« Les Caprices de Marianne (Charpentier, 1888) » : différence entre les versions

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{{Titre|Les Caprices de Marianne|[[Alfred de Musset]]|1833}}
 
==Personnages==
 
CLAUDIO, juge.
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==Les Caprices de Marianne==
 
 
La scène est à Naples
 
===Scène 1===
 
''Une rue devant la maison de Claudio.''
 
MARIANNE, sortant de chez elle un livre de messe à la main.
 
CIUTA, l’abordant.
 
MARIANNE'', sortant de chez elle un livre de messe à la main.''
 
CIUTA'', l’abordant.''
 
'''CIUTA'''
 
Ma belle dame, puis-je vous dire un mot ?
 
 
'''MARIANNE'''
 
Que me voulez-vous ?
 
 
'''CIUTA'''
 
Un jeune homme de cette ville est éperdument amoureux de vous ; depuis un mois entier, il cherche vainement l’occasion de vous l’apprendre ; son nom est Coelio ; il est d’une noble famille et d’une figure distinguée.
 
 
'''MARIANNE'''
 
En voilà assez. Dites à celui qui vous envoie qu’il perd son temps et sa peine et que s’il a l’audace de me faire entendre une seconde fois un pareil langage j’en instruirai mon mari. ''(Elle sort.)''
 
'''COELIO''','' entrant''
 
Eh bien ! Ciuta, qu’a-t-elle dit ?
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'''CIUTA'''
 
Je vous conseille d’abord de sortir d’ici, car voici son mari qui la suit. ''(Ils sortent. - Entrent Claudio et Tibia. ) .''
 
 
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Je te dis qu’il est public.
 
 
 
 
 
'''TIBIA'''
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'''CLAUDIO'''
 
Quand je te dis quelque chose, tu me ferais plaisir de le croire. ''(Ils sortent.)''
 
 
'''COELIO''','' rentrant.'''
 
- Malheur à celui qui, au milieu de la jeunesse, s’abandonne à un amour sans espoir ! Malheur à celui qui se livre à une douce rêverie avant de savoir où sa chimère le mène et s’il peut être payé de retour ! Mollement couché dans une barque, il s’éloigne peu à peu de la rive, il aperçoit au loin des plaines enchantées, de vertes prairies et le mirage léger de son Eldorado. Les vents l’entraînent en silence et, quand la réalité le réveille, il est aussi loin du but où il aspire que du rivage qu’il a quitté ; il ne peut ni poursuivre sa route ni revenir sur ses pas. ''(On entend un bruit d’instruments)''. Quelle est cette mascarade? N’est-ce pas Octave que j’aperçois ? ''(Entre Octave)''
''(On entend un bruit d’instruments)''. Quelle est cette mascarade? N’est-ce pas Octave que j’aperçois ? (Entre Octave)
 
 
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'''COELIO'''
 
ilIl me manque le repos, la douce insouciance qui fait de la vie un miroir où tous les objets se peignent un instant et sur lequel tout glisse. Une dette pour moi est un remords. L’amour, dont vous autres vous faites un passe-temps, trouble ma vie entière. OÔ mon ami, tu ignoreras toujours ce que c’est qu’aimer comme moi ! Mon cabinet d’étude est désert ; depuis un mois j’erre autour de cette maison la nuit et le jour. Quel charme j’éprouve, au lever de la lune, à conduire sous ces petits arbres, au fond de cette place, mon chœur modeste de musiciens, à marquer moi-même la mesure, à les entendre chanter la beauté de Marianne ! Jamais elle n’a paru à sa fenêtre ; jamais elle n’est venue appuyer son front charmant sur sa jalousie.
 
 
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'''OCTAVE'''
 
Suis-je reçu? Je n’en sais rien. Admettons que je suis reçu. AÀ te dire vrai, il y a une grande différence entre mon auguste famille et une botte d’asperges. Nous ne formons pas un faisceau bien serré, et nous ne tenons guère les uns aux autres que par écrit. Cependant Marianne connaît mon nom. Faut-il lui parler en ta faveur ?
 
 
'''COELIO'''
 
vingtVingt fois j’ai tenté de l’aborder ; vingt fois j’ai senti mes genoux fléchir en approchant d’elle. J’ai été forcé de lui envoyer la vieille Ciuta. Quand je la vois, ma gorge se serre et j’étouffe, comme si mon cœur se soulevait jusqu’à mes lèvres.
 
 
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Retire-toi, je vais l’aborder.
 
COELIO: - Y penses-tu ? Dans l’équipage où te voilà! Essuie-toi le visage : tu as l’air d’un fou.
'''COELIO'''
 
Y penses-tu ? Dans l’équipage où te voilà! Essuie-toi le visage : tu as l’air d’un fou.
 
