Sphinxiana/Charades, Énigmes et Logogriphes

SPHINXIANA.


(1) CHARADE.

Le marin que rien n’effarouche,
Feu, tabac et pipe à la bouche,
Sur le tillac fait le premier.
Le tout doit son être au dernier,
Crains-tu que la mort ne te hape,
Malade, qui te sens pustules sur la peau,
Dans le sang âcreté ; bien infusé dans l’eau,
Bois ce tout, obéis aux ordres d’Esculape.


(2) CHARADE.

Avec le premier les tailleurs
Évitent sanglante piqûres.
Devant le second les chasseurs,
Souvent trop vifs, prennent mal leurs
mesures.
Par l’heureux entier les acteurs,
Actrices font au cœur dangereuses blessures.


(3) CHARADE.

Toujours l’on compte et l’on calcule,
En jouant avec mon premier.
À son ennemi, sans scrupule,
On cherche à jouer mon dernier ;
Et de l’homme honnête et crédule,
On se joue avec mon entier.


(4) ÉNIGME.

La plus vaillante créature
Qui soit dans toute la nature,
A peur seulement de ma voix.
Ma barbe a la couleur des flammes,
Et je suis, sans crainte des lois,
Toujours mari de plusieurs femmes.


(5) ÉNIGME.

Ou pesant, ou léger, dans mon individu,
Art ou nature me fabrique ;
Pesant, cuit au four, ou fondu,
Je sers au bourgeois magnifique :
Léger, coupé, sec et battu,
Je sers à mulet et bourrique :
Pesant, rangé, bien suspendu,

Je sers aux faiseurs de musique :
Léger, taillé, noirci, fendu,
Je sers en finance et pratique.


(6) CHARADE.

Mon tout est mon premier,
Devenu mon dernier.


(7) LOGOGRIPHE.

Je soutiens sans ma tête,
Les pauvres malheureux,
Qui sont avec ma tête,
Pour quelque temps boîteux.


(8) ÉNIGME.

Qui peut résister à mes feux ?
J’échaufferais un cœur de glace,
Et je tiens la première place,
Parmi les plaisirs et les jeux.
Souvent l’amour me fait des vœux,
Souvent la volupté m’embrasse,
Empruntant ma force et ma grâce,
Afin de faire des heureux.
Mon baiser est un feu liquide
Qui rend hardi le plus timide ;

Le plus sage en est transporté.
J’ai l’art d’égayer la tristesse,
Je change, en force, la faiblesse,
Et j’enfante la vérité.


(9) CHARADE.

Celui qui trop se livre aux coups de mon
premier ;
Qui, du matin au soir, ne fait que mon
dernier ;
Finira tôt ou tard, par trouver mon entier.


(10) ÉNIGME.

Je suis brillante et dégagée,
Mais d’une grande dureté,
Soit jeune, soit âgée,
J’ai toujours la même beauté.
Lorsque j’entre en service,
Aglaé, voici mon office.
Je passe, je repasse et je tire après moi,
Certain je ne sais quoi
Qui ne me quitte guère,
Qui ne soit dans l’emploi,
J’en ai pourtant au monde, au monastère,
Chez la reine, chez la bergère,
Chez le berger et chez le roi.

Toutefois, ô destin sévère !
Ô noire trahison !
Quand j’ai fait mon devoir, on me met
en prison.


(11) ÉNIGME.

Dans le monde je fais du bruit.
Mon corps est porté par ma mère ;
Cependant je porte mon père,
Quoiqu’il soit grand et moi petit.


(12) LOGOGRIPHE.

J’ai neuf pieds, cher lecteur. Quand on
me décompose,
J’offre un point que la mer arrose,
Je suis oiseau, vil animal,
Habitude, écorce, métal ;
D’autres fois, je dore la plaine
Pour devenir un aliment.
Je commande chez le croyant ;
Sur l’eau captive on me promène :
Enfin, mon tout, avec éclat,
Parle, agit, et vole au combat.


(13) CHARADE.

Dans l’alphabet on trouve mon premier ;
Dans la musique on trouve mon dernier ;
Mais, cher lecteur, où trouver mon entier ?


(14) LOGOGRIPHE.

On me mange avec ma tête,
Et l’on m’avale sans ma tête.


(15) CHARADE.

L’homme qui n’est pas mon premier,
Est peu digne de mon dernier,
Et rarement a mon entier.


(16) CHARADE.

Quand mon premier est mon dernier,
Alors, on a fait mon entier.


(17) LOGOGRIPHE.

Je vis et meurs avec mon cœur,
Je donne la mort sans mon cœur.


(18) LOGOGRIPHE.

Je puis causer l’effroi, en gardant tête
et queue :
J’annonce le plaisir, en perdant tête et
queue.


(19) CHARADE.

Pour faire mon dernier, on a fait mon
premier ;
En faisant mon entier, on défait mon
dernier.


(20) ÉNIGME.

Un bon vieux père a douze enfans,
Ces douze en ont plus de trois cens,
Ces trois cens en ont plus de mille ;
Ceux-ci sont blancs, ceux-là sont noirs,
Et par de mutuels devoirs
Un repos éternel dure en cette famille.


(21) CHARADE.

Mangeons l’un, filons l’autre, envoyons
à l’entier.


(22) CHARADE.

On n’est pas mon premier,
Quand on se sert de mon entier,
Avant d’être mon dernier.


(23) CHARADE.

Pour peu que vous craigniez d’avaler
mon dernier,
Gardez-vous à mon tout de faire mon
premier.


(24) LOGOGRIPHE.

Je passe pour très-maigre avec mon
double cou ;
Lecteur, je n’ai pourtant qu’une tête et
qu’un cou.


(25) ÉNIGME.

Nous sommes deux fois douze sœurs
Toutes de semblables humeurs,
Mais différentes de visage.

Nous composons en prose, en vers,

Et partout dedans l’univers
S’entend notre muet langage.

Nous rendons en un même-temps
Plus de mille amoureux contens,
Pour nous s’explique leur martyre.

Nous parlons toutes à-la-fois,
Et sans avoir besoin de voix,
L’on sait ce que nous voulons dire.


(26) CHARADE.

Chaque printemps, tu me vois naître,
Chaque hiver, tu me vois périr ;
Par mon second, tout petit-maître
De modèle compte servir.
Mon cher lecteur, si tu ne tiens
Ni mon second, ni mon premier,
Saches qu’entre tes mains
Se trouve mon entier.


(27) LOGOGRIPHE.

Je réveille,
À merveille
Un petit
Appétit.

Que l’on mette
Bas ma tête ;
En oiseau
Gros et beau,
Chose étrange !
Je me change.


(28) CHARADE.

Si du premier,
Si du dernier
L’œil examine la substance,
Traits égaux les tracent tous deux.
Mais si l’oreille juge entr’eux,
Adieu la ressemblance ;
Mise à part de leurs sons
La différence,
De définir l’un essayons,
L’autre aussi nous définirons....
Non, renonçons,
C’est acte de prudence,
Car jamais nous le pourrons.
Mais l’épithète
Qu’un fils répète,
Écrivant,
Ou parlant
À son père,
Dévoile le mystère.

Le mot est-il encore à trouver ? L’on
doit faire
Le tout pour le moins, quelqu’instant.


(29) CHARADE.

Bravant le déshonneur,
Ma mère, hélas ! féconde,
En me mettant au monde
A fait notre malheur ;
Cependant le bonheur,
Dit-on, est mon partage….
Possédé par la rage,
J’irais dans le second
Me jeter, pour y boire,
Couché de mon long :
Car sot on peut me croire,
Non pas fou, j’en réponds.
En dépit de la mode,
Malgré le nouveau code
De nos sages fameux,
Souffrir avec courage
Injures et dommage,
Est acte généreux,
Qu’on glose, j’aime mieux
Ne mangeant que des crouttes,
Suant à grosses gouttes,
Me fatiguant beaucoup,

Au public être utile,
Rendre le sol fertile,
Ou travaillant au tout,
Ouvrage difficile,
Aidé de mes égaux,
Elever la barrière,
Qui doit d’une rivière
Boucher passage aux eaux.


(30) ÉNIGME.

Ainsi d’un long serpent je traîne
Mon corps à replis tortueux,
Et suis si peu respectueux
Que j’enlacerais une reine.
Le jour je me tiens dans mes trous,
Et la nuit je les quitte tous.


(31) LOGOGRIPHE.

Je ne crains rien avec ma tête :
On me sert à table, sans tête.


(32) ÉNIGME.

Je fus demain, et je serai hier.


(33) LOGOGRIPHE.

Je suis un composé de feuilles sans
verdure ;
Ma queue à bas, je tiens de tes jours
la mesure.


(34) CHARADE.

Des bœufs mornes, pesans,
À pas comptés et lents,
Traînent l’un et sillonnent
Ces guérets, qui nous donnent
De Cérès les présens.
Le coureur preste, agile,
Devance lestement
Maint coursier écumant,
Qui mène, dans la ville,
Un seigneur important.
À courir tant habile,
L’alerte Champion,
Suivant un faux dicton,
Doit sa marche hâtive
À l’opération,
Qui de l’autre le prive.
L’entier trop généreux

Au ciel levant les yeux,
Dit, en voyant la rage
De ses cruels bourreaux :
« Que ce fatal breuvage
« Écarte les fléaux,
« Des méchans le partage.
« Dieu, je bénis ton nom.
« Ma mort est leur ouvrage,
« Mais pour eux, oui… pardon….
« Pardon… la mort du sage
« Doit être une leçon. »


(35) LOGOGRIPHE.

Je règne sur la terre, en gardant tête et
queue,
Je plus à Jupiter, en perdant tête et
queue.


(36) CHARADE.

Cloé, jeune, riche, jolie,
Et veuve, qui mieux est,
À Damis qui lui plaît,
Sa liberté, doux trésor sacrifie,
Et pour premier se l’associe,
Cloé fait-elle bien ?

Cloé fait-elle une folie ?
L’expérience ne dit rien.
Peut-être dans l’entier sa galère nouvelle,
Passera-t-elle
Alternativement ?
(Quel funeste présage !)
Et de l’or à l’argent,
Et de l’airain au fer, du second l’apanage.


(37) LOGOGRIPHE.

Je porte avec mon chef,
Et contiens sans mon chef.


(38) ÉNIGME.

Avec deux fois deux pieds, je suis un
substantif :
Un angle sur le front, je suis un adjectif.


(39) ÉNIGME.

Cinq voyelles, une consonne,
En français, compose mon nom ;
Et je porte sur ma personne,
De quoi t’écrire sans crayon.


(40) LOGOGRIPHE.

Fils du mensonge avec ma tête,
Je suis ta mère sans ma tête.


(41) ÉNIGME.

