« Les Fleurs du mal (1861)/Les Litanies de Satan » : différence entre les versions

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{{TitrePoeme|[[Les Fleurs du mal]]|Charles Baudelaire|}}
[[Category:Poésie|Les litanies de Satan]]
[[Category:XIXe siècle|Les litanies de Satan]]
 
'''CXX. - —&nbsp;Les litanies de Satan'''
 
<pre>
 
O toi, le plus savant et le plus beau des Anges,
 
Dieu trahi par le sort et privé de louanges,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
O Prince de l’exil, à qui l’on a fait tort,
 
Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi qui sait tout, grand roi des choses souterraines,
 
Guérisseur familier des angoisses humaines,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits,
 
Enseignes par l’amour le goût du Paradis,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
O toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante,
Engendras l’Espérance, - une folle charmante !
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
Engendras l’Espérance, - une folle charmante!
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
 
Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut
 
Qui damne tout un peuple autour d’un échafaud.
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi qui sais en quels coins des terres envieuses
 
Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi dont l’oeil clair connaît les profonds arsenaux
 
Toi dont l’oeill’œil clair connaît les profonds arsenaux
Où dort enseveli le peuple des métaux,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi dont la large main cache les précipices
 
Au somnambule errant au bord des édifices,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os
 
De l’ivrogne attardé foulé par les chevaux,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi qui, pour consoler l’homme frêle qui souffre,
 
Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi qui poses ta marque, ô complice subtil,
 
Sur le front du Crésus impitoyable et vil,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Toi qui mets dans les yeux et dans le coeur des filles
 
Toi qui mets dans les yeux et dans le coeurcœur des filles
Le culte de la plaie et l’amour des guenilles,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Bâton des exilés, lampe des inventeurs,
 
Confesseur des pendus et des conspirateurs,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
 
Père adoptif de ceux qu’en sa noire colère
 
Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,
 
O Satan, prends pitié de ma longue misère !
</pre>
 
<center>'''Prière'''</center>
 
<pre>
Gloire et louage à toi, Satan, dans les hauteurs
 
Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs
De l’Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence !
 
De l’Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence!
 
Fais que mon âme un jour, sous l’Arbre de Science,
 
Près de toi se repose, à l’heure où sur ton front
Comme un Temple nouveau ses rameaux s’épandront !
 
Comme un Temple nouveau ses rameaux s’épandront!
</pre>
</div>