Sur le même sujet (fête des alliances)

Œuvres poétiques de Malherbe, Texte établi par Prosper BlanchemainE. Flammarion (Librairie des Bibliophiles) (p. 165-167).


XXVII

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1612


Donc, aprés un si long sejour,
Fleurs de lys, voicy le retour
De vos avantures prosperes ;
Et vous allez estre à nos yeux
Fresches comme aux yeux de nos peres,
Lors que vous tombastes des cieux.

À ce coup s’en vont les destins
Entre les jeux et les festins
Nous faire couler nos années,
Et commencer une saison
Où nulles funestes journées
Ne verront jamais l’orizon.

Ce n’est plus comme auparavant
Que, si l’Aurore en se levant
Davanture nous voyoit rire,
On se pouvoit bien asseurer,

Tant la Fortune avoit d’empire,
Que le soir nous verrait pleurer.

De toutes parts sont éclaircis
Les nuages de nos soucis ;
La seureté chasse les craintes,
Et la Discorde, sans flambeau,
Laisse mettre avecques nos plaintes
Tous nos soupçons dans le tombeau.

Ô qu’il nous eust cousté de morts,
Ô que la France eust fait d’efforts
Avant que d’avoir par les armes
Tant de provinces qu’en un jour,
Belle reine, avecques vos charmes,
Vous nous acquerez par amour !

Qui pouvoit, sinon vos bontez,
Faire à des peuples indomtez
Laisser leurs haines obstinées
Pour jurer solemnellement,
En la main de deux hyménées,
D’estre amis eternellement ?

Fleur des beautez et des vertus,
Aprés nos malheurs abbatus
D’une si parfaite victoire,
Quel marbre à la postérité

Fera paroistre votre gloire
Au lustre qu’elle a merité ?

Non, non, malgré les envieux,
La raison veut qu’entre les dieux
Vostre image soit adorée,
Et qu’aidant comme eux aux mortels,
Lorsque vous serez implorée,
Comme eux vous ayez des autels.

Nos fastes sont pleins de lauriers
De toute sorte de guerriers ;
Mais, hors de toute flatterie,
Furent-ils jamais embellis
Des miracles que fait Marie
Pour le salut des fleurs de lys ?

[toutes les sybilles]

À ce coup la France est guerie ;
Peuples, fatalement sauvez,
Payez les voeux que vous devez
À la sagesse de Marie.