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d’incertitudes, dans l’ambiguïté irritante d’une situation où le moindre prétexte ravivait les antagonismes péniblement contenus par la diplomatie, où les années, les mois, se marquaient en quelque sorte par une traînée d’incidens qui pouvaient à tout moment allumer un conflit. Tantôt c’était l’affaire du Luxembourg, tantôt c’était la question des chemins de fer belges, où se rencontraient l’influence française et l’influence prussienne. Un jour c’était l’occupation de Mayence par les troupes de l’Allemagne du nord, un autre jour c’était le percement du Saint-Gothard par l’intervention de la Prusse. En d’autres termes, la guerre restait à la merci de l’imprévu, d’un accident. Il y avait seulement une différence des plus graves entre ces deux nations ainsi placées face à face.
{{tiret2|d’in|certitudes}}, dans l’ambiguïté irritante d’une situation où le moindre prétexte ravivait les antagonismes péniblement contenus par la diplomatie, où les années, les mois, se marquaient en quelque sorte par une traînée d’incidens qui pouvaient à tout moment allumer un conflit. Tantôt c’était l’affaire du Luxembourg, tantôt c’était la question des chemins de fer belges, où se rencontraient l’influence française et l’influence prussienne. Un jour c’était l’occupation de Mayence par les troupes de l’Allemagne du nord, un autre jour c’était le percement du Saint-Gothard par l’intervention de la Prusse. En d’autres termes, la guerre restait à la merci de l’imprévu, d’un accident. Il y avait seulement une différence des plus graves entre ces deux nations ainsi placées face à face.


La Prusse, sans désirer précisément la guerre, la croyait et la savait inévitable. Elle sentait ce qu’il y avait d’incertain et d’inachevé dans la situation nouvelle créée par ses conquêtes. Résolue non-seulement à défendre ces conquêtes, mais à les étendre, à ne pas laisser subsister cette barrière du Mein qu’on lui opposait, à pousser en un mot jusqu’au bout l’unification allemande, elle était persuadée que la France, qui avait déjà tant de peine à s’accommoder des transformations de 1866, saisirait cette occasion de trancher la question par les armes ; elle ne doutait pas de la guerre pour ce jour-là, et elle s’y préparait avec une vigilante et méthodique activité. Elle travaillait sans relâche à encadrer dans son organisation militaire les provinces annexées d’abord, puis la confédération du nord tout entière, créant trois nouveaux corps dans son armée, un corps saxon spécial, une division hessoise, qui, tout en gardant une apparence d’autonomie, ne restait pas moins soumise au régime prussien. Au lieu de s’endormir sur leurs succès, les généraux allemands, les chefs de l’état-major de Berlin, s’appliquaient à corriger ce que la campagne de Bohême avait révélé de défectueux dans le mécanisme déjà si puissant qu’ils avaient entre les mains. De toute façon, la Prusse touchait au moment où les effets des réformes accomplies depuis 1860 et même depuis 1866 allaient se déployer dans leur énergique efficacité. L’armée prussienne apparaissait de plus en plus comme un corps vigoureux composé d’hommes qui étaient dans la force de l’âge, entre vingt et trente-deux ans, qui n’arrivaient dans la landwehr qu’avec une éducation toute faite. Cette landwehr, sur laquelle on se méprenait si étrangement à Paris, dans laquelle on voyait une sorte de garde nationale, elle allait compter dès 1870 des classes ayant fait les guerres de 1864, de 1866. La Prusse était désormais en mesure de suffire à tout. La France, de son côté, flottant toujours entre les rancunes de Sadowa et des préoccupations d’un ordre tout intérieur, la France,
La Prusse, sans désirer précisément la guerre, la croyait et la savait inévitable. Elle sentait ce qu’il y avait d’incertain et d’inachevé dans la situation nouvelle créée par ses conquêtes. Résolue non-seulement à défendre ces conquêtes, mais à les étendre, à ne pas laisser subsister cette barrière du Mein qu’on lui opposait, à pousser en un mot jusqu’au bout l’unification allemande, elle était persuadée que la France, qui avait déjà tant de peine à s’accommoder des transformations de 1866, saisirait cette occasion de trancher la question par les armes ; elle ne doutait pas de la guerre pour ce jour-là, et elle s’y préparait avec une vigilante et méthodique activité. Elle travaillait sans relâche à encadrer dans son organisation militaire les provinces annexées d’abord, puis la confédération du nord tout entière, créant trois nouveaux corps dans son armée, un corps saxon spécial, une division hessoise, qui, tout en gardant une apparence d’autonomie, ne restait pas moins soumise au régime prussien. Au lieu de s’endormir sur leurs succès, les généraux allemands, les chefs de l’état-major de Berlin, s’appliquaient à corriger ce que la campagne de Bohême avait révélé de défectueux dans le mécanisme déjà si puissant qu’ils avaient entre les mains. De toute façon, la Prusse touchait au moment où les effets des réformes accomplies depuis 1860 et même depuis 1866 allaient se déployer dans leur énergique efficacité. L’armée prussienne apparaissait de plus en plus comme un corps vigoureux composé d’hommes qui étaient dans la force de l’âge, entre vingt et trente-deux ans, qui n’arrivaient dans la landwehr qu’avec une éducation toute faite. Cette landwehr, sur laquelle on se méprenait si étrangement à Paris, dans laquelle on voyait une sorte de garde nationale, elle allait compter dès 1870 des classes ayant fait les guerres de 1864, de 1866. La Prusse était désormais en mesure de suffire à tout.
La France, de son côté, flottant toujours entre les rancunes de Sadowa et des préoccupations d’un ordre tout intérieur, la France,