« Notice sur les titres et les travaux scientifiques de Louis Lapicque » : différence entre les versions

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En outre, la formule de Dubois, e = k*(p^(0,56)), prend la forme de la courbe la plus facile à tracer, à suivre et à extrapoler; elle doit s'écrire, en effet:
 
* log(e) = (0,56)*(log(p)) + log(k)
 
qui revient ici à:
 
* y = ax + b.
 
L'encéphale en fonction du poids du corps chez les mammifères et les oiseaux, dans une famille où k est constant, est exprimé par une droite. Les droites des diverses familles sont toutes parallèles entre elles (pente constante de 0,56) et placées les unes au-dessus des autres, suivant la différence présentée par le logarithme de k. Ces droites qui représentent des niveaux d'égalité dans l'organisation nerveuse, abstraction faite de la masse du corps, j'ai proposé de les appeler isoneurales. Les lignes qui représenteraient une proportion constante au poids du corps, un vingtième, un centième, sont ici des droites inclinées à 45°; elles coupent les isoneurales, de façon à bien montrer l'erreur systématique du poids relatif de Cuvier. Une espèce isolée, portée au tableau sous forme d'un point suivant ses coordonnées, est alors immédiatement repérée quant au degré de son évolution nerveuse. Pour les animaux à sang chaud, on peut saisir d'un coup d'oeil le sens de cette évolution; il est en gros conforme à ce que nous savons des animaux, au point de vue psychique comme au point de vue phylogénique. Par exemple, l'homme dont la supériorité cérébrale, incontestable, a été longtemps d'une expression si difficile, apparaît nettement au-dessus de toute la série; assez loin au-dessous, la première isoneurale est celle des singes anthropoïdes; et la baleine, malgré son encéphale de 7 kilogrammes, est facilement ramenée dans le gros des mammifères, l'oeil étant guidé par la série des parallèles. Seul, l'éléphant occupe une position un peu choquante dont l'explication est encore à chercher. A titre simplement de première indication (car la relation du poids de l'encéphale au poids du corps semble ici très différente), j'ai posé les points de quelques vertébrés à sang froid, et même de deux invertébrés, le poulpe et le homard, en prenant la somme des ganglions sus et sous-oesophagiens comme l'équivalent de l'encéphale. Un tableau graphique a l'avantage de faire apparaître aux yeux des relations qui peuvent échapper sous la forme abstraite de la formule algébrique.
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Il fallait se demander si la formule de Dubois, fort bien vérifiée entre espèces, parmi tous les animaux à sang chaud, est valable aussi entre individus d'une même espèce.
 
 
* Loi chez le Chien domestique.
 
Bien avant la publication du mémoire de Dubois, dès 1893, quand M. Charles Richet avait publié son mémoire sur le poids du cerveau, de la rate et du foie chez les chiens de différentes tailles, j'avais remarqué que la loi était différente, d'une part, chez le chien, d'autre part, dans la série des mammifères; mais je n'avais pas réussi à donner à cette différence une expression précise. Lorsque parut le mémoire de Dubois, je m'empressai d'essayer la formule exponentielle. Me servant des chiffres réunis par M. Richet, je fis des groupes de grands chiens et de petits chiens, et je calculai l'exposant de relation. Dans sept combinaisons de sept groupes, j'obtins les valeurs suivantes:
* 0,25; 0,20; 0,20; 0,23; 0,25; 0,20; 0,23;
 
toutes valeurs bien différentes de la valeur 0,56, mais peu différentes de la fraction 1/4 = 0,25. J'obtins le même résultat sur une série d'observations personnelles (recueillies en collaboration avec M. Dhéré).
 
A peu près tous les chiens dont j'ai pu avoir les chiffres, soit par moi-même, soit en les empruntant à d'autres auteurs, étaient des chiens livrés aux laboratoires par la fourrière; ce sont toujours, comme les règlements l'exigent, des animaux sans valeur; autrement dit, jamais des chiens de race, rien que des bâtards le plus souvent indéterminables. J'ai donc été obligé de traiter tous les chiens comme appartenant à une seule et même espèce, ce qui ne parait pas nécessairement a priori créer des erreurs dans le cas où nous sommes placés, quand même les chiens proviendraient de plusieurs souches distinctes, et quand même les races artificielles posséderaient des caractères spéciaux dans leur développement encéphalique. A posteriori, ayant construit le graphique de la répartition des cas individuels, je n'ai vu apparaître aucune distribution systématique des points. La courbe de fréquence s'écarte beaucoup de la loi de Gauss, loi des écarts probables, qui s'applique aux groupes naturels monomorphes; mais elle ne présente pas plusieurs maxima distincts caractérisant d'emblée un polymorphisme. Je pense qu'avec les documents dont nous disposons actuellement, il est inutile de chercher à analyser une telle complexité. Si on avait affaire à des chiens de races bien définies, on verrait probablement la série globale se décomposer en séries partielles dont les relations seraient intéressantes. J'ai essayé de rassembler des matériaux pour cette étude, mais je n'ai encore rien obtenu d'utilisable.
Si le poids de l'encéphale peut, chez nos chiens, être traduit par une expression de la forme E = k*(P^r), c'est avec une valeur de l'exposant égale environ à 0,25 qu'il faut l'essayer. Voici les valeurs de k calculées dans dix groupes au moyen de cet exposant; si la loi s'applique, k doit être sensiblement le même pour tous les groupes:
 
