« Itinéraire de Paris à Jérusalem/Voyage/Notes » : différence entre les versions

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==__MATCH__:[[Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/489]]==
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" Cependant les capitaines et lieutenants du roy de Perse Darius, ayant mis une grosse puissance ensemble, l’attendoient au passage de la rivière de Granique. Si estoit nécessaire de combattre là, comme à la barrière de l’Asie pour en gaigner l’entrée ; mais la plupart des capitaines de son conseil craignoient la profondeur de cette rivière et la hauteur de l’autre rive, qui estoit roide et droite, et si ne la pouvoit-on gaigner ny y monter sans combattre : et y en avoit qui disoient qu’il falloit prendre garde à l’observance ancienne des mois, pour ce que les roys de Macédoine n’avoient jamais accoustumé de mettre leur armée aux champs le mois de juing ; à quoy Alexandre leur respondit qu’il y remédieroit bien, commandant que l’on l’appellast le second mai. Davantage Parmenion estoit d’avis que pour le premier jour il ne falloit rien hasarder, à cause qu’il estoit desja tard ; à quoy il luy respondit que l’Hellespont rougiroit de honte si luy craignoit de passer une rivière, veu qu’il venoit de passer un bras de mer ; " et en disant cela, il entra luy-mesme dedans la rivière avec treize compagnies de gens de cheval, et marcha la teste baissée à l’encontre d’une infinité de traicts que les ennemis lui tirèrent, montant contre-mont d’autre rive, qui estoit couppée et droite, et, qui pis est, toute couverte d’armes, de chevaux et d’ennemis qui l’attendoient en bataille rangée, poulsant les siens à travers le fil de l’eau, qui estoit profonde, et qui couroit si roide, qu’elle les emmenoit presque aval, tellement que l’on estimoit qu’il y eust plus de fureur en sa conduite que de bon sens ny de conseil. Ce nonobstant il s’obstina à vouloir passer à toute force, et feit tant qu’à la fin il gaigna l’autre rive à grande peine et grande difficulté : mesmement pour ce que la terre y glissoit à cause de la fange qu’il y avoit. Passé qu’il fust, il fallut aussi tost combattre pesle mesle d’homme à homme, pour ce que les ennemis chargèrent incontinent les premiers passez, avant qu’ils eussent loisir de se ranger en bataille, et leur coururent sus avec grands cris, tenants leurs chevaux bien joints et serrez l’un contre l’autre, et combattirent à coups de javeline premièrement, et puis à coups d’espée, après que les javelines furent brisées. Si se ruèrent plusieurs ensemble tout à coup sur luy, pour ce qu’il estoit facile à remarquer et cognoistre entre tous les autres à son escu, et à la cueue qui pendoit de son armet, à l’entour de laquelle il y avoit de costé et d’autre un pennache grand et blanc à merveille. Si fut atteinct d’un coup de javelot au défault de la cuirasse, mais le coup ne percea point ; et comme Roesaces et Spithridates, deux des principaux capitaines persians, s’adressassent ensemble à luy, il se détourna de l’un, et picquant droit à Roesaces, qui estoit bien armé d’une bonne cuirasse, luy donna un si grand coup de javeline, qu’elle se rompit en sa main, et meit aussi tost la main à l’espée ; mais ainsi comme ils estoient accouplez ensemble, Spithridates s’approchant de luy en flanc, se souleva sur son cheval, et luy ramena de toute sa puissance un si grand coup de hache barbaresque, qu’il couppa la creste de l’armet, avec un des costez du pennache, et y feit une telle faulsée, que le tranchant de la hache pénétra jusques aux cheveux : et ainsi comme il en vouloit encore donner un autre, le grand Clitus le prévint, qui lui passa une parthisane de part en part à travers le corps, et à l’instant mesme tomba aussi Roesaces, mort en terre d’un coup d’espée que lui donna Alexandre. Or, pendant que la gendarmerie combattoit en tel effort, le bataillon des gens de pied macédoniens passa la rivière, et commencèrent les deux batailles à marcher l’une contre l’autre ; mais celle des Perses ne sousteint point courageusement ny longuement, ains se tourna incontinent en fuite, exceptez les Grecs qui estoyent à la soude du roy de Perse, lesquels se retirèrent ensemble dessus une motte, et demandèrent que l’on les prist à mercy ! Mais Alexandre donnant le premier dedans, plus par cholere que de sain jugement, y perdit son cheval, qui luy fut tué sous luy d’un coup d’espée à travers les flancs. Ce n’estoit pas Bucéphal, ains un autre ; mais tous ceulx qui furent en celle journée tuez ou blecez des siens le furent en cest endroit-là, pour ce qu’il s’opiniastra à combattre obstineement contre hommes agguerriz et desesperez. L’on dit qu’en ceste première bataille il mourut du costé des barbares vingt mille hommes de pied, et deux mille cinq cents de cheval : du costé d’Alexandre Aristobulus escrit qu’il y en eut de morts trente et quatre en tout, dont douze estoyent gens de pied, à tous lesquelz Alexandre voulut, pour honorer leur mémoire, que l’on dressast des images de bronze faictes de la main de Lysippus : et voulant faire part de ceste victoire aux Grecs, il envoya aux Athéniens particulièrement trois cents boucliers de ceulx qui furent gaignez en la bataille, et generalement sur toutes les autres despouilles ; et sur tout le buttin feit mettre ceste tres honorable inscription : Alexandre, fils de Philippus, et les Grecs, exceptez les Lacédémoniens, ont conquis ce buttin sur les barbares habitants en Asie. " (N.d.A.)
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Voici la description que le Père Babin fait du temple de Minerve :
 