On voit en l’air une maison
Qui peut passer pour labyrinthe,
Où ceux qui cheminent sans crainte
Sont arrêtés en trahison.

C’est une fatale prison,
Un lieu de gêne et de contrainte,
Où leur pauvre vie est éteinte
Par un monstre plein de poison.

Sa malice est ingénieuse,
Et de Vulcain la main fameuse
Dresse des pièges moins subtils.

Son art de bâtir est extrême,
Et sa manière et ses outils
Se rencontrent tous en lui-même.


(42) ÉNIGME.

Issus d’un père malheureux
Enfans de l’air, esprit de flamme,

Notre sort est bien rigoureux
Puisque la douleur est notre âme ;

Médecins des cœurs amoureux,
Nous présentons un faux dictame
Contre le trait qui les enflamme
Et contre ses coups dangereux.

Inconsidérés interprètes
Des passions les plus secrètes
Nous disons ce qu’il faut celer.

Mais pour expier notre offense
Et pour nous apprendre à parler,
Nous mourons à notre naissance.


(43) ÉNIGME.

Entre-nous quelle différence !
Vous charmez par votre blancheur ;
Moi, je serais, sans ma noirceur,
Traitée avec indifférence.


(44) CHARADE.

Tuons l’un, gagnons l’autre, et chérissons
le tout.


(45) LOGOGRIPHE.

Animal quadrupède, en conservant ma
tête,
Liquide je deviens, quand je n’ai plus de
tête.


(46) ÉNIGME.

Formé d’invisible matière
J’ai des ailes comme un oiseau,
Je prends mon vol dès le berceau
Et je suis l’aube matinière.

Ainsi qu’un ange de lumière
Je rends le ciel serein et beau,
Et devant moi la terre et l’eau
Reprennent leur grâce première.

Par mon retour délicieux
J’apaise le lion des cieux,
Et l’ire de la canicule.

Et si l’on veut se transporter
Au-delà des bornes d’Hercule,
On n’a qu’à m’en solliciter.


(47) CHARADE.

L’un dans les opéras se distingue aisément ;
L’autre rend odeur agréable.
Mari bourru, vous avez femme aimable,
Traitez-la doucement,
Ou craignez que le tout, Brocard si
redoutable,
À votre nom, de vos voisins la fable,
Ne s’adapte malignement.


(48) ÉNIGME.

Rencontre-t-on un camarade ?
Avant de lui verser rasade,
De sa santé,
Avec gaîté,
En le tutoyant, on s’informe,
Puis de bon cœur, ou pour la forme,
On parle, comme de raison,
Et de la chère épouse et de la fille Ursule,
Alors on articule
Un féminin pronom,
Le mot dont il s’agit, mot court et sans
façon,

Le voyageur craint l’autre, animal formidable,
Que de près Daniel vit, trouva doux, traitable.
Sa vertu le sauva de tout sanglant revers.
Mais ses accusateurs pervers
Condamnés à l’entier, autre sort éprouvèrent,
Et moulu sous ses dents, victimes succombèrent.


(49) LOGOGRIPHE.

Je suis sur mes six pieds et ta femme et
ta mère,
Ôte moi tête et queue et je serai ton père :
Par le milieu veux-tu me couper sans pitié ?
De toi-même je suis la plus noble moitié.


(50) CHARADE.

Tous les hivers, aux nones de janvier,
Par-tout même folie,
Le sort proclame le premier,
Images des plaisirs, sa gloire est tôt finie,
Aux instans qu’il fait le dernier,
Chacun le saluant, assez fortement crie.

Lindor, toujours distrait, oublie
D’articuler l’entier.
Convives, souverain, remarquent son
silence,
Et le jugent griève offense ;
Là, comme crime de lèze-majesté,
Le coupable est traité,
Subissant aussitôt la sévère sentence
Du bruyant comité.


(51) LOGOGRIPHE.

Je suis un animal
Souvent taxé de présager le mal.
Opinion étrange !
Si du chef à la queue on me coupe à
mi-corps,
Ma première partie en légumes se change,
Et mon autre moitié, par de légers efforts,
Pour être quelque chose,
À l’aide d’un chevron la tête deviendra :
Cette métamorphose
Te surprendra.


(52) CHARADE.

L’un se chante, l’autre se sème ;
Le tout cause au chef mal extrême.


(53) CHARADE.

La première à peine nubile,
D’un patriarche, ami du tout-puissant,
Fut l’épouse long-temps stérile.
Mais enfin elle eut un enfant,
Chef d’une nombreuse famille,
Qui subsiste par-tout et peuple l’univers.
Parmi tant de neveux, ou justes ou pervers,
Nul n’obtint du roi de Castille
L’honneur de porter le dernier,
Attribut et parure
D’un ordre qui faisait maint noble chevalier.
L’entière, dont on bat à trois temps la
mesure
Et qu’on bat lentement,
Se joue et danse gravement.


(54) CHARADE.

Le marmot qui toujours remue :
Le coursier inquiet, qui hennit et qui rue,
Au moindre bruit, au moindre mouvement,
Du premier très-évidemment

Méritent l’épithète.
Du second la soif vive anime les travaux,
De l’avare tourne la tête,
Donne industrie aux sots,
Fait présenter aux grands, aux rois
mainte requête,
Engraisse les traitons, supplante les rivaux,
Force un juge à lui faire fête
Le tout est-il à certaine hauteur,
Aux champs conduit le laboureur,
Et rassure le voyageur.


(55) LOGOGRIPHE.

Je suis végétal, sans ma tête,
Et minéral avec ma tête.


(56) CHARADE.

Vaste amas d’eau, plante, sorcier,
Voilà premier, second, entier.


(57) CHARADE.

Lion et sanglier
Pour traîner le premier,
Quel terrible attelage !

Admète réussit,
Sans danger les conduit,
D’Apollon c’est l’ouvrage.
Le second, riche habit
Couvrait dame romaine,
De plus une cité,
Qui voit couler la Seine,
Soit encore ajouté,
Par le peuple vanté
L’insecte débonnaire,
Qui fait humble prière.
Maint amant écouté
Aux pieds de la coquette,
Souvent le tout répète.


(58) CHARADE.

Ongles et doigts de l’écolier
Sont les pièces pour le premier.
On reconnaît dans le dernier,
Le mot qu’enfanta l’héroïsme,
Qu’adopta le patriotisme,
Aujourd’hui ce mot familier
Est usurpé par l’égoïsme.
Qui veut le tout fortifier,
Fût il chantre, fût-il huissier,
Dont aux encans le laconisme

Fatigue à force de crier,
Avec Bacchus ne fera schisme.


(59) CHARADE.

Chantons le premier,
Semons le dernier.
Et guérissons l’entier.


(60) LOGOGRIPHE.

Pour avoir terre fine, on fait de moi
l’usage ;
Quand je garde mon chef ;
Mais si je perds ce chef,
Je suis femelle, enfin, d’un animal sauvage.


(61) CHARADE.

Souffle-t-il impétueux vent ?
Mobile girouette
Fait le premier rapidement.
Image de mainte coquette,
Vient-il nouvel amant ?
Le volage jamais n’imite

Le tout, qui ne cessant de fixer Apollon,
L’approche de plus près, si le dernier
est bon.
À l’étoile de mer, radieux Zoophyte,
Ce tout donne ton nom.


(62) LOGOGRIPHE.

On m’outrage souvent, en gardant tête
et queue,
Parce qu’on ne m’a pas, quand je perds
tête et queue.


(63) ÉNIGME.

Je suis un invisible corps
Qui de bas lien mon être tire,
Et personne à peine ose dire
Ni qui je suis, ni d’où je sors.

Je parle et me tais à-la-fois,
Et bien souvent lorsqu’on me presse
Je deviens femelle traîtresse
De hardi mâle que je serais.

J’ignore l’art de discourir
Et si je me fais bien entendre,

Le même moment qui m’engendre
Me voit naître, et me voit mourir.

Aucun œil ne me vit jamais.
Je suis plus fragile qu’un verre.
Mon bruit, imite le tonnerre.
Et je suis le bruit que je fais.

Par moi l’un des sens est touché
D’une très-fraîche influence,
Et l’on rougit de ma naissance
Comme on rougirait d’un péché.

Un poëte eut sept villes pour soi
Dont chacune s’en disait mère,
Mais ce qui se fit pour Homère
Jamais ne se fera pour moi.

Mesdames, dont l’esprit charmant
De m’expliquer ose entreprendre,
Gardez-vous bien de vous méprendre
Et de me faire en me nommant.


(64) ÉNIGME.

La voix mourante me fait naître,
Et puis me dissipe aussitôt,
Je ne suis rien mais bien plutôt
J’empêche quelque chose d’être.

On ne m’entend, je ne dis mot,
Aux yeux je ne saurais paraître,
Par moi l’on ne peut reconnaître,
L’habile homme d’avec le sot.

Ce n’est pas moi qui persuade,
Je suis propre pour un malade,
Je fais les jours, j’aime les nuits.

Qui suis-je ? esprits que l’on admire,
Je ne suis pas ce que je suis,
Si j’ai pouvoir de vous le dire.


(65) CHARADE.

Qui gagne le second, fredonne le premier ;
Se fait, rentrant la nuit, éclairer par
l’entier.


(66) CHARADE.

L’un en denier réduit,
Donne douze au produit,
Près de Paris voit-on une colline,
L’œil amusé par maints objets charmans,
Sur l’autre avec plaisir chemine.
Le tout se prête aux mouvemens

Des maisons ambulantes,
Mal-propres en-dedans, en-dehors dégoûtantes,
Les soutient, adoucit leurs durs balancemens,
Et rompt des soubresauts les rudes secouemens.


(67) CHARADE naïve.

Mon premier est bon,
Mon second est net,
Et mon entier bonnet.


(68) CHARADE.

Le premier peut en l’échangeant,
Quatre fois satisfaire
À l’aumône ordinaire,
Faible soulagement
Qu’on donne au mendiant ;
L’autre décore un gentillâtre ;
Le tout vive, gaîe et folâtre,
Sait s’intriguer pour un amant,
Ou l’éconduire adroitement,
Amuser le public, faire rire au théâtre.


(69) CHARADE naïve.

Mon premier est un tric,
Mon second est un trac,
Et mon tout est un tric-trac.


(70) CHARADE.

Qui dans l’entier pourrait se dire,
Plus content que moi, plus heureux !
J’adore Émire,
Émire répond à mes vœux,
Enfin, plus d’obstacle à nos feux,
Demain ! qu’il paraît lent à mon impatience !
Demain ! je lui serai sans retour le premier.
Alecton cesse d’envier,
Mon bonheur et notre alliance.
Dieu du dernier,
Dieu que couronne le laurier,
Pour célébrer Émire,
Ses grâces, sa douceur, sa beauté, ses
talens,
De sa voix les tendres accens,
Si mon esprit ne peut suffire,
Mon cœur m’inspirera, mon cœur voudra
ta lyre.