* Nombre de cas
* Poids moyen du corps
* Poids moyen de l'encéphale
* Coefficient
 
* I. 17; 38 kilogrammes; 107 grammes; 7,6;
* II. 27; 28 — ; 95 — ; 7,3;
* III. 27; 22 — ; 94 — ; 7,8;
* IV. 18; 19 — ; 86,5 — ; 7,4;
* V. 27; 15 — ; 85 — ; 7,7;
* VI. 27; 10 — ; 75 — ; 7,4;
* VII. 24; 7 — ; 72 — ; 7,8;
* VIII. 11; 5 — ; 64 — ; 7,6;
* IX. 6; 3 — ; 60 — ; 8,1;
* X. 4; 1,6 — ; 51 — ; 8,1.
 
Excepté pour les deux derniers groupes, les écarts sont faibles et non systématiques; on peut réduire ces écarts à rien en fusionnant II et III, IV et V, VI et VII. On obtient en effet les valeurs suivantes :
 
* Numéro du groupe
* Poids moyen du corps
* Coefficient
 
* I. 38 kilogrammes; 7,6;
* II-III. 26 — ; 7,5;
* IV-V. 17 — ; 7,6;
* VI-VII. 8,5 — ; 7,6;
* VIII. 5 — ; 7,6.
 
Il y a donc lieu, chez le chien, d'admettre un exposant de relation avec la valeur 0,25.
 
 
* Loi dans l'espèce humaine.
 
Aucune autre espèce que le chien ne présente une aussi large variation de poids du corps. A mesure que cette variation diminue, on est tenu à une précision de plus en plus grande, car lorsque les poids du corps sont peu écartés, une très petite différence sur le chiffre de ce poids ou celui de l'encéphale modifie sensiblement la valeur qui serait trouvée pour l'exposant de relation. L'espèce humaine, qui présente une variation du poids corporel relativement peu étendue, est susceptible néanmoins d'être étudiée à ce point de vue, en raison du nombre énorme d'observations. J'estime à 17000 au moins le nombre de poids encéphaliques publiés. Il est donc possible de constituer des groupes assez nombreux pour réduire à très peu de chose les variations individuelles (en regard desquelles les erreurs de pesées sont négligeables s'il s'agit de pesées de la même main). Néanmoins, l'influence du poids du corps est si faible, par rapport à ces variations individuelles, qu'elle a d'abord été niée; aujourd'hui, on peut considérer comme admis par les anthropologistes en général que, suivant une règle formulée pour la première fois par John Marshall en 1875, le poids encéphalique croit un peu moins vite que la taille. Or, la taille c'est, en première approximation, une fonction de la racine cubique du poids du corps; la relation admise après Marshall par Bischoff en Allemagne, Broca et Manouvrier en France, peut donc se traduire, dans la notation employée plus haut: k*(p^(0,33)) > e > k*(p^0). D'autre part, M. Dubois, après avoir trouvé sa formule relative aux espèces de mammifères, a essayé de l'appliquer à l'intérieur de l'espèce humaine (1898); à son grand étonnement, il a constaté, par une détermination d'ailleurs indirecte et assez peu sûre, que l'exposant de relation était dans ce cas sensiblement 0,125 et non 0,56. Il n'avait pas eu connaissance de la note où j'avais, quelques mois auparavant, indiqué exactement la même valeur pour l'espèce canine, et il considéra le fait relatif à l'homme comme une exception, attribuable au développement des circonvolutions (?).
Les pesées suffisamment nombreuses d'encéphales humains étant toujours faites sur des sujets morts de maladie, le poids du corps, quand il a été noté, n'a pas grande valeur. Mais on peut se servir de la taille comme mesure de la grandeur du corps, et, pour comparer aux animaux, revenir de là au poids si on établit la relation entre la taille et le poids chez l'homme normal.
J'ai cherché cette relation du poids à la taille, en me servant des nombres publiés par M. Hassing (74000 déterminations sur des Américains du Nord). On sait que le poids n'est pas proportionnel au cube de la taille, il croit moins vite qu'elle. J'ai cherché d'abord arithmétiquement si le poids marche comme une puissance de la taille autre que le cube. Voici les chiffres auxquels je suis arrivé, en prenant quelques séries par âges que j'ai divisées en groupes successifs suivant la taille:
 
