« Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Meurtrière » : différence entre les versions

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avec crénelages et archères percées dans le milieu des merlons. Les constructions
inférieures restèrent entièrement pleines, empattées, épaisses,
homogènes, et par conséquent beaucoup plus propres à résister à la sape
et à la mine.
 
[Illustration: Fig. 6.]
 
Alors les meurtrières ne se rencontrent plus qu'au sommet des
défenses
ou sur certains points où l'on posait des factionnaires comme,
par exemple, au-dessus des portes et sur leurs flancs, dans des passages,
des deux côtés des herses, etc. Les meurtrières, à dater du milieu du
XIV<sup>e</sup> siècle, ne consistent plus seulement, à l'extérieur, qu'en une rainure
simple ou avec entaille inférieure; la rainure est souvent entaillée vers
son milieu par une traverse formant une sorte de croix pattée, ainsi que
l'indique la figure 7<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]].
 
Naturellement, ce sont les armes de jet qui ont imposé la forme de ces
 
[Illustration: Fig. 7.]
 
meurtrières. Du XII<sup>e</sup> au milieu du XIV<sup>e</sup> siècle en France, on n'employait
guère comme arme de jet, à main, que l'arbalète. Or, l'arbalète est une
arme excellente pour tirer de but en blanc; elle a les qualités du mousquet,
sauf la portée. Les archers étaient peu employés par les armées,
féodales du domaine royal. Dans le Nord, dans les Flandres et en
Angleterre,
au contraire, ils formaient des corps considérables et avaient acquis,
comme nous ne l'avons que trop éprouvé à Crécy, une supériorité
marquée
sur les arbalétriers, tant à cause de la rapidité du tir de l'arc que par
la portée extraordinaire des flèches. Mais les archers, en bataille, tiraient
bien plus à la volée que de but en blanc, et, pour qui s'est exercé à tirer
de l'arc, il est facile d'apprécier les effets du tir à la volée. La
flèche,
en retombant verticalement après avoir décrit une parabole, est un projectile
terrible en ce qu'on ne peut s'en garantir. Un archer médiocrement
exercé envoie facilement une flèche à quarante ou cinquante mètres
de hauteur obliquement; arrivée à fin de course, elle décrit une parabole
brusque, et tombant verticalement de cette hauteur elle perce une planche
de trois centimètres d'épaisseur. Au lieu de disposer les meurtrières pour le tir d'arbalète rapproché, et de haut en bas seulement, on les fit
de telle sorte que les archers pussent tirer à la volée soit par une entaille
intermédiaire <i>a</i> (voir la figure 7), soit par une entaille supérieure <i>b</i>.
Ainsi (8) l'arbalétrier ou l'archer pouvait, par l'entaille inférieure de la
meurtrière, envoyer de but en blanc le trait A, et l'archer seulement par
l'entaille intermédiaire envoyait la flèche B, par l'entaille supérieure la
flèche C. Des assiégeants masqués par des mantelets évitaient difficilement
les projectiles B, mais ne pouvaient se garantir des projectiles C.
La nécessité de laisser les parties inférieures des tours et courtines entièrement
pleines pour mieux résister à la sape et à la mine et l'emploi
fréquent des archers, dès le milieu du XIV<sup>e</sup> siècle, pour la défense aussi
bien que pour l'attaque, firent percer les meurtrières au sommet des
défenses et amenèrent à échancrer leurs rainures, ainsi que l'indique la
figure 7. En effet, c'est en Guienne et dans le Maine et le Poitou, c'est
dans le Nord que ces meurtrières en croix pattée apparaissent d'abord,
c'est-à-dire dans les contrées occupées alors par les armées anglaises, en
partie composées d'archers. Dans les murailles d'Avignon, qui datent du
milieu du XIV<sup>e</sup> siècle, nous voyons également des meurtrières en croix
pattée; mais les papes d'Avignon n'avaient guère que des troupes de mercenaires,
et parmi celles-ci des archers recrutés en Suisse et dans le
Dauphiné.
 
