Stances (Corneille, II)

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Stances (Corneille, II)
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 165-166).
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LVIII

Stances.

Ces stances, publiées pour la première fois à la page 89 de la cinquième partie des Poésies choisies de Sercy, et réimprimées aux pages 205 et 206 des Œuvres diverses, sont adressées, ainsi que les pièces XLVII, LI et LVI, à la du Parc, qui, comme nous l’avons dit, était connue sous le nom de la Marquise, et désignée parfois par Corneille sous celui d’Iris. Un critique ingénieux, M. Édouard Fournier, les a fort spirituellement encadrées dans une anecdote charmante (voyez ses Notes sur la vie de Corneille, p. ciii-cvii). Regardant la dernière stance comme ajoutée après coup, et se fiant trop à une tradition fort contestable, il a cru que cette pièce avait été composée pour Mme de Motteville en réponse aux railleries d’une jeune marquise ; mais le lien très-naturel et très-étroit qui unit ces stances aux autres pièces adressées à la du Parc ne permet pas d’admettre cette explication.


Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.

Le temps aux plus belles choses 5
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.

Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits : 10
On m’a vu ce que vous êtes ;
Vous serez ce que je suis.

 
Cependant j’ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n’avoir pas trop d’alarmes 15
De ces ravages du temps.

Vous en avez qu’on adore,
Mais ceux que vous méprisez
Pourroient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés. 20

Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu’il me plaira de vous.

Chez cette race nouvelle 25
Où j’aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu’autant que je l’aurai dit.

Pensez-y, belle Marquise :
Quoiqu’un grison fasse effroi, 30
Il vaut bien qu’on le courtise,
Quand il est fait comme moi.