(71) CHARADE.

L’un anime les chiens ; l’autre éguise le
goût.
Sur vos lèvres, Daphné, Vénus plaça le
tout.


(72) CHARADE.

Aux aguets, en silence,
Un chasseur bien armé, suivi d’un lévrier,
Voyant partir, à certaine distance,
Lapin, perdrix ou maint autre gibier,
Adroitement fait le premier.
Très-long-temps en bouteille,
Désirant conserver le doux jus de la treille,
Du second se sert l’amateur.
Cet amateur, un jour de fête,
Traitant son ami de grand cœur,
Sans importuns et tête-à-tête,
Du même jus demandera,
Pois voulant à ce camarade
Verser ample rasade ;
Pour ôter ce second, de l’étui tirera
Certain bijou d’acier, dont besoin il aura.


(73) CHARADE.

Sur mon premier, crains de verser ;
Sur mon second, crains de glisser ;
Sous mon tout, crains de t’écraser.


(74) CHARADE à M.me de ***,

On fit votre taille légère
À mon premier ;
Quiconque soutient le contraire
Fait mon dernier :
Ce que je dis, chacun le trouve,
En vous voyant,
Et mon tout est ce qu’on éprouve,
En vous quittant.


(75) CHARADE.

On fauche le premier,
On rase le dernier,
Et chacun lit l’entier.


(76) ÉNIGME.

Tu vas me croire une chimère,
Lecteur, ou qu’un astre malin

Me prépare dans le sein de ma mère
Un aussi bizarre destin.
Le voici : je suis fils d’une mère féconde,
Qui m’enfanta dans un réel séjour.
Je suis né, cependant je ne suis point
au monde :
Je vis, j’existe, et n’ai point vu le jour.


(77) LOGOGRIPHE.

J’imite du soleil, exactement le cours ;
J’en ai trop dit d’abord, et sans plus long
discours ;
Lecteur, dix pieds forment mon être.
Combine tes débris de mes membres
épars,
Et tu pourras y voir paraître
Ce métal précieux que le Pérou fait naître.
Ce que le nautonnier, après mille hasards,
Avec plaisir voit reparaître
Ce fleuve si vanté
Que la chute d’un téméraire
A rendu remarquable à la postérité ;
Un grand, de qui la majesté
Aux hommes dont il est le père,
Représente l’éclat de la Divinité :
Ce que dans ses plaisirs, ses jours et ses
richesses,

Nul mortel n’a jamais trouvé ;
Un prophète au ciel enlevé,
La plus fidèle des maîtresses,
Le trône de tout paresseux,
L’instrument du chantre de Thrace ;
L’époux de cette femme, exemple rigoureux,
Qui pour avoir tourne la face
Par un mouvement curieux
Fut réduite en sel sur la place ;
Ce qu’aujourd’hui doit devenir,
Une note, un ancien grand prêtre
D’un discours figuré… mais tu dois me
connaître,
Je crains de t’en trop dire ; il est temps
de finir.


(78) LOGOGRIPHE.

Je chantais autrefois d’un ton harmonieux
Les exploits des héros et les bienfaits des
Dieux.
J’avais alors un langage céleste.
Mais, ô renversement funeste !
Après de si nobles exploits,
On fit servir mes talens et ma voix
À célébrer les honteuses maximes,

Des passions, des forfaits et des crimes.
Ici pourtant je sais innocemment,
Offrir au sage encore quelqu’agrément.
Si de mon tout il défait la structure,
Je lui présente un instrument,
Un Phrygien laid, mais savant,
Un fleuve, un oiseau noir et blanc,
Un roi d’Israël, une ville
Où s’est tenu plus d’un concile ;
Un nom de la mère des Dieux ?
De Cérès les dons précieux ;
Un légume, dont en Carême
On se repaît, faute de mieux.
Tu peux, lecteur, sans un effort extrême,
Me deviner, car je suis sous tes yeux.


(79) ÉNIGME.

Je suis, sans avoir vu Je jour ;
Si je le vois, je cesse d’être.
Malheur à qui me donne un maître,
Sur-tout, en matière d’amour.


(80) ÉNIGME.

Lecteur, il est bon d’avertir,
Afin que ton effort redouble,

Que cette énigme est une énigme double :
Si pour me deviner tu veux te divertir,
Peut-on s’imaginer plus plaisante famille,
Il s’agit de savoir qui peut être la fille,
(le récit n’est point fabuleux)
Qu’on a vue épouser sa mère ?
Cette mère était mâle, et n’eut jamais
de père.
Devine, lecteur, si tu peux.


(81) ÉNIGME.

Parmi tous ceux de mon engeance,
Je passe pour le souverain.
Jadis la céleste puissance
À moi seul borna tout son train.
Je porte en mes pieds ma défense.
J’ai le regard vif et perçant ;
On m’a vu faire diligence
En levant plus que moi pesant.
Plus d’un grand à ma ressemblance,
Plaça toute sa vanité.
À quel point de magnificence
Un grand peuple m’a-t-il porté ?
Et non loin encore de la France,
Sous deux chefs je conserve un corps :
J’y sers même de récompense

J’attire les yeux sur son dos ;
J’y fais observer la cadence.
Sans que rien trouble mon repos.
Si tu prends de moi connaissance,
Lecteur, il faut t’en savoir gré,
On dit que finement je pense,
Ainsi tu m’auras pénétré.


(82) ÉNIGME.

J’ai certains beaux jours dans l’année
Dont tout le monde fait état,
Et mon illustre destinée
Est d’y paraître avec éclat.

Je suis un temps dans le silence,
Pour ne pas dire dans l’oubli.
Mais quelle est ma magnificence
Quand ce triste temps est fini !

Avec moi tout se renouvelle,
Tout reprend un air de gaîté,
Et ma voix alors est si belle,
Que chacun en est enchanté.

Il n’est dévot, prêtre, ni moine,
Qui ne brûlent de m’écouter,
Et le plus austère chanoine
Se plaît à m’entendre chanter.


(83) ÉNIGME.

Nous sommes d’un grand usage
Dans un très-petit ménage ;
On nous vend sans nous compter
À qui nous veut acheter.
Et tous les jours sur la brune,
De nous il périt quelqu’une,
Qui laisse, en finissant son sort,
Quelque odeur après sa mort.


(84) ÉNIGME.

Meurtrière
Ouvrière,
Aux palais
De nos rois
Je ne gîte,
Car bien vite
Ce serait
De moi fait.
Case étroite
Pour retraite
Me vaut mieux
Qu’autres lieux :
Là, je file
Plus tranquille,

Et souvent
Je surprends
Par adresse
Une espèce
De voleurs
Voyageurs.
Ennemie
De leur vie,
L’œil au guet,
Au collet
Je leur saute,
Et leur ôte
Vie et jour.
À mon tour
Suis-je vue ?
On me tue.


(85) ÉNIGME.

Mon origine est incertaine ;
Mais on me dit communément
Ou chinoise ou napolitaine.
Je navigue très-fréquemment,
Et l’empire affreux de Neptune,
Que mon sexe a tant en horreur,
Ne m’inspire point de terreur,
Quand l’homme y va chercher fortune.

Il ne l’entreprend pas sans moi ;
Sans moi, faible est mon espérance.
Je possède sa confiance,
Sans que je devine pourquoi.
Car chez moi ce n’est qu’inconstance,
Que faiblesse et fragilité ;
Souvent une vivacité
Qu’on prendrait pour extravagance.
À me consulter empressé,
Malgré ces défauts, plus d’un sage
A très-souvent eu l’avantage
De se voir par moi redressé.


(86) ÉNIGME.

Quelque obscure que je puisse être,
À ces marques aisément
Vous pourrez me reconnaître.
Je suis horrible ou charmant.
Quelquefois dans un moment,
Je reçois ou je perds l’être.
De petit je deviens grand,
Nul pourtant ne me voit croître.
Si deux ont un différend,
Je suis le tiers sans paraître.
Un bûcheron contre un hêtre,
Et le maréchal ferrant,
Sous mille coups me font naître.

Je cours avec un torrent,
Je suis par-tout le tonnerre.
Un poltron qui n’est pas sourd,
Je le fais aller grand’erre.
La nuit m’abat et m’altère,
Je renais au point du jour.
Dès qu’à table on casse un verre,
J’en donne avis à l’entour.
Je règne dans l’Angleterre,
Sans abandonner Fribourg.
Je suis sans cesse à la guerre ;
J’habite le carrefour,
Les halles plus que la cour :
Il n’est nul coin sur la terre
Où je ne fasse séjour.


(87) LOGOGRIPHE.

Avec sept pieds je ne suis bon à rien,
Si l’on ne m’en donne huit autres ;
Sans mon second, je suis le superbe soutien
De plus de cent riches apôtres.
En cet état, tranchez ma tête,
Je change bien de situation,
Je ne suis plus qu’une mauvaise bête :
Lecteur, devinez-en le nom.


(88) ÉNIGME.

Sans lui faire aucun compliment,
Je serre l’homme étroitement :
Quoique souvent brillant de broderie,
Je n’en tiens pas moins en état
Ce qui ne doit servir qu’au bien de la
patrie,
Et qu’à la gloire de l’état.


(89) ÉNIGME.

La terre ayant produit mon père,
De mon père en forma ma mère,
Pour servir à tous les humains.
Tant aux lieux profânes qu’aux saints,
Même dans les sacrés mystères,
Ils sont tous deux très-nécessaires ;
Mais après on les jette au feu,
Et là, se consumant en peu,
De leur fin, je tire mon être.
Devinez donc qui je puis être.
Si vous n’avez pas ce pouvoir,
Un jour vous le fera savoir,
Et ce jour marque chaque année :
Mon nom et de qui je suis née.


(90) ÉNIGME.

Je suis jeunette et délicate,
Ma beauté me fait rechercher ;
Et quoique mon teint vif éclate,
J’ai pourtant le cœur de rocher.

Si pour ma beauté naturelle,
J’affecte la fin du printemps,
C’est qu’en cette saison si belle
Je rends beaucoup de cœurs contens.

La jeunesse après moi soupire
Le beau sexe me fait la cour ;
Et si divers amans j’attire,
C’est par tendresse et par amour.

Avec cette douceur charmante,
Et toute contraire à mon cœur,
Fait-on quelque fête galante ?
Je m’y rencontre en bonne humeur.

Si je m’y trouve déguisée,
J’y vais couronner le repas ?
Bien loin d’être alors méprisée,
De moi l’on fait un plus grand cas.


(91) ÉNIGME.

