Sur la transmission de l’irritation d’un point à un autre dans les feuilles des Drosera, et sur le rôle que les trachées paraissent jouer dans ces plantes

Sur la transmission de l’irritation d’un point à un autre dans les feuilles des Drosera, et sur le rôle que les trachées paraissent jouer dans ces plantes

physiologie végétale. — Sur la transmission de l’irritation d’un point à un autre dans les feuilles des Drosera, et sur le rôle que les trachées paraissent jouer dans ces plantes. Note de M. M. Ziegler.

(Renvoi à la Section de Botanique.)

« Lorsque l’on irrite un ou plusieurs poils de la ligne médiane d’une feuille de Drosera, tous les autres poils s’inclinent, peu à peu, vers le point irrité, et ce sont surtout les longs poils de la circonférence qui décrivent alors un très-grand mouvement. Comment l’irritation des poils centraux se communique-t-elle aux poils de la circonférence. Voilà le problème que j’ai entrepris de résoudre.

» Il y a près de quarante ans que M. Meyer a signalé une trachée qui traverse dans toute leur longueur les poils des Drosera. Or ces trachées, dont les fonctions physiologiques ne sont pas encore connues, pourraient bien être les éléments anatomiques chargés de transmettre dans les plantes les irritations d’un point à un autre. Pour mieux étudier ces trachées et pour les suivre, pas à pas, dans l’intérieur de la plante, je me suis servi d’individus de Drosera intermedia qui s’étaient développés depuis plusieurs mois dans la lumière diffuse d’un appartement bien éclairé. Les feuilles qui sont nées dans ce milieu artificiel sont un peu étiolées, beaucoup plus diaphanes, et n’ont rien perdu pour cela de leur irritabilité. Pour examiner la disposition des trachées, je passe d’abord les feuilles à l’eau pour les débarrasser de la glu, puis je les laisse sécher sur une lame de verre, en les recouvrant d’un verre mince ; enfin je couche une de ces feuilles parfaitement sèche sur un peu de chloroforme. Quand la fouille est bien imbibée, je la remets sur une lame de verre, et, avant que le chloroforme ait eu le temps de s’évaporer, je recouvre la feuille de baume du Canada sec dissous dans du chloroforme. La feuille prend alors une très-belle transparence, et les trachées, qui sont impénétrables au chloroforme, étant restées remplies d’air, se dessinent en noir. Quand on n’a pas sous la main une pareille dissolution de baume du Canada, on peut faire usage du procédé suivant, qui permet de distinguer les trachées avec beaucoup de netteté, quoique très-peu colorées. Quelques gouttes d’alcool sont déposées sur la lame de verre, une feuille bien sèche est couchée dessus ; quand elle en est bien imbibée, l’alcool est enlevé tout autour avec une fine pipette. Quelques gouttes d’eau sont mises alors sur la feuille, et cette addition est renouvelée fréquemment pendant dix minutes ou un quart d’heure. L’excédant d’eau à côté de la feuille est enlevé avec la pipette, et la feuille est recouverte d’eau gommée de la consistance du miel. Le verre mince étant appliqué dessus, on laisse sécher.

» À l’aide de ces préparations, j’ai pu constater que du sommet du noyau de chaque glande part une trachée qui suit l’axe du poil, traverse la feuille et le pétiole et va se rendre dans la tige. Les trachées qui partent des poils de la région médiane de la feuille se réunissent en un faisceau qui traverse l’axe du pétiole. De chaque côté de la feuille, les trachées des poils des parties latérales se réunissent pareillement en faisceaux qui traversent le pétiole en longeant ses bords. Ces trois faisceaux pénètrent dans la tige ; un peu au-dessous de l’aisselle de la feuille, ils se réunissent, et en décrivant une petite courbe ils se dirigent vers le conduit médullaire qu’ils longent en allant vers la racine. Dans la feuille, outre les trachées qui vont aux poils, le faisceau médian possède deux trachées qui, sans communiquer avec aucun poil, vont, en passant par la partie supérieure de la feuille, s’unir, l’une au faisceau de droite, l’autre au faisceau de gauche. C’est la seule communication qui existe dans la feuille entre les trois faisceaux de trachées.

» Comme je n’ai trouvé dans ces feuilles, outre les trachées et les filaments qui les accompagnent, aucun autre élément que de grosses cellules, j’ai été conduit à me demander si ce n’est pas par les trachées que les irritations se transmettent, et comme elles ne présentent pas d’anastomoses, j’ai dû me demander si cette transmission ne se fait pas par l’intermédiaire d’un centre commun situé ailleurs que dans la feuille. Pour élucider cette question, j’ai fait l’expérience suivante : J’ai fait sur un certain nombre de feuilles à mi-hauteur du limbe, tantôt la section du faisceau de trachées de droite, tantôt celle du faisceau de gauche. À la hauteur même de la section, j’ai irrité quelques poils de la ligue médiane et j’ai constaté que les poils situés au-dessous de la section, du côté du pétiole, étaient paralysés et restaient immobiles, tandis que tous les autres poils se sont inclinés vers le point irrité. On peut tirer de cette expérience les conclusions suivantes :

» 1° Que dans les Drosera c’est bien par les trachées ou les fibres qui les entourent que l’irritation est transmise d’un poil à un autre ;

» 2° Que les mouvements des poils de la circonférence des feuilles ne sont pas des mouvements réflexes provoqués par une irritation partie d’un centre situé ailleurs que dans la feuille ; si ces mouvements étaient réflexes, c’est-à-dire réfléchis par les trachées, ce seraient les poils situés au-dessus de la section qui seraient paralysés. L’absence d’anastomoses conduit à penser que les trachées ou les fibres qui les entourent doivent communiquer entre elles latéralement par leurs points de contact.

» La blessure faite à la feuille par la section des trachées ne dérange pas visiblement les fonctions des poils. Un poil situé à j de millimètre au-dessus de la section exécute parfaitement tout son mouvement, et des poils situés à une distance également petite au-dessous de la blessure sont paralysés totalement.

» Il convient pour l’étude des Drosera de donner toujours la préférence à la Drosera intermedia ; on peut mieux y suivre le mouvement des poils, ces derniers y étant moins nombreux. Les trachées aussi y ont une disposition plus favorable, et ce qui donne surtout un grand avantage à cette espèce sur la Drosera rotundifolia, c’est la plus grande transparence des glandes qui permet de voir au microscope avec une grande netteté la structure anatomique de ces organes, pourvu que l’on se serve de plantes un peu étiolées. »