Sur Claude Tillier
D’un génie étouffé ce livre est ce qui reste :
Tillier vécut de foi, d’amour et de malheur ;
Mais en se consumant, son cœur, foyer céleste,
A gardé sa chaleur.
Ouvrez tous ce recueil, sépulture inconnue
Où vos yeux éblouis trouveront un trésor,
Comme au tombeau d’un prince on voit son arme nue
Et ses ornements d’or.
Quand vous aurez suivi dans nos sentiers de fange,
Son calvaire à l’épaule et ses ronces au front,
Ce fils de Dieu, tombé dans une lutte étrange,
Des soupirs vous viendront ;
Et si votre ame est droite et votre vie austère,
Si vous aimez les cœurs calmes, forts et pieux,
Vous direz tristement : « C’est un grand caractère
Effacé de nos cieux ! »
Si vous aimez la guerre aux loyales étreintes,
La guerre pour le bien, sans éclat, sans témoins,
Vous penserez que c’est pour les batailles saintes
Un bon soldat de moins.
Quand passe le génie à l’aile éblouissante,
Si votre cœur ému se soulève et bat fort,
Vous direz, en plaignant notre muse impuissante :
Un grand penseur est mort !
Surtout, ô citoyens, si vous savez comprendre
La douleur d’une mère au regard éperdu,
Vous pleurerez ; car c’est un fils vaillant et tendre
Que la France a perdu !
Un apôtre plus digne, en tête de ce livre,
Dans sa fervente foi t’a déjà révélé :
Dors aux sphères d’azur ; sa voix te fera vivre,
Pauvre Christ envolé !
- Lucien DE LAHODDE.