" Ce temple, qui paraît de fort loin, et qui est l’édifice d’Athènes le plus élevé au milieu de la citadelle, est un chef-d’œuvre des plus excellents architectes de l’antiquité. Il est long d’environ cent vingt pieds et large de cinquante. On y voit trois rangs de voûtes soutenues de fort hautes colonnes de marbre, savoir, la nef et les deux ailes : en quoi il surpasse Sainte-Sophie, bâtie à Constantinople par l’empereur Justinien, quoique d’ailleurs ce soit un miracle du monde. Mais j’ai pris garde que ses murailles par dedans sont seulement encroûtées et couvertes de grandes pièces de marbre, qui sont tombées en quelques endroits des galeries d’en haut, où l’on voit des briques et des pierres qui étaient couvertes de marbre.
 
" Mais quoique ce temple d’Athènes soit si magnifique pour sa matière, il est encore plus admirable pour sa façon et pour l’artifice qu’on y remarque : ''Materiam superabat opus''. Entre toutes les voûtes, qui sont de marbre, il y en a une qui est la plus remarquable, à cause qu’elle est tout ornée d’autant de belles figures gravées sur le marbre qu’elle en peut contenir.
 
" Le vestibule est long de la largeur du temple, et large d’environ quatorze pieds, au-dessous duquel il y a une longue voûte plate, qui semble être un riche plancher ou un magnifique lambris, car on y voit de longues pièces de marbre, qui semblent de longues et grosses poutres, qui soutiennent d’autres grandes pièces de même matière, ornées de diverses figures et personnages avec un artifice merveilleux.
 
" Le frontispice du temple, qui est fort élevé au-dessus de ce vestibule, est tel que j’ai peine à croire qu’il y en ait un si magnifique et si bien travaillé dans toute la France. Les figures et statues du château de Richelieu, qui est le chef-d’œuvre des ouvriers de ce temps, n’ont rien qui approche de ces belles et grandes figures d’hommes, de femmes et de chevaux, qui parais sent environ au nombre de trente à ce frontispice, et autant à l’autre côté du temple, derrière le lieu où était le grand autel du temps des chrétiens.
 