 
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'''OCTAVE'''
 
Touche là. Je te jure sur mon honneur que Marianne sera à toi, ou à personne au monde, tant que j’y pourrai quelque chose. ''(Coelio sort. - Entre Marianne. Octave l’aborde.) ''
 
 
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Un mal le plus cruel de tous, car c’est un mal sans espérance ; le plus terrible, car c’est un mal qui se chérit lui-même et repousse la coupe salutaire jusque dans la main de l’amitié, un mal qui fait pâlir les lèvres sous des poisons plus doux que l’ambroisie, et qui fond en une pluie de larmes le cœur le plus dur, comme la perle de Cléopâtre; un mal que tous les aromates, toute la science humaine ne sauraient soulager, et qui se nourrit du vent qui passe, du parfum d’une rose fanée, du refrain d’une chanson, et qui suce l’éternel aliment de ses souffrances dans tout ce qui l’entoure, comme une abeille son miel dans tous les buissons d’un jardin.
 
 
'''MARIANNE'''
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'''OCTAVE'''
 
Coelio est le meilleur de mes amis. (Si je voulais vous faire envie, je vous dirais qu’il est beau comme le jour, jeune, noble, et je ne mentirais pas ; mais je ne veux que vous faire pitié, et je vous dirai qu’il est triste comme la mort, depuis le jour où il vous a vue.
 
 
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'''OCTAVE'''
 
Est-ce sa faute si vous êtes belle ? Il ne pense qu’à vous ; à toute heure il rôde autour de cette maison. N’avez-vous jamais entendu chanter sous vos fenêtres ? N’avez-vous jamais soulevé à minuit cette jalousie et ce rideau?
N’avez-vous jamais entendu chanter sous vos fenêtres ?
N’avez-vous jamais soulevé à minuit cette jalousie et ce rideau?
 
 
'''MARIANNE'''
 
Tout le monde peut chanter le soir, et cette place appartient à tout le monde.
 
 
'''OCTAVE'''
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'''MARIANNE'''
 
Ni Coelio ; Vousvous pouvez le lui dire.
 
 
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'''MARIANNE'''
 
Me direz-Vous aussi pourquoi je vous écoute ? Adieu, seigneur Octave ; voilà une plaisanterie qui a duré assez longtemps. ''(Elle sort.) ''
 
 
'''OCTAVE'''
 
Ma foi, ma foi ! Elle a de beaux yeux. ''(Il sort.)''
 
==Scène 2==
 
''La maison de Coelio.''
 
HERMIA, PLUSIEURS DOMESTIQUES, MALVOLIO.
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'''HERMIA'''
 
Mais du vivant de sa mère, il en est ainsi, Malvolio. Qui vous a chargé de veiller sur sa conduite ? Songez-y : que Coelio ne rencontre pas sur son passage un visage de mauvais augure ; qu’il ne vous entende pas grommeler entre vos dents, comme un chien de basse-cour à qui l’on dispute l’os qu’il veut ronger, ou, par le ciel ! Pas un de vous ne passera la nuit sous ce toit.
Songez-y : que Coelio ne rencontre pas sur son passage un visage de mauvais augure ; qu’il ne vous entende pas grommeler entre vos dents, comme un chien de basse-cour à qui l’on dispute l’os qu’il veut ronger, ou, par le ciel ! Pas un de vous ne passera la nuit sous ce toit.
 
 
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'''HERMIA'''
 
Pourquoi ces livres sont-ils couverts de poussière ? Pourquoi ces meubles sont-ils en désordre ? Pourquoi faut-il que je mette ici la main à tout, si je veux obtenir quelque chose ? Il vous appartient bien de lever les yeux sur ce qui ne vous regarde pas, lorsque votre ouvrage est à moitié fait et que les soins dont on vous charge retombent sur les autres ! Allez, et retenez votre langue. (

''Entre Coelio.) ''

Eh bien ! Mon cher enfant, quels seront vos plaisirs aujourd’hui ? (

''Les domestiques se retirent.) ''
 
 
'''COELIO'''
 
Les vôtres, ma mère. ''(Il s’assoit.) ''
 
 
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'''COELIO'''
 
Et vous aussi, vous avez été belle ! Sous ces cheveux argentés qui ombragent votre noble front, sous ce long manteau qui vous couvre, l’œil reconnaît encore le port majestueux d’une reine et les formes gracieuses d’une Diane chasseresse. OÔ ma mère ! Vous avez inspiré l’amour ! Sous vos fenêtres entre ouvertes a murmuré le son de la guitare, sur ces places bruyantes, dans le tourbillon de ces fêtes, vous avez promené une insouciante et superbe jeunesse ; vous n’avez point aimé ; un parent de mon père est mort d’amour pour vous.
 
