« Les Fleurs du mal (1861)/L’Irréparable » : différence entre les versions

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{{TitrePoeme|[[Les Fleurs du mal]]|Charles Baudelaire|}}
 
'''LIV. - L’irréparable'''
 
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Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords,
 
Qui vit, s’agite et se tortille,
 
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
Comme du chêne la chenille ?
 
Pouvons-nous étouffer l’implacable Remords ?
Comme du chêne la chenille?
 
Pouvons-nous étouffer l’implacable Remords?
 
Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,
 
Noierons-nous ce vieil ennemi,
 
Destructeur et gourmand comme la courtisane,
Patient comme la fourmi ?
Dans quel philtre ? - dans quel vin ? - dans quelle tisane ?
 
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,
Patient comme la fourmi?
 
Dans quel philtre? - dans quel vin? - dans quelle tisane?
 
Dis-le, belle sorcière, oh! dis, si tu le sais,
 
A cet esprit comblé d’angoisse
 
Et pareil au mourant qu’écrasent les blessés,
 
Que le sabot du cheval froisse,
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,
 
Dis-le, belle sorcière, oh! dis, si tu le sais,
 
A cet agonisant que le loup déjà flaire
 
Et que surveille le corbeau,
A ce soldat brisé ! s’il faut qu’il désespère
D’avoir sa croix et son tombeau ;
Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire !
 
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
A ce soldat brisé! s’il faut qu’il désespère
 
D’avoir sa croix et son tombeau;
 
Ce pauvre agonisant que déjà le loup flaire!
 
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir?
 
Peut-on déchirer des ténèbres
 
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir,
Sans astres, sans éclairs funèbres ?
 
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
Sans astres, sans éclairs funèbres?
 
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir?
 
L’Espérance qui brille aux carreaux de l’Auberge
Est soufflée, est morte à jamais !
 
Est soufflée, est morte à jamais!
 
Sans lune et sans rayons, trouver où l’on héberge
Les martyrs d’un chemin mauvais !
Le Diable a tout éteint aux carreaux de l’Auberge !
 
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?
Les martyrs d’un chemin mauvais!
Dis, connais-tu l’irrémissible ?
 
Le Diable a tout éteint aux carreaux de l’Auberge!
 
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés?
 
Dis, connais-tu l’irrémissible?
 
Connais-tu le Remords, aux traits empoisonnés,
A qui notre coeur sert de cible ?
 
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés ?
A qui notre coeur sert de cible?
 
Adorable sorcière, aimes-tu les damnés?
 
L’Irréparable ronge avec sa dent maudite
 
Notre âme, piteux monument,
 
Et souvent il attaque, ainsi que le termite,
 
Par la base le bâtiment.
L’Irréparable ronge avec sa dent maudite !
 
- J’ai vu parfois, au fond d’un théâtre banal
L’Irréparable ronge avec sa dent maudite!
 
- J’ai vu parfois, au fond d’un théâtre banal
 
Qu’enflammait l’orchestre sonore,
 
Une fée allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore ;
 
Une miraculeuse aurore;
 
J’ai vu parfois au fond d’un théâtre banal
 
Un être, qui n’était que lumière, or et gaze,
Terrasser l’énorme Satan ;
 
Mais mon coeurcœur, que jamais ne visite l’extase,
Terrasser l’énorme Satan;
 
Mais mon coeur, que jamais ne visite l’extase,
 
Est un théâtre où l’on attend
Toujours, toujours en vain, l’Etre aux ailes de gaze !
 
Toujours, toujours en vain, l’Etre aux ailes de gaze!
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