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{{br0}}</includeonly>la tour de Babel, et nous pensions : « Il faudra |
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dessécher ici, car la tonne est vide ; nous |
dessécher ici, car la tonne est vide ; nous |
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serons forcés de boire la rosée du ciel |
serons forcés de boire la rosée du ciel. » |
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À la fin, Niclausse, ennuyé d’entendre ces |
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propos, boutonna son grand gilet rouge, qu’il |
propos, boutonna son grand gilet rouge, qu’il |
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avait ouvert jusque sur les cuisses ; il enfonça |
avait ouvert jusque sur les cuisses ; il enfonça |
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« Mon Dieu, vous êtes encore bien embarrassés ; |
« Mon Dieu, vous êtes encore bien embarrassés ; |
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faites donc comme moi. » |
faites donc comme moi. » |
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En même temps, il enjamba la balustrade et |
En même temps, il enjamba la balustrade et |
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sauta du clocher. Nous avions tous la chair de |
sauta du clocher. Nous avions tous la chair de |
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rouge et les yeux écarquillés. Il pose la main |
rouge et les yeux écarquillés. Il pose la main |
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sur la balustrade, en dehors, et nous dit : |
sur la balustrade, en dehors, et nous dit : |
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« Allons donc, vous voyez bien que ça va |
« Allons donc, vous voyez bien que ça va |
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tout seul. |
tout seul. |
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— Oui, tu peux bien descendre à ton aise, |
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toi, lui dis-je, tu sais que tu rêves !… au lieu |
toi, lui dis-je, tu sais que tu rêves !… au lieu |
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que nous autres, nous voyons tout le village, |
que nous autres, nous voyons tout le village, |
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d’avoir du courage quand on rêve, ni de |
d’avoir du courage quand on rêve, ni de |
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monter et de descendre comme un oiseau. |
monter et de descendre comme un oiseau. |
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—Allons, s’écria Niclausse en m’accrochant |
—Allons, s’écria Niclausse en m’accrochant |
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par le collet, arrive ! » |
par le collet, arrive ! » |
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se pend à mon cou ; alors je passe pardessus |
se pend à mon cou ; alors je passe pardessus |
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la balustrade et je tombe en criant : |
la balustrade et je tombe en criant : |
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« Jésus ! Marie ! Joseph ! » |
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Ça me serre tellement le ventre que je |
Ça me serre tellement le ventre que je |
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venait par un trou du volet, il traversait l’ombre |
venait par un trou du volet, il traversait l’ombre |
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de l’étable comme une flamme, et tout |
de l’étable comme une flamme, et tout |
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aussitôt je pense en moi-même : |
aussitôt je pense en moi-même : « Dieu du |
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ciel, c’était un rêve ! » Cette pensée me fait du |
ciel, c’était un rêve ! » Cette pensée me fait du |
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bien ; je relève ma botte de paille, pour avoir |
bien ; je relève ma botte de paille, pour avoir |
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la tête plus haute, |
la tête plus haute, et je m’essuie la figure, toute |
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couverte de sueur. |
couverte de sueur. |
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tout beau : les brins de paille qui pendaient |
tout beau : les brins de paille qui pendaient |
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des poutres dans l’ombre, les toiles d’araignée |
des poutres dans l’ombre, les toiles d’araignée |
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dans les coins, la grosse tête de Schimmel, toute |
dans les coins, la grosse tête de ''Schimmel'', toute |
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grise, qui se penchait près de moi, les yeux à |
grise, qui se penchait près de moi, les yeux à |
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demi fermés ; la grande bique Charlotte, avec |
demi fermés ; la grande bique ''Charlotte'', avec |
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son long cou maigre, sa petite barbe rousse, |
son long cou maigre, sa petite barbe rousse, |
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et son biquet noir |
et son biquet noir et blanc qui dormait entre |
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ses jambes. Il n’y avait pas jusqu’à la poussière |
ses jambes. Il n’y avait pas jusqu’à la poussière |
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d’or, qui tremblait dans le rayon de soleil, |
d’or, qui tremblait dans le rayon de soleil, |
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et jusqu’à la grosse |
et jusqu’à la grosse écuelle de terre rouge, |
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remplie de carottes pour les lapins, qui ne me |
remplie de carottes pour les lapins, qui ne me |
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fissent plaisr à voir. |
fissent plaisr à voir. |
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Je pensais : « |
Je pensais : « Comme on est bien ici… comme |
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il fait chaud… comme ce pauvre |
il fait chaud… comme ce pauvre ''Schimmel'' mâche |
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toute la nuit un peu de regain, et comme |
toute la nuit un peu de regain, et comme |
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cette pauvre Charlotte me regarde avec ses |
cette pauvre ''Charlotte'' me regarde avec ses |
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grands yeux fendus ! C’est tout de même agréable |
grands yeux fendus ! C’est tout de même agréable |
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d’avoir une étable pareille. Voilà maintenant |
d’avoir une étable pareille. Voilà maintenant |
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que le grillon se met à chanter… Hé |
que le grillon se met à chanter… Hé ! |
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voici notre vieille hase qui sort de dessous la |
voici notre vieille hase qui sort de dessous la |
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crèche ; elle écoute en dressant ses grandes |
crèche ; elle écoute en dressant ses grandes |
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un autre sans bruit, un vieux lapin noir et |
un autre sans bruit, un vieux lapin noir et |
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roux, à favoris jaunes, l’air tout à fait respectable ; |
roux, à favoris jaunes, l’air tout à fait respectable ; |
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puis un autre petit… puis un autre… |
puis un autre petit… puis un autre… |
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puis toute la bande, les oreilles sur le dos, la |
puis toute la bande, les oreilles sur le dos, la |
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queue en trompette. Ils se plaçaient autour de |
queue en trompette. Ils se plaçaient autour de |
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Ah ! Seigneur, combien de choses en ce bas |
Ah ! Seigneur, combien de choses en ce bas |
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monde qu’on ne voit pas quand on ne pense à |
monde qu’on ne voit pas quand on ne pense à |
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rien |
rien ! |
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Je me disais en moi-même : |
Je me disais en moi-même : « Aloïus, tu |
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peux te vanter d’avoir de la chance d’être encore |
peux te vanter d’avoir de la chance d’être encore |
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sur la terre ; c’est le bon Dieu qui t’a |
sur la terre ; c’est le bon Dieu qui t’a |
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sauvé, car ça pouvait aussi bien ne pas être un |
sauvé, car ça pouvait aussi bien ne pas être un |
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rêve ! |
rêve ! » |
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Et songeant à cela, je m’attendrissais le |
Et songeant à cela, je m’attendrissais le |
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knOOQle |