" Le long du temple, il y a une allée ou galerie de chaque côté, où l’on passe entre les murailles du temple, et dix-sept fort hautes et fort grosses colonnes cannelées qui ne sont pas d’une seule pièce, mais de diverses grosses pièces de beau martre blanc, mises les unes sur les autres. Entre ces beaux piliers, il y a le long de cette galerie une petite muraille qui laisse entre chaque colonne un lieu qui serait assez long et assez large pour y faire un autel et une chapelle, comme on en voit aux côtés et proche des murailles des grandes églises.
 
" Ces colonnes servent à soutenir en haut, avec des arcs-boutants, les murailles du temple, et empêchent par dehors qu’elles ne se démantèlent par la pesanteur des voûtes. Les murailles de ce temple sont embellies en haut par dehors, d’une belle ceinture de pierres de marbre, travaillées en perfection, sur lesquelles sont représentés quantité de triomphes ; de sorte qu’on y voit en demi-relief une infinité d’hommes, de femmes, d’enfants, de chevaux et de chariots, représentés sur ces pierres, qui sont si élevées, que les yeux ont peine à en découvrir toutes les beautés, et à remarquer toute l’industrie des architectes et des sculpteurs qui les ont faites. Une de ces grandes pierres a été portée dans la mosquée, derrière la porte, où l’on voit avec admiration quantité de personnages qui y sont représentés avec un artifice non pareil.
 
" Toutes les beautés de ce temple, que je viens de décrire, sont des ouvrages des anciens Grecs païens. Les Athéniens, ayant embrassé le christianisme, changèrent ce temple de Minerve en une église du vrai Dieu, et y ajoutèrent un trône épiscopal et une chaire de prédicateur, qui y restent encore, des autels qui ont été renversés par les Turcs, qui n’offrent point de sacrifices dans leurs mosquées. L’endroit du grand autel est encore plus blanc que le reste de la muraille ; les degrés pour y monter sont entiers et magnifiques. "
 
Cette description naïve du Parthénon, à peu près tel qu’il était du temps de Periclès, ne vaut-elle pas bien les descriptions, plus savantes, que l’on a faites des ruines de ce beau temple ? (N.d.A.)
 
 
Note
 
Daniel.
 