 
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Votre père ne m’avait jamais vue alors. Il se chargea, comme allié de ma famille, de faire agréer la demande du jeune Orsini, qui voulait m’épouser. Il fut reçu comme le méritait son rang par votre grand-père et admis dans son intimité. Orsini était un excellent parti, et cependant je le refusai. Votre père, en plaidant pour lui, avait tué dans mon cœur le peu d’amour qu’il m’avait inspiré pendant deux mois d’assiduités constantes. Je n’avais pas soupçonné la force de sa passion pour moi. Lorsqu’on lui apporta ma réponse, il tomba, privé de connaissance, dans les bras de votre père. Cependant une longue absence, un voyage qu’il entreprit alors, et dans lequel il augmenta sa fortune, devaient avoir dissipé ses chagrins. Votre père changea de rôle et demanda pour lui ce qu’il n’avait pu obtenir pour Orsini. Je l’aimais d’un amour sincère et l’estime qu’il avait inspirée à mes parents ne me permit pas d’hésiter. Le mariage fut décidé le jour même et l’église s’ouvrit pour nous quelques semaines après. Orsini revint à cette époque. Il vint trouver votre père, l’accabla de reproches, l’accusa d’avoir trahi sa confiance et d’avoir causé le refus qu’il avait essuyé. Du reste, ajouta-t-il, si vous avez désiré ma perte, vous serez satisfait. Épouvanté de ces paroles, votre père vint trouver le mien et lui demander son témoignage pour désabuser Orsini. - Hélas ! Il n’était plus temps, on trouva dans sa chambre le pauvre jeune homme traversé de part en part de plusieurs coups d’épée.
 
==Scène 3==
 
''Le jardin de Claudio.''
 
CLAUDIO'' et ''TIBIA'', entrant.''
 
 
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'''TIBIA'''
 
La voici qui vient elle-même. (

''Entre Marianne.) ''
 
 
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'''MARIANNE'''
 
Octave, qui m’a fait une déclaration d’amour de la part de son ami Coelio. Qui est ce Coelio ? Connaissez-vous cet homme ? Trouvez bon que ni lui ni Octave ne mettent les pieds dans cette maison.
Connaissez-vous cet homme ? Trouvez bon que ni lui ni Octave ne mettent les pieds dans cette maison.
 
 
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'''MARIANNE'''
 
Il ne s’agit pas de ce que j’ai répondu. Comprenez-vous ce que je dis ? Donnez ordre à vos gens qu’ils ne laissent entrer ni cet homme ni son ami. Je m’attends à quelque importunité de leur part, et je suis bien aise de l’éviter.
Il ne s’agit pas de ce que j’ai répondu.
 
Comprenez-vous ce que je dis ? Donnez ordre à vos gens qu’ils ne laissent entrer ni cet homme ni son ami. Je m’attends à quelque importunité de leur part, et je suis bien aise de l’éviter. (Elle sort.)
''Elle sort.''
 
'''CLAUDIO'''
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'''CLAUDIO'''
 
Rapporte t’en à moi. - Il faut que je fasse part de cette découverte à ma belle-mère. J’imagine que ma femme me trompe, et que toute cette fable est une pure invention pour me faire prendre le change et troubler entièrement mes idées. (

''Ils sortent.)''
 
==Scène 4==
 
''Une rue.''
 
OCTAVE'' et ''CIUTA'' entrent.''
 
 
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'''OCTAVE'''
 
Je suis comme un homme qui tient la banque d’un pharaon pour le compte d’un autre, et qui a la veine contre lui ; il noierait plutôt son meilleur ami que de céder, et la colère de perdre avec l’argent d’autrui l’enflamme cent fois plus que ne le ferait sa propre ruine. (

''Entre Coelio.) ''

Comment, Coelio, tu abandonnes la partie ?
 
 
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'''COELIO'''
 
Pardonne-moi ! Pardonne-moi ! Fais ce que tu voudras ; va trouver Marianne. - Dis-lui que me tromper, c’est me donner la mort, et que ma vie est dans ses yeux. (

''Il sort.) ''
 
 
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'''CIUTA'''
 
Silence ! Vêpres Sonnent ; la grille du jardin vient de s’ouvrir ; Marianne sort. - Elle approche lentement. (

''Ciuta se retire. - Entre Marianne.) ''
 
 
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'''MARIANNE'''
 
Qu’est-ce après tout qu’une femme? L’occupation d’un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu’on porte à ses lèvres et qu’on jette par-dessus son épaule. Une femme ! C’est une partie de plaisir ! Ne pourrait-on pas dire, quand on en rencontre une : voilà une belle nuit qui passe ? Et ne serait-ce pas un grand écolier en de telles matières que celui qui baisserait les yeux devant elle, qui se dirait tout bas : “ Voilà peut-être le bonheur d’une vie entière ”, et qui la laisserait passer ?
Qu’est-ce après tout qu’une femme?
L’occupation d’un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu’on porte à ses lèvres et qu’on jette par-dessus son épaule. Une femme ! C’est une partie de plaisir ! Ne pourrait-on pas dire, quand on en rencontre une : voilà une belle nuit qui passe ? Et ne serait-ce pas un grand écolier en de telles matières que celui qui baisserait les yeux devant elle, qui se dirait tout bas :
“ Voilà peut-être le bonheur d’une vie entière ”, et qui la laisserait passer ? (Elle sort.)
 