Fille d’un animal bêlant,
Je suis d’une figure ronde ;
Je n’ai ni pieds, ni mains, et quoique
sans talent,
Je suis utile à tout le monde.
Par une injuste loi du sort,
À mon père je suis funeste ;
Je n’existe que par sa mort,
J’en suis le déplorable reste.
Sans lettres, sans étude, avec plus d’un
docteur
Je veille quelquefois du soir jusqu’à
l’aurore ;
Mais je perds toute ma splendeur,
Quand je vois le grand jour éclore :
Devine qui je suis, bénévole lecteur.


(92) ÉNIGME.

Rêvez ; je suis médicinal,
Deux syllabes font ma structure ;
La première offre un animal,
Et la seconde son armure.


(93) ÉNIGME.

Un peu plus pâle que l’aurore,
Je suis d’agréable couleur ;
Je prends ma beauté, ma fraîcheur
Au noir et chaud climat du Maure.
Je nais, je vis au sein de Flore.
Par le parfum de mon odeur,
Je réjouis et bouche et cœur.
Les festins, les fêtes j’honore.
Cher au malade comme au sain,
Le plus critique médecin
De ma vertu vante l’usage ;
Et touchant quatre des cinq sens
Du voluptueux et du sage,
J’anime les plus languissans.


(94) ÉNIGME.

Quoique je sois du sexe féminin,
Toujours à parler trop enclin,
Il faut qu’on m’ait fait violence,
Lorsqu’à me faire entendre enfin je me
résous.
Ainsi, quand avec moi l’on n’en vient
point aux coups,
Jamais je ne romps le silence.

Suivant les passions d’autrui,
À la joie, au chagrin, je cède ou je résiste.
Je pleurerai demain, si je ris aujourd’hui ;
Mais on ne peut savoir si je suis gaie ou
triste,
Si lorsque de parler on me donne l’emploi,
D’autres, en même-temps, ne parlent
qu’avec moi.

Comme j’ai la voix éclatante,
Beaucoup de ceux vers qui cet éclat les
conduit,
Venant presqu’aussitôt, remplissent mon
attente :
Mais quelquefois j’ai beau faire grand
bruit,
Il est des gens d’humeur rebelle,
Quoiqu’à cris redoubles long-temps je
les appelle,
De qui je ne pourrais jamais rien obtenir,
Si l’on n’allait chez eux pour les faire venir.


(95) ÉNIGME.

J’ai deux pieds avec une tête,
Et je ne suis homme ni bête.

Je sers aux plus grands travaux ;
Sur-tout aux arts libéraux.
Je traverse aisément l’onde.
Et même tout le monde.
Je vais tantôt à grands pas,
Et tantôt à petits pas.
Je règle dans la peinture
De chaque objet la structure.
A-t-on vu sous le soleil
Chose d’usage pareil !


(96) ÉNIGME.

J’aborde d’un air gracieux
Celui pour qui je m’intéresse ;
J’ai néanmoins souvent l’adresse
De lui faire baisser les yeux.

J’ai mille tours ingénieux,
Pour le bonheur, pour la tristesse ;
Par un excès de politesse,
Je puis devenir ennuyeux.

J’ai droit de m’adresser aux princes ;
Je suis de toutes les provinces,
Ainsi que de chaque saison.

Vous qui cherchez à me connaître
Mille fois vous m’avez, fait naître,
Par politique, ou par raison.


(97) ÉNIGME.

L’autre jour, sans être fâchée,
Je me plaignais le long d’un bois,
Et je me plaignis plusieurs fois ;
Car en effet j’étais touchée.
Je n’ai pourtant nul sentiment ;
Mais le cœur humain m’animant,
Je puis parler tendrement,
Pourvu qu’au même moment
Je sois et droite et couchée.


(98) ÉNIGME.

Je suis de taille régulière ;
Je n’ai ni pieds, ni mains, ni devant
ni derrière :
Mais changeant presque à chaque instar
D’assiette, ainsi que de visage,
Je rends joyeux, ou mécontent,
Celui qui me met en usage.
On me met dans une prison,

On m’y maltraite sans raison.
Après de grands cris j’obtiens grace ;
J’en sors, ou plutôt on m’en chasse.
Alors j’attire les regards
Des courtisans, d’une volage,
Qui, par moi, règle le partage
De ses faveurs : et sans avoir d’égards
Au mérite, au rang de personne,
Ce qu’elle ôte de l’un, à l’autre elle le
donne.


(99) ÉNIGME.

Je suis de figure petite,
Rien n’est plus importun que moi.
Difficilement on m’évite ;
Mais mon nom fait honneur dans la
bouche du roi.


(100) ÉNIGME.

Nous sommes vingt, tous du même âge,
Divisés en quatre quartiers,
Aux plantes attachés, souvent en esclavage :
Moitié de nous sont prisonniers ;
Et telle est notre destinée,

Que c’est par notre autre moitié
Que nous sommes logés en prison sans
pitié
Pendant tous les jours de l’année ;
Il est vrai que pendant les nuits,
De nos cachots étant sortis,
On nous laisse jouir aux heures ordinaires
Des mêmes libertés dont jouissent nos
frères.


(101) ÉNIGME.

Je viens sans qu’on y pense,
Je meurs en ma naissance ;
Et celui qui me suit,
Ne vient jamais sans bruit.


(102) ÉNIGME.

Sans savoir les lois de l’amour,
Je n’avais pas un jour que j’épousai mon
père,
Que l’on peut assurer n’avoir point eu de
mère :
Lecteur, sans user de détour,

Je te dirai que j’eus un enfant dans
l’année,
Que je mourus sans être née.


(103) ÉNIGME.

Je suis sans fard, de couleur naturelle.
Brillante, claire, vive et belle :
Je fais quelquefois peine et quelquefois
plaisir ;
Mais qui me prend, ne saurait me tenir.


(104) ÉNIGME.

J’ai, comme un Centaure,
Outre mes deux bras,
Quatre pieds encore,
Sur lesquels je vas,
Ainsi qu’on me pousse.
Souvent une housse
On met sur mon dos,
Où je n’ai point d’os,
Qui ceux que je porte
Blessent en nulle sorte.
Je n’ai point de crin,
De laine, de plume,

Ni de poil enfin,
Qui contre le rhume
Par-tout le dehors
Me couvre le corps :
J’ai toutes ces choses
Dans mon ventre encloses.


(105) ÉNIGME.

Je vais ; où ? d’où je viens : actif ou
paresseux,
Dans ma course, rien ne m’arrête.
Je n’ai jamais ni pied ni tête ;
J’ai des bras, point de mains ; devine,
si tu peux.


(106) ÉNIGME.

Filles du Dieu du jour, nous formons
notre père,
Et n’existons jamais ensemble un seul
moment.
Sujettes pour toujours à ce destin sévère,
Nous nous fuyons, Lecteur, pour ton
arrangement.


(107) ÉNIGME.

Je couche sur la dure,
Je ne me sers jamais de lit :
Mon vêtement est sans couture,
Je ne change jamais d’habit.

Comme je n’aime pas le monde,
Le long du jour je suis chez moi :
Vois-je quelqu’un faisant sa ronde,
Je rentre, ou je demeure coi.

On me fait une rude guerre,
Quoi que mon naturel soit doux ;
Et pour me garantir des coups,
Je me cache au fond de la terre.

Mais, hélas ! quelle sûreté !
Dans ce noir creux, à peine j’entre,
Qu’on a pour moi la dureté
De m’y chercher jusqu’en son centre.

Un fâcheux sergent tout velu
Vient m’assiéger à domicile ;
Et me poussant d’un air fort résolu,
M’oblige bien de faire gille.

Alors sans nul ménagement,
Lorsqu’on me tient, on résout mon supplice.
Corde, feu, fer, sont les tourmens
Que de mes ennemis prépare l’artifice.


(108) ÉNIGME.

Je change très-souvent et de genre et de
nom,
Aussi je suis toujours la même ;
Faire par une main suprême,
Nul ne peut ajouter à ma perfection,
Je ne suis pas si belle,
Lorsque je suis nouvelle ;
Et cependant dans cet état,
Je sers à distinguer un fameux potentat.
Je puis de quelques jours avancer la venue
De mainte personne inconnue.
Sans me couper, on me met par quartier :
Par une maligne influence,
On dit que je fais les ratiers :
Ami lecteur, crains-en l’expérience.


(109) ÉNIGME.

Je ne sais pas chanter, cependant chaque
jour

Je fais chanter en chœur et tour-à-tour
Bien des musiciens, qui aimeraient mieux
boire.
Je ne connais pas trop Dieu ;
Cependant en plus d’un lieu
J’aide à publier sa gloire.
J’ai causé de grands combats ;
Et quoique je ne sois pas.
Meublé d’attraits comme Hélène,
Cependant pour m’enlever,
Quelqu’un s’est mis fort en peine ;
Un autre pour me sauver,
S’est mis souvent hors d’haleine.


(110) ÉNIGME.

Il est vrai, je suis mère, et j’ai plusieurs
enfans,
Et je les ai dès mon enfance ;
Mais les petits, comme les grands,
Sont égaux d’âge et de naissance,
Et viennent tous à même-temps.
Chacun d’eux, sans être morne,
Se croit à ce sort destiné,
Qu’il doit au moment qu’il est né,
En sa tête porter la corne.
Ils sont tous disposés à me rendre service :
Mais telle est la sévère loi,

Que si l’on me reprend pour quelque
maléfice,
Chacun d’eux passant pour complice,
Ils sont tous punis avec moi.


(111) ÉNIGME.

Sans crainte et sans effroi, tout-à-coup
j’obscurcis
La chose la plus claire et la plus inconnue ;
Mais en l’obscurcissant, toujours je l’éclaircis,
Et l’augmente toujours quand je la diminue.


(112) ÉNIGME.

Je suis de ces vivans que la mer emprisonne.
Sans être des meilleurs,
Mon espèce foisonne
À Paris plus qu’ailleurs.
Tout petit que je suis,
J’ai pourtant queue et tête ;
Ma queue est à Paris,
Mon chef touche la crête :
Malgré ces attributs divers,

Je ne suis pas en grande estime.
Lecteur, si tes yeux sont ouverts,
Tu trouveras bientôt la clef de mon
Énigme.


(113) ÉNIGME.

On me méprise, hélas ! sitôt que je suis
née ;
On m’insulte, on me bat ; mais malgré
ces tourmens,
La coquette voudrait avoir ma destinée :
Plus je suis vieille, et plus je plais à mes
amans.


(114) ÉNIGME.