" Cependant les capitaines et lieutenants du roy de Perse Darius, ayant mis une grosse puissance ensemble, l’attendoient au passage de la rivière de Granique. Si estoit nécessaire de combattre là, comme à la barrière de l’Asie pour en gaigner l’entrée ; mais la plupart des capitaines de son conseil craignoient la profondeur de cette rivière et la hauteur de l’autre rive, qui estoit roide et droite, et si ne la pouvoit-on gaigner ny y monter sans combattre : et y en avoit qui disoient qu’il falloit prendre garde à l’observance ancienne des mois, pour ce que les roys de Macédoine n’avoient jamais accoustumé de mettre leur armée aux champs le mois de juing ; à quoy Alexandre leur respondit qu’il y remédieroit bien, commandant que l’on l’appellast le second mai. Davantage Parmenion estoit d’avis que pour le premier jour il ne falloit rien hasarder, à cause qu’il estoit desja tard ; à quoy il luy respondit que l’Hellespont rougiroit de honte si luy craignoit de passer une rivière, veu qu’il venoit de passer un bras de mer ; " et en disant cela, il entra luy-mesme dedans la rivière avec treize compagnies de gens de cheval, et marcha la teste baissée à l’encontre d’une infinité de traicts que les ennemis lui tirèrent, montant contre-mont d’autre rive, qui estoit couppée et droite, et, qui pis est, toute couverte d’armes, de chevaux et d’ennemis qui l’attendoient en bataille rangée, poulsant les siens à travers le fil de l’eau, qui estoit profonde, et qui couroit si roide, qu’elle les emmenoit presque aval, tellement que l’on estimoit qu’il y eust plus de fureur en sa conduite que de bon sens ny de conseil. Ce nonobstant il s’obstina à vouloir passer à toute force, et feit tant qu’à la fin il gaigna l’autre rive à grande peine et grande difficulté : mesmement pour ce que la terre y glissoit à cause de la fange qu’il y avoit. Passé qu’il fust, il fallut aussi tost combattre pesle mesle d’homme à homme, pour ce que les ennemis chargèrent incontinent les premiers passez, avant qu’ils eussent loisir de se ranger en bataille, et leur coururent sus avec grands cris, tenants leurs chevaux bien joints et serrez l’un contre l’autre, et combattirent à coups de javeline premièrement, et puis à coups d’espée, après que les javelines furent brisées. Si se ruèrent plusieurs ensemble tout à coup sur luy, pour ce qu’il estoit facile à remarquer et cognoistre entre tous les autres à son escu, et à la cueue qui pendoit de son armet, à l’entour de laquelle il y avoit de costé et d’autre un pennache grand et blanc à merveille. Si fut atteinct d’un coup de javelot au défault de la cuirasse, mais le coup ne percea point ; et comme Roesaces et Spithridates, deux des principaux capitaines persians, s’adressassent ensemble à luy, il se détourna de l’un, et picquant droit à Roesaces, qui estoit bien armé d’une bonne cuirasse, luy donna un si grand coup de javeline, qu’elle se rompit en sa main, et meit aussi tost la main à l’espée ; mais ainsi comme ils estoient accouplez ensemble, Spithridates s’approchant de luy en flanc, se souleva sur son cheval, et luy ramena de toute sa puissance un si grand coup de hache barbaresque, qu’il couppa la creste de l’armet, avec un des costez du pennache, et y feit une telle faulsée, que le tranchant de la hache pénétra jusques aux cheveux : et ainsi comme il en vouloit encore donner un autre, le grand Clitus le prévint, qui lui passa une parthisane de part en part à travers le corps, et à l’instant mesme tomba aussi Roesaces, mort en terre d’un coup d’espée que lui donna Alexandre. Or, pendant que la gendarmerie combattoit en tel effort, le bataillon des gens de pied macédoniens passa la rivière, et commencèrent les deux batailles à marcher l’une contre l’autre ; mais celle des Perses ne sousteint point courageusement ny longuement, ains se tourna incontinent en fuite, exceptez les Grecs qui estoyent à la soude du roy de Perse, lesquels se retirèrent ensemble dessus une motte, et demandèrent que l’on les prist à mercy ! Mais Alexandre donnant le premier dedans, plus par cholere que de sain jugement, y perdit son cheval, qui luy fut tué sous luy d’un coup d’espée à travers les flancs. Ce n’estoit pas Bucéphal, ains un autre ; mais tous ceulx qui furent en celle journée tuez ou blecez des siens le furent en cest endroit-là, pour ce qu’il s’opiniastra à combattre obstineement contre hommes agguerriz et desesperez. L’on dit qu’en ceste première bataille il mourut du costé des barbares vingt mille hommes de pied, et deux mille cinq cents de cheval : du costé d’Alexandre Aristobulus escrit qu’il y en eut de morts trente et quatre en tout, dont douze estoyent gens de pied, à tous lesquelz Alexandre voulut, pour honorer leur mémoire, que l’on dressast des images de bronze faictes de la main de Lysippus : et voulant faire part de ceste victoire aux Grecs, il envoya aux Athéniens particulièrement trois cents boucliers de ceulx qui furent gaignez en la bataille, et generalement sur toutes les autres despouilles ; et sur tout le buttin feit mettre ceste tres honorable inscription : Alexandre, fils de Philippus, et les Grecs, exceptez les Lacédémoniens, ont conquis ce buttin sur les barbares habitants en Asie. " (N.d.A.)