Calmann-Lévy, éditeurs (p. 46-58).


III

PARIS


Paris, hôtel de Gastiglione.

A la gare, pas de famille, pas de serviteurs, le petit omnibus jaune de la Compagnie Lyon-Méditerranée, puis l’hôtel ; la demeure de tout le monde, une chambre qui était hier celle d’un autre. Chère chambre ! Je voudrais pouvoir la garder,’la fermer. N’importe, je la referai bientôt mienne. C’est curieux, elle a beau être occupée par des étrangers pendant plusieurs mois, aussitôt que j’y rentre, elle me redevient familière, il me semble que j’y retrouve de ma vie : j’y ai ruminé tant de pensées, tant de souvenirs, tant médité… Est-ce que tout cela ne laisse pas de traces ? La table me sollicite au travail comme si elle était une table de médium. Nulle part mon cerveau n’est aussi actif, nulle part je ne sens l’inspiration aussi vivante. C’était là sans doute que je devais Page:Laperche - Sur la branche.djvu/65 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/66 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/67 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/68 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/69 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/70 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/71 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/72 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/73 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/74 Page:Laperche - Sur la branche.djvu/75 fait ! Ce n’est point pour mon propre plaisir que je transcris ces pensées, ces réflexions qui se sont élaborées lentement, douloureusement, derrière mon front et dont le germe vient de très loin peut-être. Quelle vie sortira de ces parcelles de ma vie ? C’est vexant de ne pas voir tout de suite. Je sais au moins que je ne mourrai pas, je commence même à me douter que je vis depuis bien longtemps. Et il y a des gens qui trouvent ce monde bête ! Ah ! voilà, ils ont la vue mais non la vision. Elle m’est venue tard et seulement après une série d’opérations très douloureuses. Je ne me plains plus, elle en valait la peine.