Je suis petit de ma nature,
Et puis faire souvent souffrir les plus
puissans.
J’annonce toujours le doux temps ;
On me perd quand vient la froidure.
Comme l’amour, je porte un dard,
Qui fait souvent mainte blessure.
Je fais trembler Philis ; mais enfin tôt
ou tard,
Un cruel ennemi, qui vit de brigandages,

Me tend un piège : hélas ! j’y trouve
mon naufrage.


(115) ÉNIGME.

Quand j’ai de l’eau, je n’en bois pas :
Je bois fort bien du vin à mes repas ;
Et ma mesure devient pleine,
Dans l’accroissement de la Seine.
Mais, hélas ! je ne bois que de l’eau seulement,
Quand elle manque absolument.


(116) ÉNIGME.

Je crois parmi les végétaux ;
Et par une prudence extrême,
Je choisis les jours les plus chauds,
Pour être utile à ceux que j’aime.

J’évite l’arrière saison,
Le printemps n’a rien qui me plaise ;
Je laisse passer sans façon
Tous les frimats fort à leur aise.

J’affecte de paraître tard ;
De bonne heure je me retire,

D’autant qu’à vous parler sans fard
Le mauvais temps fait mon martyre.

D’habiles et bons ouvriers
Trouvent par moi leur nourriture ;
Les temples tirent leur parure
Du travail qu’ils font à miliers.

Pour le luxe le plus étrange,
Ils travaillent pareillement,
Se moquant de toute louange,
Et de tout blâme également.

Je produis des biens d’autre sorte,
Que l’on cherche dès le matin ;
Mais de la main qui les emporte,
Ils ternissent le blanc satin.


(117) ÉNIGME.

Maisonnette
Propre et nette,
Qu’on peut voir
En lieu noir :
Maçonnage
Dont l’ouvrage
Est parfait,

Quoique fait
Avec terre,
Et sans pierre.
Je contiens
Et soutiens
La famille
Qui babille.
Quelquefois
Un matois
Me renverse,
Puis exerce
Sa rigueur,
Quel malheur !
Contre gente
Innocente
Qui jamais
N’en put mais.
Mon asile
Inutile
En saisons
Des glaçons,
Est sans hôte ;
Mais sans faute
Le printemps
Est un temps
Qu’on l’habite
Au plus vite.
Il devient

Un soutien
Fort utile
Au fragile
Barillet
Gentillet.


(118) ÉNIGME.

Trois lettres composent mon nom ;
Mais si vous me lisez de la queue à la tête,
Afin que rien ne vous arrête,
Apprenez qu’autrefois un homme de
renom
Fut exposé sur moi dès sa plus tendre
enfance.
Ah ! qu’il était pour nous de grande conséquence,
Que l’on le tirât de ce lieu,
Et qu’alors on sauvât ce favori de Dieu !


(119) ÉNIGME.

Joliette
Rondelette,
C’est aux champs
Qu’on me cueille ;
Et ma feuille

Aux amans
Sert d’ombrage,
Heureux l’âge,
Où la dent
Aisément
De ma loge
Me déloge.
Quelquefois
De mon bois
Retirée
Et sucrée,
Je parais
Bien Manchette
De grisette
Que j’étais.


(120) ÉNIGME.

Encor que je naisse sans vie,
Je la donne à chaque vivant ;
Et l’on me cherche fort souvent
Dans le temps d’une maladie,
Quoique je sois utile après comme devant.
Quelquefois je n’ai point de père :
Alors je ne dois point mon être à son
amour ;
Et je nais sans blesser ma mère,
Quoiqu’elle crie en me donnant le jour.

Ce qui doit le plus vous surprendre,
C’est que souvent par elle on me voit
enfanté,
Sans qu’elle perde rien de sa virginité.
Comment pourrez-vous le comprendre ?
Comme une femme, elle accouche en
son lit.
La jeunesse est mon avantage ;
Plus je vieillis, plus on me fuit.
La robe blanche est mon partage,
Et je la porte en tout temps jour et nuit.
Il est pourtant certaine fête,
Où l’on me fait changer d’habit,
Et le rouge m’en prend, sans avoir une
tête.
Devinez qui je suis, je vous en ai trop dit.


(121) ÉNIGME.

Je ne suis ni corps ni matière,
Je ne suis esprit ni lumière.
Que suis-je donc ? je ne sais pas.
Si quelqu’un pouvait me l’apprendre,
J’aurais des grâces à lui rendre ;
Il me tirerait d’embarras.
Eh ! comment me pouvoir connaître ?
Puisque celui qui me fait naître,

Sans aucun sentiment d’amour,
Dans l’instant me ravit le jour.
Je ne suis rien, ou du moins peu de
chose,
Et je ne puis le contester ;
Cependant souvent, et pour cause,
Les plus habiles gens viennent me consulter.


(122) ÉNIGME.

Je suis fait pour les souverains,
Thémis aussi chez moi réside ;
Et c’est moi qui, chez les humains,
D’un plaisir sensuel décide.


(123) ÉNIGME.

Je porte le nom magnifique
D’un certain bien de grands seigneurs ;
Mais je suis bien plus pacifique,
Quand je jouis de mes honneurs.
Aussi le sort si bien me cache,
Que mon maître ne me peut voir,
Si fortement il ne s’attache
Devant la glace d’un miroir.
Tout le monde sait que je touche

À tout ce qui passe chez moi :
Mais je suis de si bonne foi,
Que j’en retiens moins qu’une mouche.


(124) ÉNIGME.

Voilà quel je suis à-peu-près ;
Debout sur mille pieds, je porte cinq
cents têtes.
Que de gens me donnent de fêtes,
Pour me mettre en leurs intérêts !
De la fortune alors je gouverne la roue ;
Je mets la honte on l’honneur sur leur
front :
Qu’on me respecte, ou qu’on me loue,
Puisque j’ai dans mes mains et la gloire
et l’affront.


(125) ÉNIGME.

Nous sommes deux frères jumeaux,
Que le grand hyver rend utiles
Aux peuples des champs et des villes,
Qui se promènent sur les eaux.

Mais pour deviner qui nous sommes,

Remarque, cher lecteur, que nous servons
aux hommes
Seulement des pays du Nord ;
Et qu’un navire de haut bord
N’a pas plus que nous de vîtesse,
Quand on nous sait conduire avec
adresse.


(126) ÉNIGME.

Mon éclat éblouit le plus noble des sens ;
Il faut me presser pour me faire :
Si celui qui me fait, me presse trop
long-temps,
Je redeviens ma propre mère.


(127) ÉNIGME.

Comme si j’avais fait un crime
À mériter toutes les cruautés,
D’un nombre d’ennemis éternelle victime,
Ils me percent de tous côtés.
Je suis assez souvent vagabonde ou
pendue :
Chez le pauvre, je suis très-une ;
Au lieu qu’ailleurs, par mon ajustement,
Je réjouis assez la vue ;

Je sers même d’amusement
Au sot et langoureux amant,
Tandis que, pour sa belle, il fait le pied
de grue ;
Mais il augmente encore mon tourment.


(128) ÉNIGME.

Ma naissance est particulière ;
Je ne suis point fils de l’amour :
Je suis sans mère, et tiens le jour
Du seul ouvrage de mon père.

Rien n’égale jamais mon lustre ;
Et j’ai pourtant tant de renom,
Que lorsqu’on sait un homme illustre,
On lui donne aussitôt mon nom.

On me prise sans me connaître,
On me connaît sans m’avoir vu :
Je suis pourtant si peu connu,
Qu’on doute même de mon être.


(129) ÉNIGME.

Respectable chez le guerrier,
Chez le turc menaçante,
De l’un j’ombrage le laurier,
Chez l’autre je sers d’épouvante.


(130) CHARADE.

À certain jeu l’on roule mon premier :
On ne rend jamais mon dernier,
Sans être mon entier.


(131) ÉNIGME.

Je suis blanche, lecteur, et pourtant je
noircis :
Je suis légère et je m’appesantis :
Tel à qui je me rends utile,
Et dont je suis le gagne-pain,
Chaque jour me mutile,
Et je finis par mourir de sa main.


(132) CHARADE.

Mon premier mène à tout ;
Mon second prévoit tout ;
Et la vie est mon tout.


(133) CHARADE.

Si du premier, tu sens la douloureuse
atteinte,

Tu ne peux être mon second ;
Du tout on verra l’empreinte,
Dans tes yeux et sur ton front.


(134) LOGOGRIPHE.

L’argent, sans mon entier, n’est d’aucune
valeur ;
Je suis, ma tête à bas, l’effroi du voyageur.


(135) CHARADE.

Dans les forêts, mon premier vit debout :
On entend mon second, on avale mon tout.


(136) LOGOGRIPHE.

Avec mon ventre, je désaltère,
Et sans mon ventre je t’éclaire.


(137) ÉNIGME.

Du mortel qu’en ces vers je trace,
Tâchez de deviner le nom :
C’est un vilain qui, de sa grâce,

Change le Pactole en poison :
C’est un ingrat, une âme basse,
Qui retient son maître en prison.


(138) LOGOGRIPHE.

Avec ma queue, ami lecteur,
J’ai fait bien des victimes :
Sans ma queue, oui, sur mon honneur,
Je vaux mille centimes.


(139) LOGOGRIPHE.

Je donne de l’esprit à l’homme jovial,
Et pourtant, sans mon chef, je suis un
animal.


(140) CHARADE.

Mon premier, pour bien des maris,
Est un objet de persiflage :
Des vers que j’adresse à Cloris,
Mon second a tout l’avantage :
Mon tout, lecteur, est au village,
Ce qu’un orchestre est à Paris.


(141) LOGOGRIPHE.

Avec ma tête je brille
Et sans tête j’habille.


(142) ÉNIGME.

Au masculin avec mon ventre,
Je suis mâle aussi sans mon ventre.
Dans ta maison avec mon ventre,
Dans ta famille sans mon ventre,
On me veut tondre avec mon ventre,
On me prend tel quel sans mon ventre.
Si l’on me foule avec mon ventre,
On m’écrase aussi sans mon ventre ;
Car si, lorsqu’on m’ôte le ventre,
Je suis ton parent portant ventre,
Tu sauras encor que sans ventre,
Je suis un être à petit ventre,
Qui cherche à se remplir le ventre,
En suçant par-tout, même au ventre ;
Mais je veux reprendre mon ventre,
Pour te montrer qu’avec mon ventre,
Je reçois l’opposé du ventre.
Et si tu veux m’ouvrir le ventre,
En me laissant toujours le ventre,

Tu verras que j’ai dans le ventre,
Ce qu’on a trouvé sous le ventre
Du bipède aîlé dont le ventre
Est tondu pour m’emplir le ventre.


(143) CHARADE.

Thémire prend une tasse,
Boit mon premier ;
Thémire prend une glace,
Fait mon dernier.
Voilà Thémire qui passe :
Vois mon entier.


