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Quant aux anciens, il m’a semblé que dans les jugemens que j’aurois à porter, la probité ne vouloit pas que je donnasse les change à mes lecteurs ainsi que faisoient jadis nos savans, en substituant frauduleusement, à mon avis qu’ils attendroient, celui d’Aristote ou de Cicéron dont ils n’ont que faire ; grace à l’esprit de nos modernes, il y a long-tems que ce scandale a cessé & je me garderai bien d’en ramener la pénible mode. Je me suis seulement appliqué à la lecture des Dictionnaires & j’y ai fait un tel profit qu’en moins de trois mois, je me suis vu en état de décider de tout avec autant d’assurance & d’autorité que si j’avois eu deux ans d’étude. J’ai de plus acquis un petit recueil de passages latins tirés de divers Poetes, ou je trouverai de quoi broder & enjoliver mes feuilles, en les ménageant avec économie afin qu’ils durent long-tems ; je sais combien les vers latins cités à propos donnent de relief à un philosophe, & par la même raison je me suis fourni de quantité d’axiomes & de sentences philosophiques pour orner mes dissertations quand il question de Poésie. Car je n’ignore pas que c’est un devoir indispensable pour quiconque aspire à la réputation d’Auteur célebre, de parler pertinemment de toutes les sciences, hors celle dont il se mêle. D’ailleurs je ne sens point du tout la nécessité d’être sort savant pour juger les ouvrages qu’on nous-donne aujour-d’hui. Ne diroit-on pas qu’il faut avoir lu le P.Pétau, Montfaucon, & être profond dans les Mathématiques, &c. pour juge : Tanzai, Grigri, Angola, Misapouf, & autres sublimes productions de ce siecle.
sa complaisance de l’humeur qu’il pouvoit avoir mise dans ses discours, en disputant impoliment contre elle.


Ma derniere raison, & dans le fond la seule dont j’avois
Fantasque qui craignit que la douceur de Phénix ne la couvrît seule de tout le ridicule de cette affaire, se hâta de lui répondre que sous cette excuse ironique elle voyoit encore plus d’orgueil que dans les disputes précédentes, mais que puisque les torts d’un mari n’autorisoient point ceux d’une femme elle se hâtoit de céder en cette occasion comme elle avoit toujours fait : Mon prince & mon époux, ajouta-t-elle tout haut, m’ordonne d’accoucher d’un garçon & je sais trop bien mon devoir pour manquer d’obéir. Je n’ignore pas que quand sa Majesté m’honore des marques de sa tendresse, c’est moins pour l’amour de moi que pour celui de son Peuple, dont l’intérêt ne l’occupe guère moins la nuit que le jour ; je dois imiter un si noble désintéressement, & je vais demander au Divan un mémoire instructif du nombre & du sexe des enfans qui conviennent à la famille Royale ; mémoire important au bonheur de l’Etat & sur lequel toute Reine doit apprendre à régler sa conduite pendant la nuit.

Ce beau soliloque fut écouté de tout le cercle avec beaucoup d’attention & je vous laisse à penser combien d’éclats de rire furent assez maladroitement étouffés. Ah ! dit tristement le Roi en sortant & haussant les épaules ; je vois bien que quand on a une femme folle on ne peut éviter d’être un sot.

La Fée Discrète dont le sexe & le nom contrastoient quelques fois plaisamment dans son caractère, trouva cette querelle si réjouissante qu’elle résolut de s’en amuser jusqu’au bout.
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