* Hommes de 30 à 34 ans.
* Taille; Poids;
* a: 186; 82,82;
* b: 176; 72,83;
* c: 166; 64,59;
* d: 156; 58,94;
 
* Hommes de 35 à 39 ans.
* Taille; Poids;
* a: 188; 87,19;
* b: 176; 74,13;
* c: 164; 64,30;
* d: 152; 59,40;
 
* Hommes de 40 à 44 ans.
* Taille; Poids;
* a: 180; 79,09;
* b: 168; 68,40;
* c: 158; 61,96.
 
Ces chiffres, pris par deux couples de diverses manières, donnent les nombres sui-vants pour l'exposant de la puissance à laquelle il faut élever la taille pour retrouver le poids expérimental.
 
* Hommes de 30 à 34 ans.
* a et d: 1,92;
* a et b: 2,33;
* b et c: 2,05;
* c et d: 1,47;
 
* Hommes de 35 à 39 ans.
* a et d: 1,80;
* a et b: 2,0;
* b et c: 2,30;
* c et d: 1,04;
 
* Hommes de 40 à 44 ans.
* a et c: 1,84;
* a et b: 2,41;
* b et c: 1,55.
 
On trouve une valeur voisine de 1,9 quand on compare entre elles, soit les plus grandes et les plus petites tailles, soit deux tailles voisines de la moyenne, l'une au-dessus, l'autre
au-dessous de la moyenne. Mais quand on compare entre elles deux tailles d'un même côté de la moyenne, l'exposant baisse pour les petites tailles et monte pour les grandes. On ne peut pas exprimer la courbe du poids en fonction de la taille par la proportionnalité simple à une puissance de la taille. Néanmoins, quand il s'agira de comparer entre eux deux groupes d'individus pris, les uns dans les grandes tailles, les autres dans les petites, on pourra pratiquement calculer comme si le poids variait proportionnellement au carré de la taille, ou un peu moins vite (1).
 
Prenant maintenant toutes les bonnes séries où sont notés la taille et le poids cérébral, celles de Bischoff (Allemands, 1880), de Broca (Français, in Manouvrier, 1885), Retzius (Suédois, 1900), Matiegka (Bohême, 1902), F. Marchand (Hessois, 1902), et ne conservant que les sujets de vingt-cinq à quarante ans, ce qui me laissait encore plusieurs centaines par série, je suis arrivé aux chiffres suivants (je mets en colonnes distinctes les hommes H, et les femmes, F).
 
* Auteurs
* Exposant des relations (H - F)
* Bischoff: 0,14; 0,25;
* Broca-Manouvrier: 0,34; 0,15;
* Retzius: 0,34; 0,25;
* Matiegka: 0,19; 0,25;
* Marchand: 0,14; 0,28;
* Moyenne: 0,230; 0,224.
 
* (1) C'est de cette formule pratique que je me suis servi en prenant la valeur 1,9. Mais j'ai eu la curiosité de chercher une formule exprimant d'une façon plus exacte la fonction de la taille suivant laquelle croit le poids du corps. En portant en graphique les points expérimentaux (poids du corps en ordonnée, taille en abscisse), on voit apparaître une courbe (comme cela ressort des chiffres ci-dessus) plus arquée que la courbe a*(x^2) passant par deux points quelconques. Prolongée vers l'ordonnée d'origine par le sentiment de la continuité, la courbe expérimentale parait tendre à couper cette ordonnée à une certaine hauteur au-dessus de 0; il était donc indiqué d'essayer de la traduire empiriquement par une équation de la forme
y = a*(x^3) + b. On obtient en effet des valeurs assez concordantes, avec une erreur systématique encore, mais faible, en représentant le poids P en fonction de la taille H par la formule
P = 9*(H^3) + 25 (la taille en mètres et le poids en kilogrammes pour la commodité des nombres).
 
* Taille
* Poids observé
* Poids calculé
 
* 1,50; 1,55; 1,60; 1,65; 1,30; 1,15; 1,80;
* 57; 58,5; 51; 64; 68; 72; 76,5;
* 55,2; 58,5; 61,8; 65,2; 69; 73,1; 77,1.