Statistique et expérience (Simiand)/Avant-Propos

Librairie des sciences politiques et sociales (p. i-iv).


AVANT-PROPOS


La curiosité de beaucoup de personnes paraît aujourd’hui, et de plus en plus, s’attacher à nombre de problèmes qui, pour être traités de façon positive, supposent l’utilisation de statistiques. Mais la connaissance ou même seulement le soupçon des conditions à remplir pour un usage légitime de données ou de relations statistiques, sont beaucoup moins répandus que cette curiosité ou que cet usage même.

Les pages qui suivent seront peut-être, pour ces personnes, une occasion de réfléchir aux caractères et aux difficultés propres d’une preuve de cet ordre, et une incitation à exiger d’autrui comme de soi-même la notion et la pratique de précautions qui y correspondent.

Le présent essai ne prétend pas à plus. Et même, pour en expliquer le cadre, les limites et les insuffisances, je dois ici donner quelques indications personnelles, dont je m’excuse. Appelé à la présidence de la Société de Statistique de Paris pour l’année 1921, j’ai cru pouvoir prendre comme thème de l’allocution d’usage, prononcée à mon entrée en fonctions : la Statistique comme moyen d’expérimentation et de preuve[1].

Un éditeur actif, soucieux de donner dans le domaine de la statistique un effort analogue à celui qu’il a déjà heureusement fourni dans celui des sciences économiques et d’autres encore, a estimé que le contenu de cette allocution pourrait être présenté à un cercle plus large : c’est donc à M. Rivière que revient l’initiative de la présente publication.

J’aurais désiré, pour ma part, avant d’y donner cette extension imprévue, reprendre tout le travail, le compléter, le développer autant que, pour un exposé didactique écrit, la matière l’aurait comporté. Mais une telle refonte était toute une nouvelle tâche que, pour plusieurs raisons, je ne pouvais entreprendre avant assez longtemps.

Dans ces conditions, il a paru que le plus opportun, sous réserve de bien prévenir le lecteur de l’origine et du caractère ainsi constitués à cet essai, était de prendre pour base le texte même présenté à la Société de Statistique, en y apportant seulement un nombre assez limité de modifications : adaptations de forme, divisions et subdivisions, rétablissement de passages ou d’exemples écartés de l’exposé oral pour raison de temps, additions de notes et références bibliographiques.

Telles quelles, si ces remarques peuvent contribuer à préciser la notion même de statistique et à la lier, dans un juste rapport, avec celle d’expérience, puis à donner conscience des conditions à envisager pour un emploi probant de statistiques et suggérer en même temps les moyens d’y satisfaire, cette publication aura atteint tout le but auquel elle pouvait viser ; et je ne puis, pour répondre davantage aux besoins qui auraient été ainsi suscités, que renvoyer aux traités et ouvrages spéciaux de statistique théorique et appliquée[2] ou à des travaux ultérieurs que nous pouvons prévoir ou espérer.

  1. Journal de la Société de Statistique de Paris, février 1921.
  2. Citons notamment ici les ouvrages suivants, de caractères et de mérites divers :

    A.-L. Bowley, Eléments of statistics, London, King, 4e édition, 1921. (Traduction française prochaine.)

    G. Udny Yule, An introduction to the theory of statistics, London, Griffin, 1912.

    André Liesse, La Statistique : Ses difficultés, ses procédés, ses résultats. 2e édit. Paris, Alcan, 1912, in-16.

    Armand Julin, Principes de statistique théorique et appliquée, avec préface de M. L. March, t.1er Statistique théorique. Paris, Rivière, et Bruxelles, Dewet, 1921.

    Rodolfo Bénini, Principii di statistica metodologica, Torino, Unione tip. ed. torinese, 1906.

    A. Niceforo, La misura della vita. Torino, Bocca, 1920.