[Illustration: Fig. 8.]
 
Ces sortes d'archères se retrouvent partout en France dès le XV<sup>e</sup>
siècle;
leur forme était définitivement adoptée comme la meilleure, en ce qu'elle
permettait le tir de plein fouet et à la volée. L'artillerie à feu vint alors
modifier de nouveau la forme des meurtrières. Celles-ci ne se
composèrent
plus que de trous ronds pour passer la gueule du mousquet avec
une mire au-dessus (9). Quelquefois ces trous sont doubles, avec une
rainure horizontale entre eux deux. Voici une de ces meurtrières qui
provient de la porte orientale d'Angolsheim (10). On observera que ces
trous sont percés dans une dalle assez mince, posée au nu extérieur du
mur de défense et entourée d'un ébrasement en maçonnerie à l'intérieur.
Une balle de mousquet envoyée du dehors pouvait très-bien briser la
dalle. Cette meurtrière est percée à côté de la porte et commande la
route qui descend vers le village; c'est ce qui explique son élévation
 
[Illustration: Fig. 9.]
 
[Illustration: Fig. 10.]
 
au-dessus du sol intérieur. En A, la meurtrière est présentée du côté
extérieur; en B du côté intérieur, et en C en coupe. Mais les progrès
rapides que faisait l'artillerie à feu au XV<sup>e</sup> siècle déroutaient fort les constructeurs
militaires. Ils abandonnaient difficilement l'ancien système et
n'opposaient aux effets des nouveaux projectiles que des obstacles presque
toujours insuffisants. Ce n'est qu'à la fin de ce siècle que les
ingénieurs
ou architectes combinent de véritables meurtrières pour de la
mousqueterie, et parmi celles-ci on peut citer comme particulièrement
intéressantes celles du bastion élevé en avant de la porte de Laon à
Coucy. Ce bastion, aujourd'hui en grande partie couvert par la route
impériale, battait le plateau et enfilait les fossés de la ville au moyen d'un
ouvrage souterrain percé de meurtrières et de petites embrasures. Il dut
être élevé vers les dernières années du XV<sup>e</sup> siècle, si l'on s'en rapporte à
quelques sculptures et moulures qui décorent les voûtes de l'étage
souterrain.
 
[Illustration: Fig. 11.]
 
Ce bastion, dont l'ensemble est donné en A (11), possède à sa base, à
1<sup>m</sup>,00 environ au-dessus du fond du fossé, une galerie voûtée en berceau
plein-cintre de 1<sup>m</sup>,20 de largeur. Une chambre voûtée en arcs ogives est
construite derrière le saillant. Les galeries sont percées, à des distances
assez rapprochées, de meurtrières disposées de manière à croiser les
feux de mousqueterie au fond du fossé, ainsi que l'indiquent les lignes
ponctuées en B. En C, nous avons tracé le plan de la chambre du saillant,
avec ses deux meurtrières <i>a</i> et ses évents <i>b</i> percés dans la voûte; en D,
le plan de l'une des meurtrières des faces, lesquelles sont doubles dans
la hauteur du parement. En <i>d</i> sont également des évents. La
coupe E est
faite sur <i>e f</i>; celle G sur <i>g h</i>, et celle H sur <i>i</i>K. Ces galeries, percées de
nombreuses meurtrières, sont évidemment destinés à empêcher le
travail
de la sape et de la mine au pied du bastion. Toute cette construction
est exécutée avec grand soin et s'est parfaitement conservée. À
l'article
PORTE nous expliquons avec plus de détails l'utilité de cet ouvrage, si intéressant
par sa date et si complet.
 
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<span id="footnote1">[[#note1|1]] : Voyez ARCHITECTURE MILITAIRE, CRÉNEAU.
 
<span id="footnote2">[[#note2|2]] : Des remparts d'Avignon.