Stances au moineau de Climène

Stances au moineau de Climène
Chapelle


STANCES IRRÉGULIÈRES AU MOINEAU DE CLIMÈNE.

Petit moineau, délices de Climène,
Qui l’amusez par sauts et tours badins,
Chassez, mordez galants bruns et blondins,
Que Cupidon à ses genoux amène.

À mes rivaux livrez guerre traîtresse ;
Becquetez-les surtout quand leur tendresse,
S’émancipant, veut dérober faveurs
Qu’Amour ne doit qu’à mes vives ardeurs.

Daignez servir le beau feu qui me brûle,
Suivez Climène et gardez ses appas.
Quoique ne sois tant disert que Catulle,
Vers louangeurs ne vous manqueront pas.

Si méprisez les tributs de ma veine,
Ne me privez pour cela de vos soins ;
Biscuits friands je vous promets du moins.
Vous vous tiendrez à cette offre certaine ;
Bien je connois votre morale saine.

Sages moineaux, toujours solidité

Fixe vos goûts, Plaisir seul vous anime.
Il faut jouir, c’est là votre maxime,

Dogme chez nous follement contesté.

Pour vous, Moineau, si faites vanité
Du beau servage où le destin vous lie,
Pas ne serez accusé de folie,
Comme estimant frivole volupté ;
Là seulement gîte félicité.
L’heureux moineau que l’amant de Lesbie
Ès bords du Tibre a jadis tant chanté
Moins vit d’attraits dans l’aimable romaine,
À qui plaisoit par sa vivacité,
Que n’en voyez aujourd’hui dans Climène.

Essaim de cœurs, tout percés de ses traits,
Savent qu’en dire et ne peuvent s’en taire.
Plus doit priser les éloges secrets
Qu’elle reçoit de mes soupirs discrets.
Telle louange, au tarif de Cythère,
Onc ne se paie avec souris coquets.

Cette monnaie, hélas ! fausse et légère,
Fait tout le fond de certains beaux objets.
Préserve, amour, tout cœur tendre et sincère
De s’engager à si mince salaire.
Des vrais amants soutiens les intérêts,
Tu n’auras pas grande besogne à faire.

Et vous, Moineau, confident de mes feux,
Cher favori de l’objet que j’adore,
Chassez, mordez, je vous le dis encore,
Chassez, mordez mes rivaux dangereux ;
Par cris perçants, par insulte soudaine
Interrompez leurs discours amoureux ;
Ne permettez à l’aimable Climène
Que d’écouter le récit de mes feux.