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duel de 1859 avec l’Autriche : « Nous venons de faire de l’histoire, maintenant allons dîner. » Si l’on veut voir ce qu’un esprit éminent peut faire du régime parlementaire, le voilà. C’est par le régime parlementaire que Cavour a relevé le Piémont des ruines de Novare et a créé l’Italie nouvelle ; c’est avec des chambres qu’il a tout fait sans leur marchander leurs droits, mais en sachant les conduire. Et la diplomatie, il la pratiquait comme le régime parlementaire, résolument, mais libéralement, sans craindre de dire sa pensée, en sachant même se faire une arme de la franchise. « Je sais maintenant l’art de tromper les diplomates, disait-il gaîment, je leur dis la vérité, et ils ne me croient pas. » Il ne la disait peut-être pas toujours tout entière, ou bien il ne la disait qu’au moment où elle pouvait le servir. Quant au secret de sa politique, il ne le cachait guère. Qu’il nouât des alliances de commerce dès 1853, qu’il décidât la coopération du Piémont à la campagne de Crimée en 1855, qu’il allât à Plombières ou qu’il fît un emprunt en 1858, le but était toujours le même : il y marchait avec autant de prudence que de fixité, en s’efforçant de ramener à des conditions pratiques une des plus prodigieuses révolutions.
duel de 1859 avec l’Autriche : « Nous venons de faire de l’histoire, maintenant
allons dîner. » Si l’on veut voir ce qu’un esprit éminent peut
faire du régime parlementaire, le voilà. C’est par le régime parlementaire
que Cavour a relevé le Piémont des ruines de Novare et a créé
l’Italie nouvelle ; c’est avec des chambres qu’il a tout fait sans leur marchander
leurs droits, mais en sachant les conduire. Et la diplomatie, il la
pratiquait comme le régime parlementaire, résolument, mais libéralement,
sans craindre de dire sa pensée, en sachant même se faire une
arme de la franchise. « Je sais maintenant l’art de tromper les diplomates,
disait-il gaîment, je leur dis la vérité, et ils ne me croient pas. »
Il ne la disait peut-être pas toujours tout entière, ou bien il ne la disait
qu’au moment où elle pouvait le servir. Quant au secret de sa politique,
il ne le cachait guère. Qu’il nouât des alliances de commerce dès 1853,
qu’il décidât la coopération du Piémont à la campagne de Crimée en
1855, qu’il allât à Plombières ou qu’il fît un emprunt en 1858, le but
était toujours le même : il y marchait avec autant de prudence que de
fixité, en s’efforçant de ramener à des conditions pratiques une des plus
prodigieuses révolutions.


Certes peu d’hommes auront accompli d’aussi grandes choses dans un si petit nombre d’années ; le mérite de Cavour était de les prévoir, de les préparer lorsque personne n’y songeait, et, particularité étrange, c’est Cavour qui dès 1858, d’accord avec l’empereur Napoléon {{rom-maj|III|3}}, faisait les premières démarches auprès de la Prusse, qui avait alors pour premier ministre un prince de Hohenzollern, pour chef du gouvernement le prince régent, depuis l’empereur Guillaume. C’est Cavour qui, après s’être entendu avec Napoléon {{rom-maj|III|3}}, envoyait un personnage italien chargé de sonder le prince de Hohenzollern, de l’attirer à la cause qu’on se préparait à défendre, en ouvrant à la Prusse des perspectives nouvelles en Allemagne ; mais à cette époque le prince de Hohenzollern déclinait poliment ces ouvertures, se bornant à parler du Piémont avec courtoisie et protestant de son respect pour les traités. C’était le prélude inconnu d’événemens encore lointains, à peine croyables. À tous les faits publics, le livre de M. Massari ajoute cette partie intime qui éclaire et vivifie l’histoire. Ce qui reste évident par toutes ses actions, par toutes ses pensées, c’est que Cavour, même en prévoyant une alliance possible avec la Prusse, ne séparait pas les intérêts de l’Italie des intérêts de la France, créant ainsi une politique d’intimité permanente qu’on ne peut pas plus abandonner à Rome qu’à Paris sans péril pour les deux nations.
Certes peu d’hommes auront accompli d’aussi grandes choses dans un
si petit nombre d’années ; le mérite de Cavour était de les prévoir, de
les préparer lorsque personne n’y songeait, et, particularité étrange,
c’est Cavour qui dès 1858, d’accord avec l’empereur Napoléon III, faisait
les premières démarches auprès de la Prusse, qui avait alors pour premier
ministre un prince de Hohenzollern, pour chef du gouvernement
le prince régent, depuis l’empereur Guillaume. C’est Cavour qui, après
s’être entendu avec Napoléon III, envoyait un personnage italien chargé
de sonder le prince de Hohenzollern, de l’attirer à la cause qu’on se
préparait à défendre, en ouvrant à la Prusse des perspectives nouvelles
en Allemagne ; mais à cette époque le prince de Hohenzollern déclinait
poliment ces ouvertures, se bornant à parler du Piémont avec courtoisie
et protestant de son respect pour les traités. C’était le prélude inconnu
d’événemens encore lointains, à peine croyables. À tous les faits
publics, le livre de M. Massari ajoute cette partie intime qui éclaire et
vivifie l’histoire. Ce qui reste évident par toutes ses actions, par toutes
ses pensées, c’est que Cavour, même en prévoyant une alliance possible
avec la Prusse, ne séparait pas les intérêts de l’Italie des intérêts de la
France, créant ainsi une politique d’intimité permanente qu’on ne peut
pas plus abandonner à Rome qu’à Paris sans péril pour les deux nations.


L’année nouvelle sera-t-elle plus favorable à l’Espagne que l’année qui finit ? L’abdication du roi Amédée, l’avènement de la république à Madrid, l’insurrection socialiste désolant les villes du midi et allant se concentrer à Carthagène, où elle résiste encore, la guerre carliste se perpétuant dans le nord, des crises de gouvernement, des impossibilités
L’année nouvelle sera-t-elle plus favorable à l’Espagne que l’année qui finit ? L’abdication du roi Amédée, l’avénement de la république à Madrid, l’insurrection socialiste désolant les villes du midi et allant se concentrer à Carthagène, où elle résiste encore, la guerre carliste se perpétuant dans le nord, des crises de gouvernement, des impossibilités