''Elle sort.''
'''OCTAVE''' seul.
 
'''OCTAVE''','' seul.''
Tra, tra, poum ! poum ! tra deri la la ! Quelle drôle de petite bonne femme ! Ha! ! Holà ! (Il frappe à une auberge.) Apportez-moi ici, sous cette tonnelle, une bouteille de quelque chose.
 
Tra, tra, poum ! poum ! tra deri la la ! Quelle drôle de petite bonne femme ! Ha! ! Holà ! ''(Il frappe à une auberge.)'' Apportez-moi ici, sous cette tonnelle, une bouteille de quelque chose.
 
 
'''LE GARÇON'''
 
- Ce qui vous plaira, Excellence. Voulez vous du lacrymaLacryma-christiChristi ?
 
 
'''OCTAVE'''
 
Soit, soit. Allez-vous-en un peu chercher dans les rues d’alentour le seigneur Coelio, qui porte un manteau noir et des culottes plus noires encore. Vous lui direz qu’un de ses amis est là qui boit tout seul du lacrymaLacryma christiChristi. Après quoi vous irez à la grande place, et vous m’apporterez une certaine Rosalinde qui est rousse et qui est toujours à sa fenêtre. (

''Le garçon sort.) ''

Je me sais ce que j’ai dans la gorge ; je suis triste comme une procession. ''(Buvant.)'' Je ferais aussi bien de dîner ici; voilà le jour qui baisse. Drig ! drig ! Quel ennui que ces vêpres ! Est-ce que j’ai envie de dormir? Je me sens tout pétrifié. (

''Entrent Claudio et Tibia.) ''

Cousin Claudio, vous êtes un beau juge ; où allez-vous si couramment ?
 
 
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'''CLAUDIO'''
 
Puisses-tu le faire en repos, cher cornet de passe - dix ! Je te souhaite mille prospérités.
 
 
'''OCTAVE'''
 
Rassure-toi sur ce sujet, cher verrou de prison ! Je dors tranquille comme une audience. (

''Sortent Claudio et Tibia.) ''
 
OCTAVE, seul. - Il me semble que voilà Coelio qui s’avance de ce côté. Coelio ! Coelio ! A qui diable en a-t-il ? (Entre Coelio.) Sais-tu, mon cher ami, le beau tour que nous joue ta princesse ? Elle a tout dit à son mari.
'''OCTAVE,'' seul''
 
Il me semble que voilà Coelio qui s’avance de ce côté. Coelio ! Coelio ! A qui diable en a-t-il ?
 
''Entre Coelio.''
 
Sais-tu, mon cher ami, le beau tour que nous joue ta princesse ? Elle a tout dit à son mari.
 
 
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'''COELIO'''
 
Adieu, adieu, je ne puis m’arrêter plus longtemps. Je te verrai demain, mon ami. (

''Il sort.) ''
 
 
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'''LE GARÇON''','' rentrant'''
 
Monsieur, la demoiselle rousse n’est point à sa fenêtre ; elle ne peut se rendre à votre invitation.
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'''OCTAVE'''
 
La peste soit de tout l’univers ! Est-il donc décidé que je souperai seul aujourd’hui ? La nuit arrive en poste ; que diable vais-je devenir ? Bon ! Bon ! Ceci me convient. ''(Il boit.)'' Je suis capable d’ensevelir ma tristesse dans ce vin, ou du moins ce vin dans ma tristesse. Ah ! Ah ! Les vêpres sont finies; voici Marianne qui revient. (

''Entre Marianne.) ''
 
 
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'''MARIANNE'''
 
Je croyais qu’il en était du vin comme des femmes. Une femme n’est-elle pas aussi un vase précieux, scellé comme ce flacon de cristal ? Ne renferme-t-elle pas une ivresse grossière ou divine, selon sa force et sa valeur ? Et n’y a-t-il pas parmi elles le vin du peuple et les larmes du Christ ? Quel misérable cœur est-ce donc que le vôtre, pour que vos lèvres lui fassent la leçon ? Vous ne boiriez pas le vin que boit le peuple, vous aimez les femmes qu’il aime ; l’esprit généreux et poétique de ce flacon doré, ces sucs merveilleux que la lave du Vésuve a cuvés sous son ardent soleil, vous conduiront chancelant et sans force dans les bras d’une fille de joie ; vous rougiriez de boire un vin grossier ; votre gorge se soulèverait. Ah ! Vos lèvres sont délicates, mais votre cœur s’enivre à bon marché.
Et n’y a-t-il pas parmi elles le vin du peuple et les larmes du Christ ? Quel misérable cœur est-ce donc que le vôtre, pour que vos lèvres lui fassent la leçon ? Vous ne boiriez pas le vin que boit le peuple, vous aimez les femmes qu’il aime ; l’esprit généreux et poétique de ce flacon doré, ces sucs merveilleux que la lave du Vésuve a cuvés sous son ardent soleil, vous conduiront chancelant et sans force dans les bras d’une fille de joie ; vous rougiriez de boire un vin grossier ; votre gorge se soulèverait. Ah ! Vos lèvres sont délicates, mais votre cœur s’enivre à bon marché.
Bonsoir, cousin; puisse Rosalinde rentrer ce soir chez elle !
 
