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espéré que son fils, qui devait lui en apporter et lui amener aussi un corps de troupes espagnoles, arriverait en Angleterre aussitôt après les ratifications de son mariage avec la reine, et Philippe, ayant mis une extrême lenteur dans ses préparatifs de voyage, était encore en ce moment dans la Péninsule[1]. La perte de Marienbourg exigeait cependant que des dispositions promptes et énergiques fussent prises. La reine Marie revint en hâte à Bruxelles; le duc de Savoie y fut appelé avec Doria, Castaldo et d’autres chefs de l’armée; un grand conseil de guerre fut réuni le 3 juillet. Les troupes impériales qui pouvaient tenir la campagne n’excédaient pas une quinzaine de mille hommes d’infanterie et quatre à cinq mille chevaux; les généraux furent d’avis de leur faire prendre position en avant de Bruxelles, pour couvrir cette capitale[2]. Charles-Quint ne partagea pas leur opinion; jugeant, d’après les derniers mouvements des Français, que leur dessein était d’occuper le pays de Liége, d’où ils auraient entravé le passage des gens de guerre qu’il attendait d’Allemagne et mis à contribution la partie la plus fertile du Brabant, il résolut d’aller camper près de Namur, de façon à leur couper le chemin de la Meuse[3]. L’ordre fut immédiatement donné aux troupes qui étaient dans le Hainaut et le Cambrésis de prendre cette direction; des dépêches pressantes furent envoyées aux colonels des régiments levés dans la Germanie, afin qu’ils accélérassent leur marche; la reine régente commanda aux villes de Brabant, à celle de Malines, aux châtellenies des pays de Waes, d’Alost, de Ternonde, d’enrôler tous les hommes de leur juridiction respective en état de porter les armes et de choisir, dans le nombre, ceux qui seraient le plus aptes à la guerre, pour en former des compagnies lesquelles iraient grossir le camp de l’empereur; elle prescrivit aux gouverneurs des provinces méridionales de faire sommer les nobles qui n’étaient pas déjà au service ou ne remplissaient point des charges publiques, de se monter et s’armer pour recevoir la même destination[4]. Charles-Quint quitta Bruxelles le 7 juillet; il était en litière découverte; la reine Marie à cheval avec une multitude de grands personnages lui faisait escorte. Le peuple se porta en foule sur son passage et témoigna, par ses acclamations, le contentement qu’il avait de la détermination de son souverain. Charles dit, à son départ, que, si les Français étaient disposés à combattre, il voulait une fois pour toutes finir la guerre[5]. Il arriva à Namur le 8; le jour suivant il alla visiter le château[6].

On se ferait difficilement une idée aujourd’hui de la licence qui régnait à cette époque parmi les gens de guerre, parmi les Espagnols surtout, de leurs insolences, des brigandages auxquels ils se livraient envers les malheureux habitants des campagnes[7]. Les officiers de justice du plat pays, impuissants à empêcher

  1. Dans sa dépêche du 4 juillet, Pandolfini, parlant de l’embarras où se trouvait l’empereur, s’exprime ainsi : « Tutti questi disordini sono in buona parte attribuiti alla tarda natura di S. M., ancorchè et ella et i consiglieri suoi ne diano la colpa alla troppa tardanza del principe di Spagna, con dire che havevano fondato ogni loro disegno et pensiero sopra le genti et danari che S. Alta conduce seco..... »
  2. Dépêches de l’archevêque de Conza des 5 et 6 juillet. (Vol. cité, fol. 125 et 129.)
  3. Relation officielle des mouvements de l’armée de l’empereur et de l’armée française, du 8 au 29 juillet. (Analectes historiques, t. III, p. 107.)
  4. Ces ordres donnés aux villes et aux gentilshommes eurent de médiocres résultats. Pour faire marcher à l’armée les milices communales, il aurait fallu les payer, et le trésor était vide; il n’y eut qu’une compagnie d’Anvers et une de Malînes qui prirent part aux opérations militaires. Quant aux gentilshommes, le nombre de ceux qui se présentèrent aux rendez-vous qui leur avaient été assignés fut peu considérable.
  5. « S. M. Cesa parti hieri alle due hore in lettica scoperta con gran sadisfattione di tutto il popolo, il qual era avidissimo di vederla. Seco cavalcò la serenissima regina d’Ongheria, il signor don Ferrando et molt’ altra nobilità. Nel partirsi ha detto che se Francesi l’aspettano al combattere, vuol finir una volta per sempre questa guerra (Dépêche de l’archevêque de Conza du 8 juillet 1554 : vol. cité, fol. 134.)
  6. Dépêche de l’archevêque de Conza du 14 juillet : vol. cité, fol. 136.
  7. Dons une lettre écrite de Jodoigne, le 12 juillet 1554, à l’empereur, la reine Marie en fait un tableau saisissant : « Si d’ung coustel — dit-elle — faict à peser le peu de satisfaction des gens de guerre, qui ne désirent estre chastiés de leurs oultraiges, d’aultre part est de grande importance de laisser les insolences si énormes impugnies, lesquelles sont exécrables et oncques par cy-devant veues en ce pays, quelques grosses armées que l’on y ait menées : de sorte qu’il n’est question de vivre et menger sur le bonhomme, ou de fouraiger le pays, mais de le saccaigner à cincq ou six lieues à la ronde autour de l’armée, sans y laisser ny meubles, ustensilz ny bestial, navrans et oultraigeans tant qu’ilz en treuvent. Et se saulve desjà tout ce qu’est à l’entour d’icy vers Louvain..... » (Arch. du royaume.)
        Le 30 juillet elle écrivait à Granvelle : « Les foules et pilleries que les gens de guerre de S. M. font aux pauvres gens augmentent de jour en jour, de sorte qu’il n’y a gentilshommes, cloistres ni paysans qui n’en souffrent; et devient la cryerie si grande et universelle que je ne sais comment l’on pourra remédier, et moins apaiser les bons subjectz, ayant furni libérallement les aydes et faict; au surplus tout bon debvoir » (Ibid.)