Sur l’eau minérale de Vittel (Vosges)


SUR L’EAU MINÉRALE
DE VITTEL (Vosges)


Par M. J. NICKLÈS




Vittel, chef-lieu de canton du département des Vosges, doit une partie de sa prospérité à une eau minérale fort estimée et employée avec succès dans le traitement de plusieurs maladies, telles que la gravelle, les calculs biliaires, le catarrhe de la vessie, les engorgements abdominaux, etc.[1]. Cette eau minérale sort du Muschelkalk et ne jaillit qu’après avoir traversé le banc de marnes irrisées qui lui est naturellement superposé, et qui constitue le sol des environs.

Le point d’émergence des sources est à environ 4 kilomètres de Contrexéville ; il est situé à 336 mètres au-dessus du niveau de la mer (carte de l’État-major).

L’analyse de cette eau a été faite par M. O. Henry, qui trouve entre elle et l’eau minérale de Contrexéville une assez grande analogie tant sous le rapport de la composition chimique que sous celui des propriétés médicales. Toutefois ce savant a reconnu une différence dans les résultats relatifs à la chaux et à la magnésie. L’eau de Vittel contient moins de chaux et plus de magnésie (1,67 de chaux pour 1 de magnésie), tandis que pour l’eau de Contrexéville ce rapport est comme 4CaO : 1MgO.

J’ai reconnu, il y a quelques années, Mém. de l’Acad. de Stanislas 1857, p. 118, la présence du fluor dans l’eau minérale de Contrexéville, ainsi que dans celles de Vichy et de Plombières ; j’ai vu en mème temps, que la première est de beaucoup la plus riche de ce métalloïde peu connu.

J’avais fait cette expérience dans des conditions spéciales, instituées dans le but d’écarter les erreurs qui ne manquent pas de se produire lorsqu’on suit l’ancien procédé d’investigation, procédé qui conduit à des indications de fluor aussi bien avec les matières exemptes de ce métalloïde qu’avec celles qui sont fluorifères.

Toutes les eaux minérales ne contiennent pas de fluor, et les proportions varient considérablement chez celles qui en renferment.

Il était intéressant de savoir comment se comporterait à cet égard l’eau minérale de Vittel. La matière mise à ma disposition était tirée de la grande Source, appelée aussi Source diurétique, dont le débit est de 5 100 litres par heure. D’après M. Henry, elle donne par litre 1gr.739 de résidu salin dans lequel, avec la potasse, la soude, la chaux et la magnésie, il a reconnu la présence du protoxyde de fer, 0gr.010, de traces de manganèse, d’iode, d’arsenic et de phosphate de chaux.

Je dirai de suite que cette eau contient moins de fluor que les eaux minérales de la région, c’est-à-dire Plombières, Contrexéville, Bussang et Châtenois (Bas-Rhin), et que pour obtenir sur la lame de quartz une marque qui devienne visible sous l’action de l’haleine condensée, il est bon de ne pas opérer sur moins de 25 litres de ce liquide, alors qu’il suffit d’un litre d’eau minérale de Contrexéville ou de Châtenois pour produire une gravure sensible.

Je rappellerai ici que la lame de verre, employée dans l’ancien procédé, doit être remplacée par une lame de quartz, et que l’acide sulfurique avec lequel on se propose de dégager le fluor à l’état d’acide fluorhydrique, doit être préalablement purifié avec soin, c’est-à-dire débarrassé de l’acide fluorhydrique qu’il peut contenir, ainsi que je l’ai fait voir dans les Comptes rendus de l’Acad. des sciences, t. XLV, p. 250 et Mém. Ac. Stan. 1857, p. 8 et p. 15. Sinon on obtiendra des réactions quand même, par les raisons que j’ai fait connaître loc. cit.

En suivant mes indications, si la lame de quartz est attaquée, on peut être sûr qu’elle l’a été par le fait du fluor contenu dans la substance à analyser ; sans doute il peut arriver que d’abord on ne perçoive rien sur la lame convenablement débarrassée de l’enduit de cire, mais s’il y a eu du fluor en présence, les caractères tracés avec un stylet de bois ou de corne (et non pas d’acier) ne tarderont pas à apparaître sous l’influence de l’haleine, ainsi que nous l’avons fait voir à l’endroit indiqué plus haut.

En résumé, l’eau minérale de Vittel, du moins celle qui provient de la grande Source, est moins riche en fluorures que ne l’est celle de Contrexéville ; c’est là un fait de plus à l’appui de l’observation rapportée plus haut, suivant laquelle elle est aussi, à son grand avantage, bien moins riche en sels calcaires.



  1. Pour les détails, nous renvoyons aux deux opuscules que le docteur Patézon a publiés sous ce titre : Vittel, ses eaux minérales. — Études cliniques sur les maladies traitées aux eaux de Vittel.