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Deux mots, de grâce, belle Marianne, et ma réponse sera courte. Combien de temps pensez-vous qu’il faille faire la cour à la bouteille que vous voyez pour obtenir ses faveurs ? Elle est, comme vous dites, toute pleine d’un esprit céleste et le vin du peuple lui ressemble aussi peu qu’un paysan ressemble à son seigneur. Cependant, regardez comme elle se laisse faire ! - Elle n’a reçu, j’imagine, aucune éducation, elle n’a aucun principe; vous voyez comme elle est bonne fille ! Un mot a suffi pour la faire sortir du couvent ; toute poudreuse encore, elle s’en est échappée pour me donner un quart d’heure d’oubli, et mourir. Sa couronne virginale, empourprée de cire odorante, est aussitôt tombée en poussière, et, je ne puis vous le cacher, elle a failli passer tout entière sur mes lèvres dans la chaleur de son premier baiser.
 
 
'''MARIANNE'''
 
Etes-vous sûr qu’elle en vaut davantage ? Et si vous êtes un de ses vrais amants, n’iriez-vous pas, si la recette en était perdue, en chercher la dernière goutte jusque dans la bouche du volcan ?
 
 
'''OCTAVE'''
 
Elle n’en vaut ni plus ni moins. Elle sait qu’elle est bonne à boire et qu’elle est faite pour être bue. Dieu n’en a pas caché la source au sommet d’un pic inabordable, au fond d’une caverne profonde ; il l’a suspendue en grappes dorées au bord de nos chemins ; elle y fait le métier des courtisanes ; elle y effleure la main du passant ; elle y étale aux rayons du soleil sa gorge rebondie, et toute une cour d’abeilles et de frelons murmure autour d’elle matin et soir. Le voyageur dévoré de soif peut se coucher sous ses rameaux verts ; jamais elle ne l’a laissé languir, jamais elle ne lui a refusé les douces larmes dont son cœur est plein. Ah ! Marianne, c’est un don fatal que la beauté ! - La sagesse dont elle se vante est sœur de l’avarice, et il y a plus de miséricorde dans le ciel pour ses faiblesses que pour sa cruauté. Bonsoir, cousine; puisse Coelio vous oublier! (Il entre dans l’auberge, Marianne dans sa maison.)
 
''Il entre dans l’auberge, Marianne dans sa maison.''
 
===Scène 5===
Une autre rue.
 
''Une autre rue.''
 
COELIO, CIUTA.
 
 
 
Ligne 1 336 ⟶ 1 365 :
'''CIUTA'''
 
Puisse le ciel vous favoriser ! (

''Elle sort.) ''
 
 
'''COELIO'''
 
Ah ! Que je fusse né dans le temps des tournois et des batailles! Qu’il m’eût été permis de porter les couleurs de Marianne et de les teindre de mon sang ! Qu’on m’eût donné un rival à combattre, une armée entière à défier ! Que le sacrifice de ma vie eût pu lui être utile ! Je sais agir, mais je ne puis parler. Ma langue ne sert point mon cœur, et je mourrai sans m’être fait comprendre, comme un muet dans une prison. (

''Il sort.)''
 
===Scène 6===
 
''Chez Claudio.''
 
CLAUDIO, MARIANNE.
Ligne 1 443 ⟶ 1 477 :
 
Marianne, brisons cet entretien. Ou vous sentirez l’inconvenance de s’arrêter sous une tonnelle, ou vous me réduirez à une violence qui répugne à mon habit.
 
(Il sort.) MARIANNE, seule. - Holà ! Quelqu’un. (Un domestique entre.) Voyez-vous là-bas, dans cette rue, ce jeune homme assis devant une table, sous cette tonnelle ? Allez lui dire que j’ai à lui parler, et qu’il prenne la peine d’entrer dans ce jardin. (Le domestique sort.) Voilà qui est nouveau ! Pour qui me prend-on ? Quel mal y a-t-il donc ? Comment suis-je donc faite aujourd’hui ? Voilà une robe affreuse. Qu’est-ce que cela signifie ? - vous me réduirez à la violence ! Quelle violence ? Je voudrais que ma mère fût là. Ah bah ! Elle est de son avis dès qu’il dit un mot. J’ai une envie de battre quelqu’un ! (Elle renverse les chaises.) Je suis bien sotte en vérité ! Voilà Octave qui vient. - Je voudrais qu’il le rencontrât. - Ah ! C’est donc là le commencement ! On me l’avait prédit.
''Il sort.''
- Je le savais. - Je m’y attendais ! Patience ! Patience! Il me ménage un châtiment! Et lequel, par hasard ? Je voudrais bien savoir ce qu’il veut dire ! (Entre Octave.) Asseyez-vous, Octave, j’ai à vous parler.
 
