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table. Un des moments les plus pénibles de sa vie était celui où chaque matin, en s’éveillant, il ''apprenait'' son malheur. Ce jour-là, il acheva la copie de sa lettre presque en riant. Est-il possible, se disait-il, qu’il se soit trouvé un jeune homme pour écrire ainsi ! Il compta plusieurs phrases de neuf lignes. Au bas de l’original, il aperçut une note au crayon.
sa table. Un des moments les plus pénibles de sa vie était celui où chaque matin, en s’éveillant, il ''apprenait'' son malheur. Ce jour-là, il acheva la copie de sa lettre presque en riant. Est-il possible, se disait-il, qu’il se soit trouvé un jeune homme pour écrire ainsi ! Il compta plusieurs phrases de neuf lignes. Au bas de l’original, il aperçut une note au crayon.


''On porte ces lettres soi-même : à cheval, cravate noire, redingote bleue. On remet la lettre au portier d’un air contrit ; profonde mélancolie dans le regard. Si l’on aperçoit quelque femme de chambre, essuyer ses yeux furtivement. Adresser la parole à la femme de chambre.''
''On porte ces lettres soi-même : à cheval, cravate noire, redingote bleue. On remet la lettre au portier d’un air contrit ; profonde mélancolie dans le regard. Si l’on aperçoit quelque femme de chambre, essuyer ses yeux furtivement. Adresser la parole à la femme de chambre.''
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Depuis un mois, le plus beau moment de la vie de Julien était celui où il remettait son cheval à l’écurie. Korasoff avait expressément défendu de regarder, sous quelque prétexte que ce fût, la maîtresse qui l’avait quitté. Mais le pas de ce cheval qu’elle connaissait si bien, la manière avec laquelle Julien frappait de sa cravache à la porte de l’écurie pour appeler un homme attiraient quelquefois Mathilde derrière le rideau de sa fenêtre. La mousseline était si légère que Julien voyait à travers. En regardant d’une certaine façon sous le bord de son chapeau, il apercevait la taille de Mathilde sans voir ses yeux. Par conséquent, se disait-il, elle ne peut voir les miens, et ce n’est point là la regarder.
Depuis un mois, le plus beau moment de la vie de Julien était celui où il remettait son cheval à l’écurie. Korasoff avait expressément défendu de regarder, sous quelque prétexte que ce fût, la maîtresse qui l’avait quitté. Mais le pas de ce cheval qu’elle connaissait si bien, la manière avec laquelle Julien frappait de sa cravache à la porte de l’écurie pour appeler un homme attiraient quelquefois Mathilde derrière le rideau de sa fenêtre. La mousseline était si légère que Julien voyait à travers. En regardant d’une certaine façon sous le bord de son chapeau, il apercevait la taille de Mathilde sans voir ses yeux. Par conséquent, se disait-il, elle ne peut voir les miens, et ce n’est point là la regarder.


Le soir, Mme de Fervaques fut pour lui exactement comme si elle n’eût pas reçu la dissertation philosophique, mystique et religieuse que, le matin, il avait remise à son portier avec tant de mélancolie. La veille, le hasard avait révélé à Julien le moyen d’être éloquent ; il s’arrangea de façon à
Le soir, madame de Fervaques fut pour lui exactement comme si elle n’eût pas reçu la dissertation philosophique, mystique et religieuse que, le matin, il avait remise à son portier avec tant de mélancolie. La veille, le hasard avait révélé à Julien le moyen d’être éloquent ; il s’arrangea de façon à