Témoignages et souvenirs (Ségur)/Préface

PRÉFACE



Quoique les divers chapitres qui composent ce volume semblent complètement distincts et indépendants les des autres, ils ont tous été inspirés et ils sont dominés par une pensée supérieure et commune qui leur sert de lien, et c’est pour exprimer cette pensée dominante que j’ai donné à l’ensemble de l’ouvrage le double titre de Témoignages et Souvenirs.

En effet, chacun des souvenirs que j’ai rappelés est en même temps un témoignage, témoignage ardent, mais sincère, en faveur de la vérité, en faveur de l’Église catholique, la seule source infaillible de la vérité de ce monde. J’avoue même en toute simplicité que ce désir de rendre hommage et service, dans l’humble mesure de mes forces, à cette foi divine, qui est en même temps mon espérance et mon amour, a été le principal, je devrais pouvoir dire le seul mobile qui m’a fait rassembler ces souvenirs encore bien récents ; ce mobile manquant, j’ose espérer que je ne les aurais ni écrits ni publiés.

Mais nous sommes dans un temps où les ennemis de l’Église et trop souvent ses enfants eux-mêmes parlent si haut et si fort, avec tant d’audace et de légèreté, de ses œuvres qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils ne comprennent pas, que j’ai cru devoir, après beaucoup d’autres chrétiens dévoués, descendre dans cette grande arène où luttent l’erreur et la vérité, et dire à mon tour quelques-unes des œuvres de cette charité catholique, qu’il m’a été donné de contempler.

Il n’est pas de chrétien fervent et agissant qui n’ait rencontré mille fois dans sa vie et qui ne rencontre à chaque pas des preuves admirables et vivantes de la vérité de sa foi, de la puissance surhumaine de vertu et d’amour qui réside dans l’Église de Jésus-Christ. Il suffit pour cela d’entrer dans un couvent ou dans un monastère, de connaître un bon prêtre, de participer à une de ces mille œuvres de l’Église dont les catholiques seuls, avec Dieu et ses anges, connaissent les humbles et sublimes secrets. C’est quelques-uns de ces faits, quelques-unes de ces œuvres, inconnus ou dénaturés par l’ignorance ou la passion, que j’ai essayé de mettre en lumière, en racontant ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, ce que j’ai touché du doigt, de l’esprit et du cœur. J’ai dû laisser dans l’ombre bien des beautés, bien des vertus, bien des miracles de dévouement et d’amour, bien des faits providentiels dont j’ai été témoin, et qui eussent grossi démesurément un volume déjà trop gros peut-être. Je me suis contenté de choisir dans un inépuisable trésor, quelques souvenirs chers à mon cœur et à ma foi, et de les raconter sans autre art que celui de la conviction et de la vérité.

C’est ainsi que, par le simple récit de leurs œuvres et de leur existence de chaque jour, j’ai essayé de rendre témoignage aux trappistes comme aux missionnaires, à l’humble aumônier d’hôpital comme à l’obscur infirmier militaire, au dévouement sublime des mères chrétiennes et à l’énergie chevaleresque des âmes trempées dans la foi catholique comme au génie des orateurs sacrés et à l’incomparable beauté des fêtes et des triomphes pacifiques de l’Église, enfin à cette puissance de Dieu toujours agissante, qui, de nos jours comme dans tous les temps, se manifeste par des faits surnaturels, par des miracles qui mettent en déroute toute la science et tous les raisonnements de l’orgueil humain.

Puisse mon témoignage, tout faible qu’il est, servir en quelque degré la cause de cette sainte et immortelle accusée, de cette Église catholique, ma mère et mon espérance éternelle, qui, à l’image de son divin fondateur, est ballottée dans tous les siècles de Caïphe à Pilate et de Pilate à Hérode, c’est-à-dire de la haine à la lâcheté et de la lâcheté à la sottise ! Puisse du moins cette épouse bien-aimée de Jésus-Christ agréer mon humble effort comme celui d’un fils tendre et dévoué qui, malgré sa faiblesse, ne peut s’empêcher d’élever la voix avec un amour indigné en entendant insulter et calomnier sa mère !


a. de ségur.


Novembre 1856.