'''MARIANNE''','' seule''
 
Holà ! Quelqu’un.
 
''Un domestique entre.''
 
Voyez-vous là-bas, dans cette rue, ce jeune homme assis devant une table, sous cette tonnelle ? Allez lui dire que j’ai à lui parler, et qu’il prenne la peine d’entrer dans ce jardin.
 
''Le domestique sort.''
 
Voilà qui est nouveau ! Pour qui me prend-on ? Quel mal y a-t-il donc ? Comment suis-je donc faite aujourd’hui ? Voilà une robe affreuse. Qu’est-ce que cela signifie ? - vous me réduirez à la violence ! Quelle violence ? Je voudrais que ma mère fût là. Ah bah ! Elle est de son avis dès qu’il dit un mot. J’ai une envie de battre quelqu’un ! ''(Elle renverse les chaises.)'' Je suis bien sotte en vérité ! Voilà Octave qui vient. - Je voudrais qu’il le rencontrât. - Ah ! C’est donc là le commencement ! On me l’avait prédit. - Je le savais. - Je m’y attendais ! Patience ! Patience! Il me ménage un châtiment! Et lequel, par hasard ? Je voudrais bien savoir ce qu’il veut dire !
 
''Entre Octave.''
 
Asseyez-vous, Octave, j’ai à vous parler.
 
 
Ligne 1 519 ⟶ 1 569 :
'''OCTAVE'''
 
Marianne ! Quelle que soit la raison qui a pu vous inspirer une minute de complaisance, puisque vous m’avez appelé, puisque vous consentez à m’entendre, au nom du ciel, restez la même une minute encore, permettez-moi de vous parler. (

''Il se jette à genoux.) ''
 
 
Ligne 1 529 ⟶ 1 581 :
'''OCTAVE'''
 
Si jamais homme au monde a été digne de vous comprendre, digne de vivre et de mourir pour vous, cet homme est Coelio. Je n’ai jamais valu grand chose, et je me rends cette justice que la passion dont je fais l’éloge trouve un misérable interprète. Ah ! Si vous saviez sur quel autel sacré vous êtes adorée comme un dieu ! Vous, si belle, si jeune, si pure encore, livrée à un vieillard qui n’a plus de sens et qui n’a jamais eu de cœur ! Si vous saviez quel trésor de bonheur, quelle mine féconde repose en vous ! En lui ! Dans cette fraîche aurore de jeunesse, dans cette rosée céleste de la vie, dans ce premier accord de deux âmes jumelles ! Je ne vous parle pas de sa souffrance, de cette douce et triste mélancolie qui ne s’est jamais lassée de vos rigueurs, et qui en mourrait sans se plaindre. Oui, Marianne, il en mourra. Que puis-je vous dire? Qu’inventerais-je pour donner à mes paroles la force qui leur manque ? Je ne sais pas le langage de l’amour. Regardez dans votre âme ; c’est elle qui peut vous parler de la sienne. Y a t-il un pouvoir capable de vous toucher ? Vous qui savez supplier Dieu, existe-t-il une prière qui puisse rendre ce dont mon cœur est plein ?
Oui, Marianne, il en mourra. Que puis-je vous dire?
Qu’inventerais-je pour donner à mes paroles la force qui leur manque ? Je ne sais pas le langage de l’amour. Regardez dans votre âme ; c’est elle qui peut vous parler de la sienne.
Y a t-il un pouvoir capable de vous toucher ? Vous qui savez supplier Dieu, existe-t-il une prière qui puisse rendre ce dont mon cœur est plein ?
 
 
Ligne 1 567 ⟶ 1 616 :
'''MARIANNE'''
 
Faites ce que je vous dis, ou ne me revoyez pas.
Faites ce que je vous dis, ou ne me revoyez pas. (Elle sort.) OCTAVE, seul. - Ton écharpe est bien jolie, Marianne, et ton petit caprice de colère est un charmant traité de paix. Il ne me faudrait pas beaucoup d’orgueil pour le comprendre : un peu de perfidie suffirait. Ce sera pourtant Coelio qui en profitera. (Il sort.)
 
''Elle sort.''
 
'''OCTAVE''','' seul.''
Chez Coelio.
 
Ton écharpe est bien jolie, Marianne, et ton petit caprice de colère est un charmant traité de paix. Il ne me faudrait pas beaucoup d’orgueil pour le comprendre : un peu de perfidie suffirait. Ce sera pourtant Coelio qui en profitera.
 
''Il sort.''
 
 
===Scène 7===
 
''Chez Coelio.''
 
COELIO, UN DOMESTIQUE.
Ligne 1 578 ⟶ 1 637 :
'''COELIO'''
 
il est en bas, dites-vous ? Qu’il monte. Pourquoi ne le faites-vous pas monter sur-le-champ ? (

''Entre Octave.) ''

Eh bien ! Mon ami, quelle nouvelle ?
 
