Stances, au comte d’Olonne


Stances, au comte d’Olonne


À MONSIEUR LE COMTE D’OLONNE.
Stances.

Tircis, que l’avenir trouble moins tes beaux jours !
Qui sait vivre ici-bas, qui suit ses destinées,
Se laisse aller au temps insensible en son cours,
Et compte ses plaisirs plutôt que ses années.

Il goûte en liberté tous les biens qu’il ressent :
Un malheur éloigné fait rarement ses craintes ;
Et son esprit, charmé d’un repos innocent,
Connoît peu de douleurs qui méritent ses plaintes.

Le passé n’a pour lui qu’un tendre souvenir ;
Il se fait du présent un agréable usage,
Se dérobe aux chagrins que donne l’avenir,
Et n’en reçoit jamais qu’une plaisante image.

Il sait, quand il lui plaît, modérer ses désirs,
Tenir ses passions sous la loi la plus dure ;
Et tantôt la raison, facile à ses plaisirs,
Seconde le penchant qu’inspire la nature.

La faveur est un bien qui lui semble assez doux :
La gloire a des appas qui touchent son envie ;
Cependant il les voit sans en être jaloux,
Et les assujettit au repos de sa vie.

Il vit loin du scrupule et de l’impiété,
Sans craindre ou mériter les éclats du tonnerre :
Il mêle l’innocence avec la volupté,
Et regarde les cieux sans dédaigner la terre.

Quand il faut obéir à la rigueur du sort,
Il ne murmure point contre une loi si rude ;
Mais, de ces vains discours qui combattent la mort,
Il ne s’est jamais fait une fâcheuse étude.