ces sortes de messes.

— Évidemment, nous dit l’un d’eux, c’est surtout pour se faire aimer que l’on fait dire des messes noires. Mais, l’on en fait dire aussi pour accélérer la mort d’un ennemi ou celle d’un parent à héritage. L’on en fait dire, également, dans d’autres buts, gagner à une loterie, par exemple, trouver un trésor.

L’autel se compose d’un matelas posé sur deux chaises ; une femme, toute nue, se couche sur ce matelas, les jambes pendantes, la tête renversée sur un oreiller ; le prêtre étend une serviette sur le ventre de la femme, et pose la croix sur l’estomac et le calice sur le ventre ; à droite et à gauche, sur des sièges, brûlent des cierges ; à la Consécration, l’officiant dit :

« Astaroth, Asmodée, princes de l’amitié, je vous conjure d’accepter le sacrifice que je vous présente de cet enfant pour les choses que je vous demande, et qui sont que… »

La messe noire se célèbre actuellement telle qu’elle se célébrait autrefois. Empruntons quelques lignes aux Archives de la Bastille, publiées par François Ravaisson, il y a une vingtaine d’années :

« L’abbé Guibourg a fait, revêtu seulement de l’aube, de l’étole et du manipule, une conjuration en présence de la dame des Œillets, laquelle était accompagnée d’un homme ; comme il était nécessaire d’avoir du sperme des deux sexes, la des Œillets ayant ses mois n’en put donner, mais versa dans le calice de ses menstrues, et l’homme qui l’accompagnait ayant passé dans la ruelle du lit avec Guibourg versa de son sperme dans le calice. Sur le tout, la des Œillets et l’homme mirent chacun d’une poudre de sang de chauve-souris et de la farine pour donner un corps plus ferme à toute la composition, et, après qu’il eût récité la conjuration, il tira le tout du calice qui fut mis dans un petit vaisseau que la des Œillets ou l’homme emporta. »

Rappelons, à ce propos, que ces ingrédients étaient nécessaires parce que ce qui différencie la messe noire de la messe ordinaire c’est que dans celle-ci le Concile de Nicée décida de se contenter du simulacre de la Présence, tandis que dans celle-là la présence du Dieu — Principe de Vie doit être réelle.

Aujourd’hui, il faut bien, avons-nous dit, se contenter de cendres d’enfant. Il faut bien se contenter ? Et que diable font donc les chiromanciens, cartomanciens, graphologues dont les annonces s’étalent cyniquement dans les journaux sinon, la plupart du temps, se livrer à des avortements dont les produits servent à des opérations magiques ?

… Parmi les satanistes, il convient de ranger la horde des spirites dont les réunions ne sont, en réalité, que prétextes aux plus honteuses débauches. Ce qui se passe dans les cercles spirites défie toute imagination.

Lorsque les spirites disent qu’ils n’admettent pas n’importe qui dans leur sein, vous pouvez les croire. Mais, lorsqu’ils prétendent que c’est parce que les incrédules nuisent à leurs expériences, il ne faut plus les croire. À la vérité, c’est parce qu’ils ont peur d’être dénoncés, et de voir la police interrompre leur ignoble sabbat.

J’ai pénétré, plusieurs fois, dans l’un de ces cercles, boulevard Exelmans. Naturellement, la demi-obscurité y règne. L’on ne procède que par tâtonnements… L’on me comprend, je pense, à demi-mot. Ce sont des serrements de mains prolongés, inquiétants ; les affiliés se reconnaissent. On parle à voix basse, la gorge contractée. Déjà, les membres tremblent. On se rapproche, on se frôle étrangement. L’on s’assied les uns près des autres, les pieds mêlés. Un grand silence règne. De temps en temps des souffles bizarres caressent les visages ; il paraît que ce sont les esprits…

Ces esprits — toujours dans l’obscurité, bien entendu — se matérialisent, c’est-à-dire deviennent chair et os, se font tangibles, ils embrassent, il pincent, ils chatouillent, ils se livrent à toutes sortes d’attouchements…

On les laisse faire, parce que les esprits sont sacrés ! Bientôt, les esprits se font vampires, leurs attouchements changent de nature, on entend des soupirs, les corps sont agités de longs sursauts…

Il paraît que cela fatigue singulièrement le médium, c’est-à-dire la personne chargée du principal rôle. Je vous crois ! On serait fatigué à moins. Le médium, il est vrai, a des compensations : les assistants ne retrouvent jamais leurs porte-monnaie, on leur assure qu’il s’est « dématérialisé » ! S’ils ne le croient pas, on les menace de les dénoncer. C’est un chantage effréné.

Le spiritisme, c’est le sadisme du passé. Qu’il s’appelle « incubât » ou « succubat », c’est toujours l’art de posséder les morts.

D’ailleurs, il n’y a qu’à examiner les spirites : presque tous sont atteints d’ataxie locomotrice ou de ramollissement du cerveau. De même que les maisons de rendez-vous, chaque cercle spirite a sa spécialité : ici, c’est le succubat, c’est-à-dire que l’on y reçoit la visite des mortes ; là, c’est l’incubat, c’est-àdire que l’on y reçoit la visite des morts. Dans un autre, c’est mixte. En un quatrième, le médium apparaît costumé, tantôt comme une fille de brasserie, tantôt uniquement vêtu de voiles transparents, et donnant à chacun sa nudité à toucher. Et, ce faisant, il déclare gravement : « Je suis l’amant que tu as perdu, il y a deux ans ; j’habite sur Jupiter, je viens te voir ce soir, je pense sans cesse à toi. Surtout, n’oublie pas de te montrer très généreux avec le médium qui nous sert en ce moment d’intermédiaire. Tu me le promets ? oui ? Eh bien ! je vais t’embrasser ! » Et l’on entend un bruit de baiser.

En un cercle spirite de la rue Saint-Paul c’est un commandant en retraite qui joue le rôle de médium !

Je connais un spirite, M. B…, amoureux fou d’une jeune religieuse qui ne lui apparaît que par l’intermédiaire d’un médium du nom de Craddock. On pense ce que cela coûte à B… !

… Maintenant, que penser de tous ces hypnotiseurs, magnétiseurs et Cie qui dressent des médiums, qui, en bon français, détraquent les cerveaux, achèvent de rendre fous ceux qui ne le sont qu’à moitié ?

Un malheureux ou une malheureuse se présente à eux, disant : « J’ai des bourdonnements dans les oreilles, des mouches dans les yeux, je rêve toute la nuit. Que faut-il faire ? » Et ces pseudo-médecins (quelques-uns, cela est triste à dire, ont vraiment leurs diplômes de médecins !) de répondre : « Tant mieux ! C’est la fortune pour vous ! »

Ils devraient ajouter : « Pour moi aussi ! »

Dès lors, ils ne lâchent plus l’infortuné. Mais, au lieu d’essayer d’enrayer le mal, ils l’accélèrent, s’ingénient à le développer, font tout leur possible pour amener la véritable folie, à la rigueur, conseillent l’opium. Ils veulent un médium, ils veulent l’exploiter, en vivre de toutes les façons.

Et dire que la Loi ne punit pas de tels crimes ! Il est vrai que lorsque l’on voit les Docteurs Doyen et Macaura… Il faut espérer que le Parlement finira par voter une loi permettant de condamner à des peines sérieuses tous les guérisseurs, hypnotiseurs et magnétiseurs qui sont un véritable fléau pour la santé publique.