« Essai sur J.-J. Rousseau » : différence entre les versions

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On sait combien Voltaire l'avait maltraité, et cependant il ne parlait, jamais de lui qu'avec estime. Personne à son gré ne tournait mieux un compliment ; mais il ne le trouvait pathétique qu'en vers. Il disait de lui : Son premier mouvement est d'être bon ; c'est la reflexion qui le rend méchant. Il aimait d'ailleurs à parler de Voltaire, et à conter le trait de son père, qui assistait, en cachette, à la première représentation d'Œdipe, et qui, plein de joie, quoique janséniste, ne cessait de s'écrier : Ah le coquin ! Ah le coquin ! Rousseau me demanda un jour si je n'irais pas le voir, comme tous les gens de lettres. Non, lui dis-je, je serais trop embarrassé pour aborder un homme qui, comme un consul romain, a des peuples pour clients, et des rois pour flatteurs ; je ne suis rien, je ne sais pas même tourner un compliment. Oh ! me dit-il, vous n'avez pas une idée convenable de Voltaire; il n'aime point tant à être loué. Un jour, un avocat du Bugey l'étant venu voir, s'écria en entrant dans son cabinet : Je viens saluer la lumière du monde. Voltaire se mit à crier aussitôt : Madame Denis, apportez les mouchettes.
[[File:L'Hiver ou le Déluge par Nicolas Poussin.jpg|thumb|Déluge de Nicolas Poussin]]
 
Un jour que nous parlions du tableau du Déluge du Poussin, il cherchait à fixer mon attention sur le serpent qui se dresse sur un rocher pour éviter les eaux dont la terre est toute pénétrée. Après l'avoir écouté, je lui dis : II me semble voir dans ce sublime tableau un caractère bien plus frappant, c'est l'enfant que le père donne à sa femme sur un rocher; cet enfant s'aide de ses petites jambes. L'âme est saisie au milieu des crimes de la terre, des eaux débordées, des foudres lointaines, du spectacle de l'innocence soumise à la même loi que le crime, et de celui de l'amour maternel, plus puissant que l'amour de la vie. Il me dit : Oh ! oui, c'est l'enfant, il n'y a pas de doute, c'est l'enfant qui est l'objet principal.