(144) CHARADE.

Ma tête est sur la terre,
Et mes pieds sont aux cieux :
Je le dis sans mystère,
Mon tout est précieux.


(145) CHARADE.

Mon premier est une rivière,
Mon second est une rivière,
Et mon tout est une rivière.


(146) LOGOGRIPHE.

On doit me craindre sans ma queue,
Et me chérir avec ma queue.
Je suis perfide sans ma queue :
Mais je suis bonne avec ma queue :
Je cause mille morts sans queue,
Et donne l’être avec ma queue.


(147) LOGOGRIPHE.

Je suis, lecteur, un volatille,
Le plus jeune d’une famille :
En me coupant par le milieu,
Ma première moitié se transforme en
vermine :
Puis, en me dérangeant un peu,
D’un adroit artisan je me porte à la mine ;
Sans ma queue, je deviens ma mère ;
Qu’on me la rende, et je prédis,
Que je reviens comme mon père,
Quand il était aussi petit.


(148) CHARADE.

Que d’hommes parlant de patrie,
Et ne cherchant que mon premier,

N’eussent pas proscrit mon dernier
Avec une aveugle furie,
S’ils n’avaient bu dans mainte orgie
Que le doux jus de mon entier.


(149) CHARADE.

Pour s’étaler dans mon premier,
Il ne faut qu’un peu de richesse :
Mais pour bien placer mon dernier,
Il faut tact et délicatesse :
Mon tout fait honte au jardinier
Dont il atteste la paresse.


(150) ÉNIGME.

Avec mon cœur je vous nourris ;
Et sans mon cœur je vous détruis.


(151) LOGOGRIPHE.

Un dieu me porte avec ma tête ;
Le pauvre me porte sans tête.


(152) CHARADE.

On aime entendre mon premier ;
On s’amuse sur mon dernier ;
Mais on déteste mon entier.


(153) CHARADE.

Tel est le sort de mon dernier,
Qu’il traverse mon tout passant sous
mon premier.


(154) ÉNIGME.

Je suis de plume ou bien de chanvre,
De chair et d’os, de bois, de fer ;
Je prends souvent mon vol à Vanvre,
Et je me plais au feu d’enfer.
De chair et d’os j’aime la rime ;
Avec plume, je suis oiseau ;
De bois, je sers à voir l’abîme ;
De fer, je bats comme un marteau.


(155) ÉNIGME.

Aux imprimeurs je fais la loi ;
Voltaire, avec tout son génie,

N’a pu faire un livre sans moi ;
Et toi, lecteur, je te défie
D’ouvrir un seul registre où je ne m’offre
à toi.


(156) CHARADE.

Mon tout aussi bien que ma tête
A des dents, mais non pas ma queue ;
Car je suis bête par ma tête,
Et j’ai des bêtes dans ma queue ;
Par fois on fuit devant ma tête,
Par fois on fuit devant ma queue.
Par fois quand on poursuit ma tête,
Elle la fourre dans ma queue ;
Et par fois on mange ma tête,
Mais sans jamais manger ma queue.
Le villageois, homme de tête,
Veut à propos avoir ma queue,
Et tâche d’attraper ma tête :
Lors il prend mon tout par la queue
Pour se défaire de ma tête.


(157) CHARADE.

Je voudrais, pour que l’homme eût un
destin prospère,

Que l’amour à l’hymen fût toujours mon
premier ;
Que toujours Apollon inspirât mon dernier ;
Que sans cesse la paix régnât dans mon
entier :
Mais n’est-ce pas courir après une chimère ?


(158) ÉNIGME.

Aux gens de robe, aux gens d’église,
Je sers assez communément ;
Ma taille est mince, assez bien prise,
Et très-légère assurément.
Sans être ennemi de la joie,
Prends bien garde, mon cher lecteur,
Qu’à ma suite on ne la voie :
Ce serait signe de malheur.


(159) CHARADE.

Quand vous irez à mon entier,
Ah ! de trop près sur mon premier,
N’examinez pas mon dernier.


(160) LOGOGRIPHE.

Bien fou qui sur moi se fiera :
Je lui prédis d’avance,
Qu’en très-peu de temps il perdra
Son crédit, sa finance :
J’ai beaucoup d’appas,
Mais, je ne mens pas,
Je suis un peu coquine :
Je me ris du sot,
Qui croit que bientôt
Il fera ma ruine.
Si l’on veut me décomposer,
Dans mes sept pieds on trouve,
Ce que je ne puis refuser
À quelqu’un qui m’éprouve ;
Un vieil instrument ;
Puis un ornement
Qui servait à la messe ;
Enfin un pronom ;
Pour finir, le nom
D’une grande déesse.


(161) CHARADE.

Sur mon premier la bergère jolie,
À quatorze ans abandonne son cœur.

Pour mon second bien souvent elle oublie
Et ses sermens et son vainqueur.
De tous les secrets de Thalie,
Mon tout fut l’heureux possesseur.


(162) CHARADE.

On chante mon premier,
On sème mon dernier,
Le beau sexe, par ton, feint d’avoir mon
entier.


(163) ÉNIGME.

Je suis un meuble nécessaire,
Principalement en hiver ;
Prenez-moi dans un sens contraire,
Et je fais dégainer le fer.


(164) CHARADE.

Pas de gamme sans mon premier ;
Pas de Vénus sans mon dernier ;
Pas de vierge sans mon entier.


(165) CHARADE.

Du froid, craignant la violence,
Assis auprès de mon dernier,
Le matin, lecteur, je commence
Par prendre mon premier :
Le soir, par goût, par circonstance,
Je vais à mon entier.


(166) ÉNIGME.

Qu’on lise à l’ordinaire ou qu’on lise à
rebours,
Je suis toujours la même chose ;
Le genre humain me doit ses jours,
Quoique de son trépas je sois aussi la
cause.


(167) CHARADE.

Mon premier a trois pieds,
Mon second a deux pieds,
Et mon tout en Loraine
Eut jusqu’à la dixaine ;
Mais à Paris
Jamais que six.


(168) LOGOGRIPHE.

Devant mon front terrible, altier,
Un peuple immense s’agenouille.
Je suis, lecteur, dans mon entier,
Vingt fois plus gros qu’une citrouille :
Retranche mon premier quartier,
Je suis moins gros qu’une grenouille.


(169) ÉNIGME.

Je suis utile à l’astronome,
Dangereux chez les charlatans ;
Mais j’entends déjà qu’on me nomme ;
Les voleurs et les commerçans,
Me placent au-dessus de l’homme.


(170) CHARADE.

Je suis fleur, et ma tête, ami, vit de ma
queue.


(171) LOGOGRIPHE.

Au loin je porte la terreur,
De mes cinq pieds tu te sers pour combattre ;

Coupe ma tête, cher lecteur,
Et je n’en aurai plus que quatre.


(172) ÉNIGME.

Voyez quelle bizarrerie !
Du bien, du mal, je suis l’auteur,
Je suis un principe de vie,
Je suis un fléaux destructeur.
C’est dans l’hiver qu’on me courtise ;
C’est dans l’été que l’on me fuit.
Je brille dans les yeux de Lise,
Je m’éteins dès qu’elle est au lit.


(173) ÉNIGME.
Air : La comédie est un miroir.

À sa mode chacun me fait,
Je suis au grenier, à la cave ;
À l’anti-chambre, au cabinet,
Je suis par-tout comme une esclave.

Je ne puis briser mes liens,
Et toujours dans le même espace,
Je marche, je vas, et reviens,
Mais jamais ne change de place.

Je protège les doux ébats
De l’amour et de l’hymenée ;
Je suis témoin de leurs combats
Et de leurs chaînes fortunées.
Que d’amoureux, que de jaloux,
Lorsque certain point les tracasse ;
Que de voleurs, que de filoux,
Voudraient souvent tenir ma place !

C’est devant moi que mille gueux
Le jour vous demandent l’aumône ;
Je vois le flatteur ennuyeux,
Je vois le créancier qui sonne.
Dans les prisons, dans les cachots,
L’ennui, l’effroi, suivent ma trace,
Faut-il encore d’autres tableaux ?
Lecteur, venez prendre ma place.


(174) ÉNIGME.

Qui me fait n’est pas toujours bête ;
J’y vois double en perdant ma tête.


(175) LOGOGRIPHE.

Avec six pieds je soigne vos habits ;
Avec cinq je fais triste figure ;

Sur quatre pieds j’ai bien des favoris ;
Avec trois pieds je suis des plus hardis ;
Avec deux pieds j’encourage l’usure,
Et sur un pied je suis dans vos écrits.


(176) ÉNIGME.

Une consonne avec les cinq voyelles,
Lecteur, forment le mot que je donne à
chercher :
Et la chose et le mot tu pourras dénicher,
Si, comme moi, tu peux trouver des ailes.


(177) CHARADE.

Mon second vertueux abhorre mon premier :
La paix, le bonheur de notre âge
Sont l’ouvrage de ce dernier,
Dont mon tout, loin de lui, représente
l’image.


(178) LOGOGRIPHE.

Je suis brillant, je vous éclaire ;
Ma tête à bas je ne suis rien.
Hélas ! mes amis, je plains bien

Le malheureux, le pauvre hère
Qui n’a plus que moi pour tout bien.


(179) ÉNIGME.

En vain vous prétendez que d’une jeune
fille
Je pourrai défendre l’honneur !
Que faire contre un séducteur ?
Vous le savez, none gentille.
J’ai si souvent senti battre le cœur.
Et vous qui de votre pupille,
Voulez seul enflammer l’ardeur,
Avouez-le, pauvre tuteur,
Hélas ! je vous suis inutile !
La garder serait difficile,
Je résiste à peine au voleur.


(180) CHARADE.

Mon premier est droit comme un I ;
À le chercher vous vous cassez la tête,
Et cependant, il est dans un ami.
Mon second.... Aih, aih ! je m’arrête,
Mon second est rond comme un O.
Pour prix de l’amour le plus beau,
Jupin changea mon tout en bête.


(181) LOGOGRIPHE.

Avec huit pieds je chante à l’opéra ;
Ôtez-m’en cinq, je sonne à l’opéra :
Rendez-m’en trois, je suis un opéra,
Et c’est à moi que l’on doit l’opéra.


(182) ÉNIGME.

J’ai mes camps, mes soldats,
J’ai mes ennemis à combattre ;
Quelquefois je les bats ;
Quelquefois je me laisse battre.
J’ai de bons généraux ;
J’en ai qui ne sont pas habiles
Mais souvent les plus sots
Ne me sont pas les moins utiles ;
Je marche, j’attaque et prends feu…
Ne tremblez pas, tout ceci n’est qu’un
jeu.


(183) CHARADE.

Mon premier et mon second sont chantés
par mon tout.


