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fait en cela que rendre justice au sexe en général ; & dans quel pays du monde la douceur & la commisération ne sont-elles pas l’aimable partage des femmes ?
pu souffrir quelque autre attachement que celui pour lequel il étoit né, je n’aurois jamais pris à Paris ma femme, encore moins ma maîtresse : mais je m’y serois fait volontiers une amie ; & ce trésor m’eût consolé peut-être de n’y pas trouver les deux autres.*


Quelle différence de tableau si vous m’eussiez peint ce que vous aviez vu plutôt que ce qu’on vous avoit dit, ou du moins que vous n’eussiez consulté que des gens sensés ! Faut-il que vous, qui avez tant pris de soins à conserver votre jugement, alliez le perdre, comme de propos délibéré, dans le commerce d’une jeunesse inconsidérée, qui ne cherche, dans la société des sages, qu’à les séduire & non pas à les imiter ! Vous regardez à de fausses convenances d’âge qui ne vous vont point & vous oubliez celles de lumieres & de raison qui vous sont essentielles. Malgré tout votre emportement, vous êtes le plus facile des hommes ; & malgré la maturité de votre esprit, vous vous laissez tellement conduire par ceux avec qui vous vivez, que vous ne sauriez fréquenter des gens de votre âge sans en descendre & redevenir enfant. Ainsi vous vous dégradez en pensant vous assortir & c’est vous mettre au-dessous de vous-même que de ne pas choisir des amis plus sages que vous.
[*Je me garderai de prononcer sur cette lettre ; mais je doute qu’un jugement qui donne libéralement à celles qu’il regarde des qualités qu’elles méprisent & qui leur refuse les seules dont elles font cas, soit sort propre à être bien reçu d’elles. ]


Je ne vous reproche point d’avoir été conduit sans le savoir dans une maison déshonnête ; mais je vous reproche d’y avoir été conduit par de jeunes officiers que vous ne deviez pas connoître, ou du moins auxquels vous ne deviez pas laisser diriger vos amusements. Quant au projet de les ramener à vos principes, j’y trouve plus de zele que de prudence ; si vous êtes trop sérieux pour être leur camarade, vous êtes trop jeune pour être leur Mentor & vous ne devez vous mêler
LETTRE XXII. À JULIE.

Depuis ta lettre reçue je suis allé tous les jours chez M.Silvestre demander le petit paquet. Il n’étoit toujours point venu ; & dévoré d’une mortelle impatience, j’ai fait le voyage sept fois inutilement. Enfin la huitieme, j’ai reçu le paquet. À peine l’ai-je eu dans les mains, que, sans payer le port, sans m’en informer, sans rien dire à personne, je suis sorti comme un étourdi ; & ne voyant le moment de rentrer chez moi, j’enfilois avec tant de précipitation des rues que je ne connoissois point, qu’au bout d’une demi-heure, cherchant la rue de Tournon où je loge, je me suis trouvé dans le Marais, à l’autre extrémité de Paris. J’ai été obligé de prendre un fiacre pour revenir plus promptement ; c’est la premiere fois que cela m’est arrivé