Traduction par Auguste Dietrich.
Félix Alcan (Parerga et Paralipomena, vol. 2p. 112-113).

SECTES


L’augustinisme, avec son dogme du péché originel et de ce qui s’y rattache, est, nous l’avons déjà dit, le christianisme véritable et bien compris. Le pélagianisme, au contraire, est l’effort pour ramener le christianisme au lourd et plat judaïsme, et à son optimisme.

L’opposition entre l’augustinisme et le pélagianisme qui ne cesse de partager l’Église, pourrait se résumer finalement ainsi : le premier parle de l’essence en soi des choses, le second parle au contraire du phénomène, qu’il prend néanmoins pour l’essence. Par exemple, le pélagien nie le péché originel ; car l’enfant, qui n’a encore rien fait, doit être innocent. Mais il ne voit pas que, comme phénomène, l’enfant, sans doute, commence à être, tandis qu’il n’est pas comme chose en soi. Il en est de même de la liberté de la volonté, de la mort expiatoire du Sauveur, de la grâce, de tout en un mot. Par suite de sa clarté et de sa platitude, le pélagianisme continue à régner, maintenant plus que jamais, sous la forme du rationalisme. L’Église grecque est pélagienne avec des adoucissements, et, depuis le Concile de Trente, l’Église catholique de même. Celle-ci a voulu ainsi prendre une position opposée à celle de Luther comme de Calvin, dont les opinions augustines étaient par conséquent mystiques. Les jésuites, eux aussi, sont semi-pélagiens. Les jansénistes, au contraire, sont augustins, et leur doctrine pourrait bien être la forme la plus vraie du christianisme. Car le protestantisme, en rejetant le célibat et l’ascétisme proprement dit, aussi bien que les saints qui le représentent, est devenu un christianisme émoussé, ou, mieux, brisé, auquel manque la tête ; il se perd dans le vide.