(184) LOGOGRIPHE.
Air : De la croisée.

Parmi tous les hôtes des bois
Je jette l’effroi, l’épouvante ;
Vous avez deux pieds, j’en ai trois ;
Coupez ma tête et je vous tente.
Retournez-moi sans différer,
La chose devient différente,
Car vous allez me comparer,
Le sein de votre amante.


(185) ÉNIGME.

Blanche, je suis très-agréable,
Et j’exhale une douce odeur ;
Noire, je suis épouvantable ;
J’ai causé plus d’une frayeur !
Blanche ou noire, mon cher lecteur,
Fuyez ces gens dont le langage,
Parait quelquefois si mielleux,
Et qui, pour tromper davantage,
Ont soin de me jeter aux yeux.


(186) ÉNIGME.

J’ai deux bras d’une trempe dure,
Et lorsqu’en certain lieu quelqu’un les a
menés,
Je ne voudrais pas, je vous jure,
Vous prendre par le bout du nez.


(187) CHARADE.

Mon premier mène à l’échafaud :
Par des routes plus naturelles
Mon dernier conduit au tombeau :
Mon tout a la haine des belles.


(188) ÉNIGME.

Contre mes étroites bornes,
Souvent on s’est récrié :
Hélas ! je porte des cornes,
Et ne suis point marié.


(189) CHARADE.

Mon premier soutient la maison ;
Mon second est un fruit de l’arrière-saison ;

Mon tout est l’agréable son
Que produit un ruisseau, descendant
d’un vallon.


(190) ÉNIGME.

Plus j’ai d’esprit, plus je suis bête :
Plus je suis bête, plus on rit.
Quand j’aurais cent fois plus de tête,
Je n’en aurais pas plus d’esprit.


(191) CHARADE.

Au mont Visa naît mon premier ;
De l’Arragon vient mon dernier ;
Bon appétit pour mon entier.


(192) LOGOGRIPHE.

Sur mes huit pieds, aux princes de la
terre,
Je verse un nectar précieux :
Mon chef à bas, une tendre bergère
Me fait entendre aux échos amoureux.


(193) ÉNIGME.

Sans me chercher d’accord,
Mais la chose est prouvée,
Quand vous m’avez trouvée,
Vous me cherchez encore.


(194) ÉNIGME.
Air : Tout roule aujourd’hui dans le monde.

Je suis un composé de vices,
De perfection, de défauts,
D’amour, de haine, de caprices,
D’art, de talens, de biens, de maux.
À mes dépens les Démocrites
Ont de quoi rire et censurer ;
Et chez moi combien d’Héraclites,
Ont sur moi raison de pleurer.
Je chéris la coquetterie,
Et j’aime la simplicité :
Je parle, je me tais, je crie,
J’ôte, ou je donne la gaîté.

J’admets dans mon aréopage
Des philosophes et des foux :
Je ne conviens pas plus au sage,
Que je n’amuse le jaloux.

On voit chez moi des parasites,
Des gens probes, des scélérats,
Des intrigans, des hypocrites,
Quelques amis, beaucoup d’ingrats ;
De mes enfans pour mon ensemble,
J’ai besoin de m’environner ;
Dès l’instant que je les rassemble,
Je suis facile à deviner.


(195) ÉNIGME.

Lecteur, sans être
Au rang des dieux,
Au milieu d’eux
Je puis paraître :
Par mon pouvoir,
Je fais mouvoir
Le ciel, la terre,
Tout l’univers,
Tous les enfers,
Toutes les mers.
En vain Cerbère

Qu’on fait glouton
En vain Pluton
Et sa mégère
Voudraient de peur
Remplir mon cœur,
Leur courroux m’aide ;
Tout à ma voix,
Tout à mes lois,
Obéit, cède.
L’air s’obscurcit ;
Terreur profonde ;
La foudre gronde
Et l’éclair luit.
Épais nuage
Couvre tes cieux ;
Bientôt l’orage
Devient affreux.
Tout ce tapage
Est mon ouvrage ;
Dans un instant
C’est différent.
Dans le boccage,
Le rossignol
Reprend son vol
Et son ramage.
Je m’adoucis
Et je ramène
Les jeux, les ris.

L’aimable Iris
Pare la scène
Et dans la plaine
Près de Pâris,
L’aimable Hélène
Veille sans peine
Sur ses brebis.
Un air bien tendre
Se fait entendre,
C’est Colinet
Qui cherche à plaire
À sa Babet.
Bois solitaire,
Il t’a choisi
Pour peindre à l’aise
Son doux souci.
Sur son cœur pèse
Un grand tourment :
Pauvre innocent !
Las, il s’amuse,
Passe son temps
À souffler dans
Sa cornemuse.
Que voulez-vous ?
Pour être époux
De la gentille
Petite fille,
À sa famille,

Il faut du bien,
Et notre drille,
Hélas ! n’a rien !
Ce n’est pas bien.
Je m’intéresse
À ce garçon,
Et sans façon,
Par mon adresse,
Le voilà roi !
On rit, je crois !
De sa chaumière
Bientôt je fais
Un beau palais ;
Il règne en paix
Sur sa bergère
Et ses sujets.
De ma puissance
Heureux effets !
Point ne connais
La résistance ;
Mais, c’est assez,
Lecteur, je pense,
Vous connaissez
Mon existence
Et mon métier.
Suis-je sorcier ?
Non… suis-je diable ?
Encore moins ;

De tous mes soins ;
(C’est raisonnable.)
L’unique objet,
Je suis sincère,
Serait de faire
Ce qui vous plaît.


(196) ÉNIGME.

Je suis fille du Temps,
Ma mère est la Constance,
Je suis vieille, et j’ai des amans
En tout pays ; j’en ai sur-tout en France,
Et chaque jour
Je vois que l’on s’empresse
À me faire la cour.
Nul effroi de ma vieillesse ;
Mais les plus amoureux,
Seront les plus heureux.


(197) CHARADE.

Heureux celui qui, chéri de Neptune,
Par les zéphirs porté sur mon dernier,
Sain et dispos, arrive à mon premier,
Et dans mon tout, jouit de sa fortune !


(198) CHARADE.

En marchant, la jeune Amélie,
Ravit par mon premier,
Le provençal a la manie
De manger mon dernier ;
Jamais temple n’est beau sans avoir mon
entier.


(199) LOGOGRIPHE.

Lecteur, je n’ose m’énoncer.
Sans peine tu vas me connaître ;
Ta bouche va me prononcer,
Car tu m’as vu souvent paraître.
Cependant, comme j’ai quitté
L’habit dont j’étais revêtue,
En trompant ton activité,
Je pourrais un instant échapper à ta vue.
Pour cet effet, déguisons-nous,
Prenons d’autres métamorphoses ;
J’ai six pieds, démanche-les tous ;
Tu dois y rencontrer cinq choses :
Ce qui d’abord, déplaît aux jeunes gens,
Quoique leur étant nécessaire ;
Ce que, pour l’ordinaire, on donne aux
vieilles gens ;
Ce que l’on fait jouer sur-tout en temps
de guerre ;

Ce que l’on cite pour blancheur ;
Puis une note de musique.
Je ne veux plus me déguiser, lecteur,
Car à tes yeux, rien n’est énigmatique.


(200) ÉNIGME.

Un pied de ma longueur
Est juste la mesure ;
Il l’est de ma largeur,
Et pourtant du carré je n’ai point la
figure.


(201) LOGOGRIPHE.

Je prends naissance dans les bois ;
À répandre le sang, je m’y tiens toujours
prête ;
Mais je deviens un petit poids,
Si, l’ayant outragé, tu me tranches la
tête.


(202) CHARADE.

Mon premier est contraire ;
Mon second dit le bréviaire,
Et mon tout est un métal nécessaire


(203) ÉNIGME.

Souvent un mortel amoureux,
Me charge d’exprimer les tourmens qu’il
endure ;
Souvent j’ajoute à la parure
De l’aimable objet de ses feux.
De ma légèreté, symbolique peinture,
Je suis nécessaire en tous lieux ;
De mes traits quelquefois on ressent la
blessure,
Mais d’un seul trait aussi je puis faire un
heureux.


(204) LOGOGRIPHE.

Rarement je vois la lumière ;
Ma demeure est aux pays bas ;
Pour vaquer à certaine affaire,
Souvent je cause un embarras :
Je suis d’un mauvais caractère ;
Je brave même les savans.
Avec mon nom, vous pouvez faire
Celui d’un roi très-sanguinaire ;
Un prince chez les musulmans ;
Un monstre mort depuis long-temps ;
Ce qui joint les deux hémisphères ;

Un grand poëte ; deux rivières ;
L’une se trouve en Canada,
Et l’autre, lecteur, cherche-la.


(205) LOGOGRIPHE.

Du plus ignoble état,
Et du plus bas étage,
Oserai-je, pied plat,
Tirer quelqu’avantage ?
Car, enfin, j’ai l’honneur
De servir la noblesse,
La roture et l’altesse ;
Non sans mauvaise odeur
Attachée à mon être.
Jour et nuit ambulant,
Je suis à chaque instant
Fort utile à mon maître,
Qui, toujours, trouve en moi
Monnaie de bon aloi ;
Deux notes en musique ;
L’attribut d’Apollon ;
Le fond d’une barrique ;
Deux fleurs du plus beau nom ;
Un terme de marine :
C’en est assez, devine ;
De tout sexe, lecteur,
Je suis ton serviteur.


(206) CHARADE.

Thèbes n’est plus ; dans mon dernier,
Où jadis roulait mon premier,
Cérès avec plaisir voit traîner mon entier.


(207) ÉNIGME.

Je suis un être à double face ;
Sous le premier, j’excite et flatte
L’ambition de bien des gens
D’un ordre distingué ; tout enfant d’Hippocrate,
Sous l’autre sens, cherche à me procurer.
Es-tu malade, ami, tu dois me désirer.


(208) ÉNIGME.

Avec moi l’homme est peu tranquille ;
J’ai ruiné mainte famille ;
Des gens de bien je suis l’effroi,
Et traîne leur peste avec moi.
Plus je change de forme,
Plus je deviens énorme ;
On me porte de cours en cours,
Dont à grands frais je sors toujours.

On me trouve, quoiqu’on m’évite,
Et souvent des gens de mérite,
Attendent tout leur sort de moi,
Quoique j’en sois toujours l’effroi.


(209) CHARADE.

Madame Alix a perdu mon premier,
Et pour retrouver mon entier,
Elle a grand soin de cacher mon dernier.


(210) LOGOGRIPHE.

Sur mes cinq pieds je donne à lire :
Ôtez mon chef, j’apprête à rire ;
Ôtez mon cœur, je fais chanter ;
Avec trois pieds, je suis à redouter.