 
Ligne 1 593 ⟶ 1 656 :
'''OCTAVE'''
 
La nuit est belle ; - la lune va paraître à l’horizon. Marianne est seule, et sa porte est entre ouverte. Tu es un heureux garçon, Coelio.
Tu es un heureux garçon, Coelio.
 
 
Ligne 1 614 ⟶ 1 676 :
'''OCTAVE'''
 
Et à moi aussi, car je n’ai dîné qu’à moitié. Pour récompense de mes peines, dis en sortant qu’on me monte à souper. (

''Il s’assoit.) ''

As-tu du tabac turc ? Tu me trouveras probablement ici demain matin. Allons, mon ami, en route ! Tu m’embrasseras en revenant. En route, en route ! La nuit s’avance. (

''Coelio sort.) ''
 
OCTAVE, seul. - Écris sur tes tablettes, Dieu juste, que cette nuit doit m’être comptée dans ton paradis. Est-ce bien vrai que tu as un paradis ? En vérité, cette femme était belle, et sa petite colère lui allait bien. D’où venait-elle ? C’est ce que j’ignore. Qu’importe comment la bille d’ivoire tombe sur le numéro que nous avons appelé. Souffler une maîtresse à son ami, c’est une rouerie trop commune pour moi. Marianne ou toute autre, qu’est-ce que cela me fait ? La véritable affaire est de souper ; il est clair que Coelio est à jeun. Comme tu m’aurais détesté, Marianne, si je t’avais aimée ! Comme tu m’aurais fermé ta porte ! Comme ton bélître de mari t’aurait paru un Adonis, un Sylvain, en comparaison de moi ! Où est donc la raison de tout cela? Pourquoi la fumée de cette pipe va-t-elle à droite plutôt qu’à gauche ? Voilà la raison de tout. - Fou ! Trois fois fou à lier, celui qui calcule ses chances, qui met la raison de son côté ! La justice céleste tient une balance dans ses mains. La balance est parfaitement juste, mais tous les poids sont creux. Dans l’un il y a une pistole, dans l’autre un soupir amoureux, dans celui-là une migraine, dans celui-ci il y a le temps qu’il fait, et toutes les actions humaines s’en vont de haut en bas, selon ces poids capricieux.
'''OCTAVE''','' seul''
UN DOMESTIQUE, entrant. - Monsieur, voilà une lettre à votre adresse ; elle est si pressée que vos gens l’ont apportée ici ; on a recommandé de vous la remettre, en quelque lieu que vous fussiez ce soir.
 
Écris sur tes tablettes, Dieu juste, que cette nuit doit m’être comptée dans ton paradis. Est-ce bien vrai que tu as un paradis ? En vérité, cette femme était belle, et sa petite colère lui allait bien. D’où venait-elle ? C’est ce que j’ignore. Qu’importe comment la bille d’ivoire tombe sur le numéro que nous avons appelé. Souffler une maîtresse à son ami, c’est une rouerie trop commune pour moi. Marianne ou toute autre, qu’est-ce que cela me fait ? La véritable affaire est de souper ; il est clair que Coelio est à jeun. Comme tu m’aurais détesté, Marianne, si je t’avais aimée ! Comme tu m’aurais fermé ta porte ! Comme ton bélître de mari t’aurait paru un Adonis, un Sylvain, en comparaison de moi ! Où est donc la raison de tout cela? Pourquoi la fumée de cette pipe va-t-elle à droite plutôt qu’à gauche ? Voilà la raison de tout. - Fou ! Trois fois fou à lier, celui qui calcule ses chances, qui met la raison de son côté ! La justice céleste tient une balance dans ses mains. La balance est parfaitement juste, mais tous les poids sont creux. Dans l’un il y a une pistole, dans l’autre un soupir amoureux, dans celui-là une migraine, dans celui-ci il y a le temps qu’il fait, et toutes les actions humaines s’en vont de haut en bas, selon ces poids capricieux.
 
'''UN DOMESTIQUE''','' entrant.''
 
Monsieur, voilà une lettre à votre adresse ; elle est si pressée que vos gens l’ont apportée ici ; on a recommandé de vous la remettre, en quelque lieu que vous fussiez ce soir.
 
 
'''OCTAVE'''
 
Voyons un peu cela. ''(Il lit.)'' « Ne venez pas ce soir. Mon mari a entouré la maison d’assassins, et vous êtes perdu s’ils vous trouvent.
MARIANNE. » Malheureux que je sois ! Qu’ai-je fait ? Mon manteau ! Mon chapeau ! Dieu veuille qu’il soit encore temps ! Suivez-moi, vous et tous les domestiques qui sommes debout à cette heure. Il s’agit de la vie de votre maître. (Il sort en courant.)
 
''Il sort en courant.''
Le jardin de Claudio. - Il est nuit.
 
CLAUDIO, DEUX SPADASSINS, TIBIA.
 
===Scène 7===
 
''Le jardin de Claudio. - Il est nuit.''
 
CLAUDIO, DEUX SPADASSINS, TIBIA.
 
