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la « loi salique » fixera ce progrès et cette conquête de nos Capétiens. La maxime « Le roi est mort, vive le Roi ! » prendra cours. Singulière rencontre de l’histoire cette acquisition de l’hérédité par la royauté française correspond presque exactement, pour l’Allemagne, au grand Interrègne, à l’échec définitif de la puissante maison des Hohenstaufen.
la « loi salique » fixera ce progrès et cette conquête de nos Capétiens. La maxime « Le roi est mort, vive le Roi ! » prendra cours. Singulière rencontre de l’histoire : cette acquisition de l’hérédité par la royauté française correspond presque exactement, pour l’Allemagne, au grand Interrègne, à l’échec définitif de la puissante maison des Hohenstaufen.


D’où vient cette différence ? D’où vient que les modestes Capétiens aient réussi où avaient échoué ces brillantes familles othonienne, henricienne, frédéricienne et, après elles, ces Habsbourg qui disposaient de tant de ressources ? Était-ce donc une tâche plus lourde de faire l’unité de l’Allemagne que de faire l’unité de la France ? Est-il plus malaisé de gouverner et de commander les Allemands que les Français ?… À tout compter, les difficultés ont été les mêmes pour former une nation française et une nation allemande, un État français et un État germanique. Les peuples allemands ont sans doute leur particularisme. Mais nous avons nos partis. Si la « querelle d’Allemands symbolise leurs guerres civiles, nous avons nos factions à la gauloise qui perpétuent l’antique et funeste travers des divisions. Qu’on évoque, dans l’histoire de notre pays, les minorités et les régences, — l’unique faiblesse des monarchies héréditaires. Ces éclipses de l’autorité royale ont toujours été périlleuses, toujours marquées par un retour offensif de l’anarchie. Depuis la minorité de saint Louis jusqu’à celle de Louis XIV, on a vu, dans notre pays, les séditions se renouveler chaque fois que les rênes étaient moins fermement tenues. C’est une plaisante idée que de s’imaginer que les mouvements insurrectionnels et les révolutions datent chez nous de 1789. Un auteur obscur mais judicieux a écrit, dans la première moitié du siècle dernier, une originale histoire de ce qu’il appelait « les six restaurations ». Il voyait Louis IX, Jean le Bon (après la conjuration d’Étienne Marcel), Charles VII, Henri IV et Louis XIV (après la Fronde) réoccupant le trône dans les mêmes conditions que Louis XVIII. Il y a du vrai dans cette vue. Et les cabochiens, la Ligue dite du Bien public, le siècle si affreusement troublé des guerres de religion autant de souvenirs encore où l’on reconnaît que le naturel français n’a pas rendu la tâche de nos rois plus facile que ne l’a été celle des Empereurs allemands. Il est aussi enfantin de se représenter l’histoire de notre {{tiret|monar|chie}}
D’où vient cette différence ? D’où vient que les modestes Capétiens aient réussi où avaient échoué ces brillantes familles othonienne, henricienne, frédéricienne et, après elles, ces Habsbourg qui disposaient de tant de ressources ? Était-ce donc une tâche plus lourde de faire l’unité de l’Allemagne que de faire l’unité de la France ? Est-il plus malaisé de gouverner et de commander les Allemands que les Français ?… À tout compter, les difficultés ont été les mêmes pour former une nation française et une nation allemande, un État français et un État germanique. Les peuples allemands ont sans doute leur particularisme. Mais nous avons nos partis. Si la « querelle d’Allemands symbolise leurs guerres civiles, nous avons nos factions à la gauloise qui perpétuent l’antique et funeste travers des divisions. Qu’on évoque, dans l’histoire de notre pays, les minorités et les régences, — l’unique faiblesse des monarchies héréditaires. Ces éclipses de l’autorité royale ont toujours été périlleuses, toujours marquées par un retour offensif de l’anarchie. Depuis la minorité de saint Louis jusqu’à celle de Louis XIV, on a vu, dans notre pays, les séditions se renouveler chaque fois que les rênes étaient moins fermement tenues. C’est une plaisante idée que de s’imaginer que les mouvements insurrectionnels et les révolutions datent chez nous de 1789. Un auteur obscur mais judicieux a écrit, dans la première moitié du siècle dernier, une originale histoire de ce qu’il appelait « les six restaurations ». Il voyait Louis IX, Jean le Bon (après la conjuration d’Étienne Marcel), Charles VII, Henri IV et Louis XIV (après la Fronde) réoccupant le trône dans les mêmes conditions que Louis XVIII. Il y a du vrai dans cette vue. Et les cabochiens, la Ligue dite du Bien public, le siècle si affreusement troublé des guerres de religion : autant de souvenirs encore où l’on reconnaît que le naturel français n’a pas rendu la tâche de nos rois plus facile que ne l’a été celle des Empereurs allemands. Il est aussi enfantin de se représenter l’histoire de notre {{tiret|monar|chie}}