(211) CHARADE.
Air : V’là c’que c’est d’aller au bois.

Le procureur et le meunier,
Font usage de mon premier :
Il sert encore au financier ;
Mais c’est trop m’étendre,
Vous devez m’entendre,

Et bien vite vous écrier :
Ah ! j’ai deviné son premier.

Ami lecteur, pour mon second,
On le voit souvent au plafond ;
Il captive un peuple fécond :
Mais c’est trop m’étendre ;
Vous devez m’entendre,
Et vous dire, d’un esprit prompt,
Ah ! j’ai deviné son second.

Mon tout est le cruel moment,
Où l’on pile inhumainement,
Ville que de force l’on prend ;
Mais c’est trop m’étendre ;
Vous devez m’entendre,
Et vous dire certainement,
Ah ! je tiens son tout maintenant.


(212) CHARADE.

De mon premier, se couronne Cérès ;
De mon second, Vénus parfume
Ses blonds cheveux et ses attraits :
Mon tout vous donne un excellent légume.


(213) CHARADE.

Adieu mon tout, si mon dernier
Te porte à couper mon premier.


(214) ÉNIGME.

Notre nombre est toujours compté :
On nous connaît tant que nous sommes ;
Nous ne pouvons, aux yeux des hommes,
Paraître qu’à l’extrémité.
Quelquefois près de nous l’envie
Réside pour quelques momens ;
Le fer nous retranche en tous temps,
Mais il nous conserve la vie.


(215) CHARADE.

Vous tondez mon premier,
Vous rasez mon dernier,
Vous lisez mon entier.


(216) LOGOGRIPHE.

Mon nom fait sourire un buveur ;
J’ai quatre pieds ; en les changeant de place,

Je suis adverbe, cher lecteur,
Ou du Piémont, une assez forte place.


(217) CHARADE.

Mon premier est un animal rampant,
Mon second est un animal rongeant,
Et mon entier un animal grognant.


(218) ÉNIGME.

Ici, je suis droit comme un cierge,
Et là, courbé comme un cerceau ;
Tantôt plus long qu’un long cordeau ;
Tantôt aussi court qu’une asperge.
Je suis affreux, et je suis beau ;
Je suis vieux, et je suis nouveau ;
Me saisir même est chose aisée,
Quoique je sois un vrai Protée :
Car je vais dans tous les pays,
Et prends des surnoms infinis ;
Mais de cette terre habitable,
Ceux que le ciel a réunis
Pour aller droit en paradis,
Un seul a pris le véritable.


(219) LOGOGRIPHE.

Entier, je sers à te nourrir ;
Sans tête, je deviens rivière ;
Sans cou tu vois ma tête altière ;
Sans cuisse je puis te vêtir.


(220) CHARADE.

Mon premier sous le coin royal
Circule par-tout dans la France ;
Mon second était cardinal ;
Mon tout dans une pompe, a quelque
ressemblance
Avec l’humble portier d’un fermier général.


(221) CHARADE.

Lorsque je veux tenter le sort,
Mon premier m’est toujours contraire ;
Mon second annonce la guerre ;
Du cerf à qui je fais la guerre ;
Sans mon tout, le spectacle aujourd’hui
nous endort.


(222) CHARADE.

Mon premier est chef de famille :
Aux amans qui vous poursuivront,
Pour rester sage, jeune fille,
Répondez toujours mon second.
Ah ! que mon tout ferait merveille,
Lecteur, et vous surprendrait bien,
Si pour être musicien,
Il ne fallait que de l’oreille.


(223) ÉNIGME.
Air : Je connais un berger discret.

Sans être devin, la beauté
Bien souvent me consulte :
Lorsque je dis la vérité,
Femme laide m’insulte.
Sur le sein de plus d’un tendron
Je vois la rose naître,
Et devant moi plus d’un barbon
Singe le petit maître.
Ingrats amans, l’hiver s’enfuit ;
Sous la feuille nouvelle,
Une onde claire vous séduit :
Vous me quittez pour elle.

L’écho peut trahir vos soupirs ;
Et moi je suis discrète,
L’oiseau peut chanter vos plaisirs,
Et moi je les répète.


(224) ÉNIGME.

Très-petit habitant d’un humble terroir,
Où la bienfaisante nature
Me fait naître avec mon manoir,
Et me fournit ma nourriture ;
J’en sors plusieurs fois tous les ans,
Et quoique mes pas soient fort lents,
J’en laisse la trace à mesure
Que je promène dans les champs
Mon corps à grotesque figure.
On m’aime assez pourtant, je sers à des
repas :
De moi le gascon fait grand cas ;
Je porte au-dessus de ma tête…..
Lecteur, en cet endroit il faut que je
m’arrête ;
Car j’aurais le malheur de ne vous plaire
pas ;
Mais serait-ce un grand mal que de vous
l’oser dire :
Si vous me ressemblez, vous ne devez
qu’en rire.


(225) LOGOGRIPHE.

Avec mon chef, je brave le danger,
Et sans mon chef, je suis au potager.


(226) CHARADE.

Dans les greniers de mon entier
On voit sautiller mon premier,
Qui craint de toucher mon dernier.


(227) ÉNIGME.

Je suis un être imaginaire ;
Je suis beaucoup et ne suis rien.
L’un m’appelle un mal nécessaire,
Et l’autre m’appelle un vrai bien.
Qui m’a trop, sans me satisfaire,
Est privé d’un plaisir toujours vif et
nouveau.
Quand je règne avec l’abondance,
Je fais des sensuels les uniques plaisirs ;
Mais quand je suis dans l’indigence,
Des mortels je ne fais qu’irriter les désirs.


(228) ÉNIGME.
Air : Mon père était pot.

Mâle ou femelle, tour-à-tour,
On m’aime, on me déteste :
Mâle, je donne au jeune Amour,
Un air vraiment céleste ;
Mais femelle ! hélas !
Malgré mes appas,
Je sais bien peu séduire :
Contre mon repos,
Hommes, animaux,
Tout s’unit, tout conspire.

Mâle, je plais fort à l’auteur,
Qui, lisant un ouvrage,
Du plaisir de son auditeur,
Trouve en moi l’heureux gage.
Mais femelle, hélas !
Il ne m’aime pas ;
Car j’ai quelque malice :
De beaucoup d’écrits,
De nos beaux esprits,
Souvent j’ai fait justice.

Qu’un amant soit pour quelques torts
Grondé par son amie,
Mâle, je parais, et, dès-lors,
La querelle est finie.
Mais femelle, hélas !
Viens-je sur leurs pas ?
Elle crie et se sauve :
De moi, par malheur,
Les Grâces ont peur,
Sur-tout quand je suis chauve.


(229) CHARADE.

Mon premier, par un sort bizarre,
Pour l’un ne saurait être heureux,
Qu’au même instant, chose peu rare,
Pour l’autre il ne soit malheureux.
Dans mon second, jadis en France,
Nos preux exerçaient leur vaillance,
Et s’égorgeaient par passe-temps :
Mon tout est la touchante ivresse,
Que votre voix enchanteresse,
Forte sans cesse dans nos sens.


(230) LOGOGRIPHE.

Avec ma tête, avec ma queue,
J’empêche plus d’un accident :

Avec ma tête, sans ma queue,
Je rends toujours l’homme content :
Ôtant ma tête, ôtant ma queue,
Je suis un liquide élément :
Sans tête, mais avec ma queue,
Je change de nom seulement ;
Et mon milieu se retranchant,
Je prends tête, et jambes, et queue,
Et même un son de voix bruyant.
Alors si l’on ôte ma queue,
Je reviens fort exactement,
Et ma tête touche à ma queue.


(231) CHARADE.

Mon premier n’est pas sain d’esprit ;
Mon second est la maladie
Que saint Hubert, dit-on, guérit ;
Mon tout se trouve à l’écurie.


(232) LOGOGRIPHE.

Compagne du bonheur,
Je redoute et je fuis la guerre :
Lorsqu’elle désole la terre,
Je l’abandonne à mon horrible sœur ;
Mais quand Minerve a remplacé Bellone,

Quand elle a relevé les talens et les arts,
Sur les pas de Plutus, de Cérès, de
Pomone,
Je reparais portant leurs étendards.
Cherchez en moi le sort qu’une princesse
Dans Naxos, jadis éprouva.
Un instrument d’alarme, de détresse,
Qui retentit du Nil aux bords de la Neva,
Vomissant la mort, le carnage ;
De légistes choisis, l’intéressant ouvrage,
À notre attente enfin livré ;
Un adjectif consacré
Au cœur qui m’offre avec délicatesse,
Ce qu’au contraire avec rudesse,
Allonge sur l’échine un brutal irrité ;
Et ce qui sert à l’endroit maltraité ;
Un appel qui jadis faisait courir aux
armes ;
Ou, dans un autre sens, d’un tendron
plein de charmes,
Ce qui nous fait savoir le très-prochain
lien ;
Un dur monosyllabe équivalent à rien ;
De Silène enivré, la monture chérie ;
Un terme de géométrie ;
Une sorte de siège ; un certain volatile,
Ami des eaux et peu subtil :
Le lieu natal de jeune fille,

Sage et gentille,
Où l’eau, par un ordre divin,
Se trouva changée en vin.
Enfin, mais, lecteur, tu te lasses,
De me voir avec toi ruser ;
Je m’arrête ; rends-moi grâces,
Je n’ai voulu que t’amuser.


(233) ÉNIGME.

Je suis d’humeur leste et volage ;
Ne m’a pas qui voudrait m’avoir :
Qui ne cherche point à me voir
En acquiert souvent l’avantage.
Qu’on me laisse une fois partir,
Il est rare que je revienne :
Il faut donc que l’on se souvienne
Qu’on doit bien ferme me tenir.
À l’amant je suis secourable
Sans horloge, pour l’obliger,
Je fais sonner cette heure aimable
Qu’on nomme l’heure du berger.


(234) CHARADE.

Un avocat dans mon entier
fait souvent mon premier
Et mon dernier.


(235) LOGOGRIPHE.

Bon on mauvais, avec ma tête,
Méchant ou doux étant sans tête ;
Souvent battu avec ma tête ;
Je bats ma femme étant sans tête ;
Parfois j’instruis avec ma tête ;
Je balbutie étant sans tête ;
Je déraisonne avec ma tête ;
Je perds la tête étant sans tête ;
On me prend ayant ma tête ;
On me fuit étant sans tête.


(236) CHARADE.

Au bien mon premier est contraire,
Lecteur, et mon dernier,
Est par autre manière
Contraire à mon entier.


(237) CHARADE.

Mon premier invite au repos,
Et mon second peut inviter à boire :
Mon tout, sur les pas d’un héros
Conduit souvent les Français à la gloire.