'''CLAUDIO'''
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Alors, attendez-le au coin du mur.
 
UN SPADASSIN. - Oui, monsieur.
'''UN SPADASSIN'''
 
Oui, monsieur.
 
 
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'''CLAUDIO'''
 
Retirons-nous à l’écart, et frappons quand il en sera temps. (Entre Coelio.) COELIO, frappant à la jalousie. - Marianne ! Marianne !
êtes-vous là ?
MARIANNE, paraissant à la fenêtre. - Fuyez, Octave; vous n’avez donc pas reçu ma lettre ?
 
''Entre Coelio.''
 
'''COELIO''','' frappant à la jalousie''
 
Marianne ! Marianne ! Êtes-vous là ?
 
'''MARIANNE''','' paraissant à la fenêtre''
 
Fuyez, Octave; vous n’avez donc pas reçu ma lettre ?
 
'''COELIO'''
 
Seigneur mon Dieu ! Quel nom ai-je entendu ?
 
 
'''MARIANNE'''
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'''MARIANNE'''
 
Octave, Octave ! Au nom du ciel, ne vous arrêtez pas ! Puisse-t-il être encore temps de vous échapper ! Demain trouvez-vous à midi dans un confessionnal de l’église, j’y serai. (La jalousie se referme.)
 
''La jalousie se referme.''
 
'''COELIO'''
 
O mort ! Puisque tu es là, viens donc à mon secours. Octave, traître Octave ! Puisse mon sang retomber sur toi ! Puisque tu savais quel sort m’attendait ici, et que tu m’y as envoyé à ta place, tu seras satisfait dans ton désir. O mort ! Je t’ouvre les bras ; voici le terme de mes maux. (Il sort. On entend des cris étouffés et un bruit éloigné dans le jardin. )
OCTAVE, en dehors. - Ouvrez, ou j’enfonce les portes !
CLAUDIO, ouvrant, son épée sous le bras. - Que voulez-vous ?
 
''Il sort. On entend des cris étouffés et un bruit éloigné dans le jardin.''
 
 
'''OCTAVE''','' en dehors''
 
Ouvrez, ou j’enfonce les portes !
 
'''CLAUDIO''','' ouvrant, son épée sous le bras''
 
Que voulez-vous ?
 
'''OCTAVE'''
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Cherchez dans ce jardin, si bon vous semble ; je n’y ai vu entrer personne ; et si quelqu’un l’a voulu faire, il me semble que j’avais le droit de ne pas lui ouvrir.
OCTAVE, à ses gens. - Venez et cherchez partout !
CLAUDIO, bas à Tibia. - Tout est-il fini comme je l’ai ordonné ?
 
'''OCTAVE''','' à ses gens''
 
Venez et cherchez partout !
 
'''CLAUDIO''','' bas à Tibia''
 
Tout est-il fini comme je l’ai ordonné ?
 
'''TIBIA'''
 
Oui, Monsieur; soyez en repos, ils peuvent chercher tant qu’ils voudront. (

''Tous sortent.)''
 
===Scène 8===
 
''Un cimetière.''
 
OCTAVE'' et ''MARIANNE'', auprès d’un tombeau.''
 
 
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'''OCTAVE'''
 
Je ne sais point aimer, Coelio seul le savait. La cendre que renferme cette tombe est tout ce que j’ai aimé sur la terre, tout ce que j’aimerai. Lui seul savait verser dans une autre âme toutes les sources de bonheur qui reposaient dans la sienne. Lui seul était capable d’un dévouement sans bornes ; lui seul eût consacré sa vie entière à la femme qu’il aimait, aussi facilement qu’il aurait bravé la mort pour elle. Je ne suis qu’un débauché sans cœur ; je n’estime point les femmes : l’amour que j’inspire est comme celui que je ressens, l’ivresse passagère d’un songe. Je ne sais pas les secrets qu’il savait. Ma gaieté est comme le masque d’un histrion ; mon cœur est plus vieux qu’elle, mes sens blasés n’en veulent plus. Je ne suis qu’un lâche ; sa mort n’est point vengée.
Je ne sais point aimer, Coelio seul le savait.
La cendre que renferme cette tombe est tout ce que j’ai aimé sur la terre, tout ce que j’aimerai. Lui seul savait verser dans une autre âme toutes les sources de bonheur qui reposaient dans la sienne. Lui seul était capable d’un dévouement sans bornes ; lui seul eût consacré sa vie entière à la femme qu’il aimait, aussi facilement qu’il aurait bravé la mort pour elle. Je ne suis qu’un débauché sans cœur ; je n’estime point les femmes : l’amour que j’inspire est comme celui que je ressens, l’ivresse passagère d’un songe. Je ne sais pas les secrets qu’il savait. Ma gaieté est comme le masque d’un histrion ; mon cœur est plus vieux qu’elle, mes sens blasés n’en veulent plus. Je ne suis qu’un lâche ; sa mort n’est point vengée.