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agriculteurs improvisés me racontait dans la vallée de Newark, que je visitais avec lui, les rudes débuts de sa carrière de colon. C’était précisément dans cette même vallée qu’il était venu planter sa tente quelque vingt ans auparavant. Newark-Valley était alors, comme à présent, habitée par des familles suisses, mais elle était loin de présenter la même extension de culture. Aujourd’hui c’est une des vallées les plus fertiles de l’état de New-York : on y récolte le blé, le maïs, le chanvre ; dans les bois, on recueille le sucre d’érable. En 1848, une grande partie de ces terres était encore en friche, et l’on s’y souvenait toujours des Sénécas, des Cayugas, des Onéidas et autres tribus des Sept-Nations qui, au commencement du siècle, habitaient presque seules ces parages sur les confins de l’état de New-York. Notre immigrant avait acheté un terrain aux flancs de la vallée, et le défrichait. Lui qui n’avait jusque-là tenu dans son pays que la plume du savant et du lettré menait maintenant la charrue, ou débitait des arbres à la hache. Il se prêta de bonne grâce à cette transformation si soudaine, et, comme ses ressources étaient limitées, il alla jusqu’à châtrer lui-même ses porcs, — à faire avec sa charrette des voyages de pierres pour un voisin : il fallait vivre et gagner le pain de chaque jour. Sa femme était d’une santé très délicate, elle ne tarda pas à tomber malade, mourut, et le laissa seul avec deux enfans en bas âge. Un moment, isolé dans sa cahute, il perdit courage. « Je regardais le ciel, me disait-il, et il me semblait tout noir. » Le ciel récompensa à la fin l’énergique persistance du colon, qui put vendre sa ferme, gagner New-York, et là trouver un emploi plus conforme à ses goûts et à sa première éducation. Il occupe aujourd’hui un poste élevé dans les bureaux du gouvernement fédéral à Washington.
agriculteurs improvisés me racontait dans la vallée de Newark, que je visitais avec lui, les rudes débuts de sa carrière de colon. C’était précisément dans cette même vallée qu’il était venu planter sa tente quelque vingt ans auparavant. Newark-Valley était alors, comme à présent, habitée par des familles suisses, mais elle était loin de présenter la même extension de culture. Aujourd’hui c’est une des vallées les plus fertiles de l’état de New-York : on y récolte le blé, le maïs, le chanvre ; dans les bois, on recueille le sucre d’érable. En 1848, une grande partie de ces terres était encore en friche, et l’on s’y souvenait toujours des Sénécas, des Cayugas, des Onéidas et autres tribus des Sept-Nations qui, au commencement du siècle, habitaient presque seules ces parages sur les confins de l’état de New-York. Notre immigrant avait acheté un terrain aux flancs de la vallée, et le défrichait. Lui qui n’avait jusque-là tenu dans son pays que la plume du savant et du lettré menait maintenant la charrue, ou débitait des arbres à la hache. Il se prêta de bonne grâce à cette transformation si soudaine, et, comme ses ressources étaient limitées, il alla jusqu’à châtrer lui-même ses porcs, — à faire avec sa charrette des voyages de pierres pour un voisin : il fallait vivre et gagner le pain de chaque jour. Sa femme était d’une santé très délicate, elle ne tarda pas à tomber malade, mourut, et le laissa seul avec deux enfans en bas âge. Un moment, isolé dans sa cahute, il perdit courage. « Je regardais le ciel, me disait-il, et il me semblait tout noir. » Le ciel récompensa à la fin l’énergique persistance du colon, qui put vendre sa ferme, gagner New-York, et là trouver un emploi plus conforme à ses goûts et à sa première éducation. Il occupe aujourd’hui un poste élevé dans les bureaux du gouvernement fédéral à Washington.


Les immigrans gardent longtemps l’empreinte de leur caractère national ; ce n’est qu’à la deuxième ou la troisième génération qu’ils se fondent réellement dans la grande famille américaine, et que tout trait distinctif disparaît à peu près entièrement pour laisser la place à un type nouveau que les ethnologistes ont déjà classé sous le nom de « type américain. » En faisant la part de certaines exagérations des savans de cabinet, qui voient déjà dans ce type un retour au type primitif de l’Indien ou du sauvage aborigène de l’Amérique du Nord, on ne peut nier que la race ''{{lang|en|yankee}}'' ne soit en effet une race distincte. La caricature, le roman, le théâtre, en Angleterre comme en France, se sont justement emparés de ce type, et ici , bien entendu, nous donnons à ce mot de ''{{lang|en|yankee}}'' l’extension qu’il a en Europe, et nous ne le réservons pas seulement, comme aux États-Unis, aux descendans des puritains qui, au temps de Charles {{rom-maj|1|1}}{{e|er}}, vinrent peupler la Nouvelle-Angleterre et faillirent un jour emmener Grom-
Les immigrans gardent longtemps l’empreinte de leur caractère national ; ce n’est qu’à la deuxième ou la troisième génération qu’ils se fondent réellement dans la grande famille américaine, et que tout trait distinctif disparaît à peu près entièrement pour laisser la place à un type nouveau que les ethnologistes ont déjà classé sous le nom de « type américain. » En faisant la part de certaines exagérations des savans de cabinet, qui voient déjà dans ce type un retour au type primitif de l’Indien ou du sauvage aborigène de l’Amérique du Nord, on ne peut nier que la race ''{{lang|en|yankee}}'' ne soit en effet une race distincte. La caricature, le roman, le théâtre, en Angleterre comme en France, se sont justement emparés de ce type, et ici, bien entendu, nous donnons à ce mot de ''{{lang|en|yankee}}'' l’extension qu’il a en Europe, et nous ne le réservons pas seulement, comme aux États-Unis, aux descendans des puritains qui, au temps de Charles {{rom-maj|1|1}}{{e|er}}, vinrent peupler la Nouvelle-Angleterre et faillirent un jour emmener {{tiret|Crom|well}}