Sur la Maladie de François Ier (Marguerite de Navarre)

Femmes-Poëtes de la France, Texte établi par H. BlanvaletLibrairie allemande de J. Kessmann (p. 8-10).
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MARGUERITE DE NAVARRE.

SUR LA MALADIE DE FRANÇOIS Ier.


Rendez tout un peuple content,
Ô vous, notre seule espérance,
Dieu ! celui que vous aimez tant,
Est en maladie et souffrance.
En vous seul il a sa fiance.
Hélas ! c’est votre vrai David ;
Car de vous a vraie science :
Vous vivez en lui, tant qu’il vit.

De toutes ses graces et dons
À vous seul a rendu la gloire ;
Par quoi les mains à vous tendons,
Afin qu’ayez de lui mémoire.

Puisqu’il vous plaist lui faire boire
Votre calice de douleur,
Donnez à nature victoire
Sur son mal, et notre malheur.

Le désir du bien que j’attends,
Me donne de travail matière.
Une heure me dure cent ans ;
Et me semble que ma litière
Ne bouge ou retourne en arrière ;
Tant j’ai de m’avancer désir !
Ô qu’elle est longue la carrière
Où la fin gist mon plaisir !

Je regarde de tout costé,
Pour voir s’il n’arrive personne ;
Priant la céleste bonté
Que la santé à mon roi donne ;
Quand nul ne vois, l’œil j’abandonne
À pleurer, puis sur le papier
Un peu de ma douleur j’ordonne :
Voilà mon douloureux métier.


Ô qu’il sera le bien venu,
Celui qui, frappant à ma porte,
Dira : Le roi est revenu
En sa santé très bonne et forte :
Alors sa sœur, plus mal que morte,
Courra baiser le messager
Qui telles nouvelles apporte,
Que son frère est hors de danger.