Sur la Mort de Mistriss Thompson

É. Dépierris aîné (p. 3-4).

SUR LA MORT

DE MISTRISS THOMPSON.


Dun amour malheureux, victime infortunée,
Jeune et tendre Eucharis, quelle est ta destinée !
La douce aménité, les graces, les vertus,
Les attraits enchanteurs, ce charme du bel âge,
Les talens qui faisoient ton brillant apanage…
Rien n’a pu t’obtenir un seul instant de plus.
Eucharis, si tes jours, à peine à leur aurore,
Par l’inflexible Parque ont été moissonnés,
Du moins les noirs soucis pour toi sont terminés.
Hélas ! sur cette mer où nous voguons encore,
Grondent autour de nous les autans déchaînés.

Vous, qui comptez pour rien les dangers de la vie,
Nymphes, que les plaisirs bercent au sein des ris,
Vous dormez sur les fleurs dont vos cœurs sont épris :
La coupe du bonheur peut vous être ravie ;
Jetez, jetez les yeux sur le sort d’Eucharis.
Mais si vous échappez, comme une ombre légère,
À cette douce ivresse, à des jours aussi beaux,
Que des Muses en deuil, le burin tutélaire
Vous dérobe du moins à l’oubli des tombeaux ;
Qu’il sauve votre nom des fureurs de l’envie ;

Qu’il prenne soin d’étendre un voile officieux
Sur les faibles erreurs d’une trop courte vie :
Que d’un monde cruel, vain et capricieux,
Votre mémoire enfin ne soit plus poursuivie !
Tes Mânes, Eucharis, auront cet heureux sort,
À des maux passagers, lorsque ton corps succombe,
Vois les Muses verser des larmes sur ta tombe :
Ton triomphe est certain, te voilà dans le port.