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bre au 15 décembre, pendant lesquelles elles vinrent différentes fois à Yuste; elles en partirent pour aller attendre à Badajoz l’infante doña Maria[1]. La reine douairière de Hongrie revint seule au monastère le 3 mars; elle était accablée de douleur. A la suite de l’entrevue de Badajoz, la reine de France, déjà souffrante lorsqu’elle s’y rendait, avait vu son mal empirer; elle avait eu beaucoup de peine à atteindre Talaveruela, où, le 18 février, la mort l’avait enlevée. Charles-Quint mêla ses larmes à celles de sa sœur; il avait une grande tendresse pour Éléonore, qui toujours s’était montrée soumise à ses volontés et dont le caractère était aussi bon que facile[2].

Pour complaire au roi, Charles avait consenti à garder quelque temps encore la dignité impériale; mais il n’en appelait pas moins de tous ses vœux le moment où il serait déchargé de la couronne des Césars, comme de celles qu’il avait déposées déjà. Le jour où il apprit que sa renonciation à l’empire avait été notifiée aux électeurs et qu’ils l’avaient acceptée, fut pour lui un jour de fête. Il réunit les gens de sa maison, leur fit donner lecture de la lettre où l’on le lui annonçait, et leur dit avec l’accent de la joie : « Maintenant je ne suis plus rien. » Il ordonna que son nom fût remplacé par celui de Ferdinand dans les prières qui se disaient à la messe pour l’empereur. Il chargea le secrétaire Vazquez de lui faire faire de nouveaux sceaux où il n’y eût ni couronne, ni aigle, ni toison, ni autre ornement. Il voulut même que, dans les lettres qu’il écrivait et dans celles qui lui seraient adressées, on ne le traitât plus d’empereur ni de majesté : mais sur ce dernier point il se rendit aux représentations de Gaztelú, et rien ne fut changé au formulaire de sa correspondance[3].

Dans les premiers temps qui suivirent son entrée au monastère, Charles-Quint n’eut que des motifs de s’applaudir du séjour qu’il avait choisi. Il ne se ressentait presque plus de ses anciennes maladies; son appétit, son sommeil ne laissaient rien à désirer; il prenait de l’embonpoint; sa couleur était excellente; ses forces renaissaient : aussi était-il l’homme le plus content du monde[4]. Le 24 février 1557, sans être soutenu pour ainsi dire, il alla au maître-autel offrir un nombre d’écus égal à celui des années qu’il venait d’accomplir et un écu de plus : c’était sa coutume le jour anniversaire de sa naissance. L’hiéronymite auquel on doit une relation si intéressante de la retraite de Charles-Quint nous explique pourquoi l’empereur ajoutait un écu à ceux qui correspondaient au chiffre de ses années : il voulait par-là, dit-il, remercier Dieu de lui avoir conservé l’existence et le supplier de la lui conserver encore en y joignant la santé, afin qu’il fût mieux en état de le servir. Le 27 mai il alla communier à l’ermitage de Belen, situé à un trait d’arquebuse du couvent. Au mois de juin il se sentit assez fort pour dîner au réfectoire avec les moines; deux jours auparavant il avait pu faire usage de son arbalète et tirer des pigeons[5]. Jusqu’à l’entrée de l’hiver il se maintint dans cet état. Sur la fin de novembre, la goutte le réprit; elle lui attaqua les bras, les genoux, le côté droit. Cette première attaque se renouvela deux fois à quelques jours d’intervalle : Charles fut empêché d’entendre le sermon pendant tout le carême. Le retour de la bonne saison lui rendit la santé[6]. Du mois de mars au mois d’août il n’eut à se plaindre que de l’irritation aux jambes[7]. C’était toujours par des bains mélangés de verjus ou de vinaigre et d’eau de rose qu’il la combattait. Le docteur Mathys n’approuvait pas l’emploi de ce remède; il le jugeait même très--

  1. Retraite et mort, etc., t. I, pp. 174, 182, 184, 186, 189, 193, 227, 232.
  2. Ibid., t. I, pp. 266, 268, 271, 273, 275, 280.
  3. Retraite et mort, etc., t. I, pp 292, 296; t. II, pp. XXIX, 39, 386, 411, 439.
  4. «..... Està el mas contento hombre del mundo, ....., y lo dice. » (Lettre de Quijada à Vazquez du 30 août 1557, dans Retraite et mort, etc., t. I. p. 167.)
  5. Retraite et mort, etc., t. I, pp. 125, 127, 144, 152, 154, 156, 158, 159, 160, 189, 190, 212, 219; t. II pp. 27, 31, 163.
  6. Lettre de Charles à Philippe II du 31 mars 1558, dans Retraite et mort, etc., t. II, p. 366.
  7. Retraite et mort, etc., t. I, pp. 311, 312.